Les voies du Seigneur sont peut-être impénétrables mais elles ne protègent pas de l’instabilité. BECOMING THE ARCHETYPE en aura fait l’amère expérience. Ce quatrième effort aura assurément été celui de trop. Bien sûr, Seth Hecox, le leader du groupe est toujours là pour offrir un semblant de direction artistique au projet mais il est désormais bien seul. Jason Wisdom (chant et basse) et Brent Duckett (batterie), deux des cinq membres qui ont fondé le projet en 2004, ont quitté le navire juste après cette sortie, et pas forcément à la manière d’un rongeur soucieux de sauver sa peau. Entre temps, Jon Star et Sean Cunningham, les deux guitaristes d’origine se sont eux aussi fait la malle. Une saignée, vous dis-je. Et pourtant, BECOMING THE ARCHETYPE est toujours sur pied et s’est même refait une santé avec un cinquième opus récemment sorti et plutôt inattendu à une date aussi avancée. Il succède donc à ce Celestial Completion qui marque la fin d’une ère.

Tout d’abord, il convient de rappeler que ces Géorgiens (dans le sens le plus américain du terme, et pas caucasien) sont discrètement passés d’un Death Metal mélodique à un Metalcore progressif au fur à mesure des sorties de leurs trois premiers albums. Si ce choix n’est guère discutable puisqu’il s’agit du leur, on pourra quand même débattre sur la pertinence d’une telle évolution, qui n’a rien de vraiment naturelle quand on sait que THE REMNANT, leur premier groupe, était un pur produit de Death mélodique. Concept biblique oblige, une marque de fabrique pour eux, on retrouve dans ce Celestial Completion les ambiances quasi-religieuses, ou du moins totalement épiques et délabrées, qui ont fait leur réputation outre-Atlantique. Et c’est bien nécessaire, parce que s’il fallait compter sur les plans instrumentaux pour sortir d’un registre Metalcore assez convenu, on serait surement mort avant. Conformément à ce qu’on a pu découvrir sur Dichotomy, BECOMING THE ARCHETYPE a un peu lâché le Death à la suédoise pour déteindre sur un Metalcore assez haché et à l’esprit torturé, emmené par un Jason Wisdom furieux derrière son micro. A part quelques plans en sweeping et quelques envolées mélodiques, les guitares ont globalement du mal à briser leurs chaines. Ou alors, il faut que la composition soit tellement délurée que les guitares n’ont pas d’autres choix que de suivre. Je pense particulièrement à « Cardiac Rebellion », un morceau très original qui incorpore dans ce Metalcore granuleux des trombones et qui jouit même d’un final haletant, entre le Swing du cat-band des Aristochats et le Jazz de Michael Bublé, le tout sur fond de riffs lourds et métallisés. Ce sont les seuls moments où l’on se sent vraiment intimes avec ces messieurs. Je ne sais pas si c’est plus une qualité ou un défaut, mais il semble évident qu’ils ont besoin d’aller dans l’extravagance pour exister. Qu’on parle du chant clair sur « The Magnetic Sky » (qui rappelle bigrement le « The Jealous Wings » d’A PLEA FOR PURGING), du solo de piano sur « Music Of The Spheres : Requiem Aeternam Part I », des chœurs à la THERION sur « Xenosynthesis : Requiem Aeternam Part III » ou du sitar et des ambiances indiennes d’« Invisible Creature », il y a toujours un élément intrusif qui propulse Celestial Completion dans des sphères hautement originales. C’est d’ailleurs assez plaisant d’avoir droit à un peu de diversité et de pouvoir découvrir sur un disque de Metalcore des instruments qu’on a rarement l’occasion d’entendre.

C’est d’ailleurs ce qui me fait dire que BECOMING THE ARCHETYPE n’est pas vraiment un groupe de Metalcore comme les autres. Certes, il y a des structures inévitables qui font un peu cliché, mais grâce à ce trop-plein de créativité, matérialisé par l’utilisation d’instruments comme le sitar, le trombone, le violon, le tabla, Celestial Completion tire son épingle du jeu, tout en respectant sa ligne de conduite dictée par le décalogue. Difficile, après être passé sur un album aussi cohérent que fantaisiste, d’imaginer l’éclatement d’une formation qui avait tout pour atteindre son céleste achèvement.