Son regard sombre et austère défie l'autorité. Ses cheveux poussent sur son crâne tel l'herbe au beau milieu du Sahara. Sa barbe majestueuse est nouée à la façon d'une natte, comme un isthme qui fend sa poitrine. Vous ne le reconnaissez pas, j'en suis certain, mais vous l'avez surement déjà entendu jouer. Vargher, Marcus E. Norman de son vrai nom, 37 ans, guitariste pour NAGLFAR depuis 2000 (soit quatre des six albums de leur discographie) et maître-penseur d'ANCIENT WISDOM, un projet parallèle fondé en 1992 sous le nom de PAIN et au sein duquel il rencontrera un certain Andreas Nilsson, autre guitariste de NAGLFAR depuis sa création en 1993. Vous comprenez ainsi qu'au cœur de cette scène nordique à la réputation faite depuis bien longtemps, rien n'est vraiment laissé au hasard. Un étroit fil relie tout ce beau monde, comme un lien du sang auquel on ne peut échapper.

Il n'y a cependant aucune actualité vraiment récente pour le bon Vargher. Le dernier album de NAGLFAR, Teras, est sorti depuis un an et demi et voilà presque une décennie qu'il n'a plus touché à ANCIENT WISDOM. Il ne me fallait pas meilleur argument pour revenir sur Cometh Doom, Cometh Death, le quatrième opus de ce one-man band qui apporte quelques éclaircissements quant à l'évolution musicale de NAGLFAR depuis Sheol en 2003. L'idée est d'abord de comprendre que tout ce qui est expulsé de cette œuvre l'est aussi de l'esprit dérangé de Vargher, et qu'il est le seul et unique responsable de l'orientation métallique de ce Black Metal. Oui, c'est froid, c'est lugubre et macabre, mais des ténèbres émane aussi une lumière universelle, imperceptible, mais matérialisée ici par des arrangements sympho-atmosphériques palpitants. On a l'impression d'être enfermé dans une salle d'opéra désaffectée d'où surgissent les spectres du docteur Faust et de son associé. Pianos désaccordés, cordes frottées et râles cadavériques s'imbriquent dans une alchimie très orchestrale et finalement désarçonnante puisque greffée sur un Black Metal mélodique et avant-gardiste. On a souvent l'impression qu'ANCIENT WISDOM atteint une forme de nirvana créatif en rendant ses structures particulièrement lancinantes ("Sulphurfields") ou théâtrales ("Procreation Denied"), mais c'est véritablement sous-estimer les ressources de Cometh Doom, Cometh Death, qui attendra près de 35 minutes avant de s'exprimer pleinement au travers d'un final grandiose ("Universal Annihilation"). Longue de 15 minutes (comme une certaine "Seven Tears Are Flowing To The River"), elle poussera Vargher dans un paroxysme retranché mêlant orchestrations, ambiances décadentes et surtout, improbables solos à vous en retourner les boyaux (celui entre 9'50 et 10'24, un régal !). D'une beauté absolument renversante et d'une pureté de mort, elle achèvera dans le fracas et la brillance l'œuvre complexe d'un artiste qui ne l'est pas moins.

Pourtant, tout m'empêche de croire qu'ANCIENT WISDOM est une évidence. Inactif depuis bientôt dix ans, relativement anonyme du temps où il ne l'était pas, ce vieux projet tombé aux oubliettes était également couvert d'une bonne couche de poussière qui empêchait toute lisibilité. Il n'y avait que le hasard pour nous rappeler son existence. Une existence malmenée, bourrée d'une ingratitude que Vargher chassera en rejoignant NAGLFAR, mais qui ne nous fera pas oublier que Cometh Doom, Cometh Death était en son temps un très bel opus.