On n'est pas toujours objectif il faut l'admettre. Tenez, prenez Lester Bangs par exemple, tout ce qui touchait les DOORS ou Iggy POP, c'était pain béni, intouchable, à la limite du mystique. Je ne suis pas différent de mon illustre modèle, à un niveau bien plus humble et particulier.
En termes de Metal, il y a des gens comme ça, qui m'inspirent confiance. Devin Townsend bien sur, les DILLINGER, DEF LEPPARD, NAPALM, mais aussi des exemples moins illustres.
Allez, parlons en, puisqu'il faut bien préciser. J'ai toujours aimé DEATH SS, leur univers, leur sens de la théâtralité, leur exagération et leur Hard Rock un peu shock & horror. C'est comme ça, et puis les déguisements, j'étais fan. J'ai découvert ça jeune, et depuis, ça ne m'a pas quitté. Alors, tout ce qui touche de près ou de loin à ce groupe, j'adhère, ou au moins, ça retient mon attention.
Et donc, par extension, j'écoute, et je juge avec un peu moins d'impartialité que le reste. Et je m'intéresse donc en particulier au quatrième album de H.A.R.E.M., puisque.
Puisque ? Puisque c'est le groupe de Freddy Delirio, monté de toute pièce en 1994. Pour les ignorants, Freddy c'est le clavier des DEATH SS, avec qui il a enregistré un paquet d'albums et effectué quelques tournées entre 1994 et 1996, et 2005/2010. Depuis vingt et un an, le caresseur d'ébène et d'ivoire s'amuse au sein de son propre projet, entouré aujourd'hui de Nik Giannelli (basse), Matt Stevens (guitare) et Giuseppe Favia (batterie), la plus jeune recrue, enrôlée en 2014.
Après la sortie d'un Best Of la même année (20 Years : The Very Best Of), Freddy s'est remis au travail pour nous proposer une suite à ses aventures, sous la forme d'un cirque bizarre, dont il nous invite au spectacle. Alors, quel genre de show vous attend ? Un genre d'American Horror Story, glauque, sanglant et barré ? Non, la piste de H.A.R.E.M. est beaucoup plus conviviale, éclairée, et fréquentée par des gens de confiance. Tiens, pour l'occasion et quelques numéros, il a même invité des amis très select, puisqu'on retrouve sur certains morceaux son maître à penser Steve SYLVESTER (DEATH SS, évidemment), mais aussi Reb BEACH (WHITESNAKE, WINGER, COOPER, etc.).
Alors expliquez-moi comment ne pas jeter une oreille sur ce nouvel album avec tous ces éléments en main ? Impossible, je suis d'accord, mais le maître d'oeuvre en parle avant tout en ces termes :

"Enjoy The Show a été un album pensé à 360 degrés, de sa source à la production, tous les détails ont été étudiés. C'est quelque part un concept album à cause de la narration successive des morceaux bien sur...Mais le son du groupe développe une multitude d'atmosphères, de l'introspection à des choses plutôt hypnotiques, le tout agrémenté d'harmonies et de rythmiques variées, riches et pleines d'impact. Alors asseyez vous et....bienvenue au spectacle!"

Et il est vrai que celui ci est intégral. Sur une base Hard Rock somme toute assez classique, le quatuor a brodé pour "enrober" le son et le rendre spectaculaire, comme un délire de funambule poursuivi par des lions. Certes, la folie est douce, et les frissons raisonnables, mais le rendu est si pertinent et captivant qu'il est difficile de ne pas craquer pour un certain nombre de morceaux, sinon le projet dans son entier.

Rien de vraiment nouveau évidemment, mais de très solides chansons, courtes la plupart du temps, qui évoluent dans des univers similaires, mais détachés par quelques détails notables.
Le tout peut être festif, intimiste, avec des lumières tamisées ("Green Diamonds" et sa mélodie amère soutenue par les vocaux si caractéristiques de Freddy), et même parfois inspiré du Rock provocateur et légèrement synthétique de M. Manson ("Fire On Stage" et son énorme basse qui fouille les poches du public, avec ce chant nasillard et ces guitares qui claquent), sans oublier le bon gros Hard Rock qui dépote et tâche pour une relecture très joyeuse du tube des DOORS, "Break On Through", ludique et légèrement irrévérencieuse dans sa tentative de récupération du thème de Manzarek version orgue lugubre. Dans ces moments là, les Italiens se rapprochent de NOTRE DAME, de JESUS ON ECSTASY, et autres combos mélangeant avec flair les sonorités Circus Indus Glam et le Heavy le plus cru. Bien vu, c'est une très bonne surprise qui aurait bien fait marrer Jim je pense.

N'oublions pas les bravos à l'adresse d'un Heavy classique et fort efficace, comme ce "Angel" qui débute en prenant son temps, laissant des arrangements s'imposer avant de laisser les guitares se lâcher. gros mid tempo bien martelé, chant roublard mais mélodique, et refrain qui s'incruste dans la tête comme des harangues d'artistes en pleine représentation.
Ce Heavy est parfois d'ailleurs dilué dans un Hard bubble gum, histoire de vendre quelques confiseries aux enfants, et "Sparks" les émerveille de ses étincelles presque Pop Glam, conviant CHEAP TRICK à venir séduire ses danseuses équestres.
Ils leur offrent même des fleurs pendant l'intermède quasi final "Flower", sur lequel Freddy se veut nostalgique et crooner de la nuit pour une jolie ballade simple voix/claviers, mais qui évite quand même les poncifs de l'amoureux transi un peu trop larmoyant.
Le vrai final vous est livré en forme de remerciements, et "Thanks" dérape sur les chapeaux de roue Hard, avec un riff tranchant et vif, up tempo qui creuse un sillon tout autour de la piste, avec solo/cracheur de feu inclus dans le prix d'entrée. A tel point qu'il se permet même de présenter BLACKRAIN à SHOTGUN MESSIAH.

Tout ça est donc très plaisant, et les numéros présentés, à la croisée des chemins entre l'enseignement shock rock d'Alice COOPER, le Glam un peu Punky des BACKYARD BABIES et le Cyber Heavy de MANSON, sont travaillés, et passent même parfois pour de solides moments de bravoure. Les refrains sont entêtants, les guitares agressives mais smooth, et l'ambiance de cirque moderne est parfaitement restituée par des morceaux courts mais pertinents.
Et je l'avoue, Freddy en costume à queue de pie est un hôte de talent, qui sait insuffler un peu de folie dans sa musique, bien plus festive et légère que celle de son ancien groupe officiel.

Je vous l'avais dit, nous avons tous des affinités, c'est comme ça. Mais même avec un à priori positif, Enjoy The Show a su faire ses preuves et me convaincre, sans parti pris. Ou juste un petit peu alors.