EYESTRAL (FRA) - Beware The Rat King (2016)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 15 février 2016
Pays : Etats-Unis
Genre : Thrash Metal Progressif
Type : Album
Playtime : 7 Titres - 42 Mins
Souvenez-vous. Il y a longtemps, un jeune groupe nommé KING CRIMSON nous entraînait dans le cauchemar progressif et traumatique d'In The Court Of The Crimson King.
Dans un créneau radicalement différent, les 80's nous présentaient RISK, un combo iconoclaste et délirant nous narrant les aventures fantastiques et thrashy d'un super-héros improbable, Ratman.
Le rapport entre les deux ? Aucun.
Mais il semblerait qu'un groupe bien de chez nous ait décidé de mixer les deux références pour en faire une adaptation toute personnelle, aussi musicale que thématique, en proposant son premier EP Beware The Rat King.
Je divague ?
Pas tant que ça, puisque nos frenchies du jour offrent sur cette première livraison un Thrash aux inflexions Death technique et progressif, dont l'iconographie et l'orientation rappellent un croisement incertain entre ces deux exemples.
Certes, ils ne sombrent jamais dans les terrifiants dédales de la psyché troublée des CRIMSON, et ne cèdent jamais à la facilité potache des thrasheurs allemands, mais leur subtil équilibre entre vélocité, technique, et velléités progressives peuvent se concevoir comme le meilleur pont entre ces deux mondes pas si opposés qu'ils n'en ont l'air.
Les EYESTRAL nous en viennent de Rouen, Seine-Maritime, Normandie. Je ne sais pas si la leur est verte, mais en tout cas leurs horizons sont plutôt ombragés et contrastés. Le groupe est né de la rencontre entre Ant Majora (guitare/chant) thrasheur de la première heure capable de composer, et de David Ayme (guitare/programmation), prof de musique local passionné de Jazz et de fusion. Une fois le line-up complété par l'adjonction d'une section rythmique ad hoc (Valentin Chouaf à la basse et Baptiste Collay au kit), le quatuor propose une première démo quatre titres, avant de tenter le pari du EP, qui par sa durée s'apparenterait plus à un album classique, avec quarante-deux minutes de musique.
Si avant de tendre l'oreille sur l'œuvre en question, vous êtes en attente de quelques indications, dites-vous qu'un groupe qui ose reprendre le DEATH de The Sound Of Perseverance sait ce qu'il fait, ou se prend gravement les pieds dans le tapis en surestimant ses capacités. Et comme la reprise en question rend largement honneur à l'original en y apportant sa touche personnelle, la réponse devient alors évidente, et l'orientation aussi.
D'ailleurs, cette cover de "Scavenger Of Human Sorrow" est assez symptomatique du caractère intrinsèque des rouennais, dont le fond est assez proche des dernières années du groupe de feu Chuck. La voix de Ant est très proche du timbre nasillard et écorché des ultimes prestations vocales de Schuldiner, et certaines parties instrumentales un peu plus violentes que la moyenne Thrash de l'ensemble frisent souvent le Death technique du Floridien avant-gardiste.
Pourtant, Beware The Rat King débute son attaque par l'entremise d'un morceau purement Thrash, "The Forest Of Men", qui évoque tout autant le late DESTRUCTION que les premiers ATHEIST, et fait montre d'une maîtrise instrumentale bluffante qui ne prend jamais le pas sur la puissance. Soli inspirés, rythmique appuyée, et chant vicieux, on se croirait replongé en plein dans nos années lycée, avec toutefois une assise personnelle bien plus affirmée que la majorité des combos de l'époque.
Les breaks se multiplient à grande vitesse, et pourtant le groupe ne se perd pas en bavardages, les thèmes sont porteurs et accrocheurs, et les cassures de rythme pas forcément prévisibles et toujours soulignées de petites performances individuelles notables.
Pourtant, le quatuor a pris de sacrés risques en choisissant une optique de développement sans limite. Deux des titres atteignent ou dépassent les huit minutes, ce qui dans le style représente un écueil dangereux. Mais en s'appuyant sur une inspiration vraiment féroce et sophistiquée, les amples et ambitieux "Shifted" (et ses arrangements électroniques) et "Majora Family" se rapprochent beaucoup plus de l'optique Techno Death de CYNIC et de DEATH que des scènes Techno Thrash US et Allemande des années 80, quoiqu'on puisse sentir parfois quelques fortes réminiscences de CORONER et même du DEATHROW tardif sur "Majora Family".
Parties instrumentales soignées aux petits oignons qui rappellent même SPIRAL ARCHITECT, complexité qui ne tient jamais de la prétention mais de la richesse de composition, le boulot est peaufiné, mais jamais au détriment d'une efficacité diabolique qui vous épuise autant qu'elle vous transcende.
On pense très souvent à l'ATHEIST d'Unquestionable Presence et surtout d'Elements, dans une version beaucoup moins hermétique et acrobatique, mais EYESTRAL sait aussi mettre son sérieux de côté pour délivrer un "Gloom At It's Finest" qui gambade main dans la main avec un Funk radieux, avant de relancer la machine Thrash à plein régime.
C'est sans doute ce titre qui évoque le plus fidèlement l'univers Thrash des 80's, avec ses riffs en saccade et ses propulsions rythmiques atomiques, sans pour autant se départir de ces réflexes de fusion entre Metal et progressif.
Alors que la plupart des chanteurs évoluant dans cet univers se contentent de singer vocalement les parties de guitare, Ant a le mérite de moduler ses intonations pour offrir une véritable incarnation qui enrichit le spectre instrumental, tandis que son tandem avec David délivre un festival d'accroches à mi-chemin entre le chaos de riffs alambiqués et la folie mélodique de soli débridés.
Pour un premier EP, autoproduit qui plus est, EYESTRAL frappe très, très fort. Dans un style qui n'attire plus guère les foules, ils parviennent à reprendre des recettes éprouvées pour les agrémenter d'ingrédients personnels, avant de le restituer à leur sauce, qui doit autant son inspiration au Death des early 90's qu'au Techno Thrash des late 80's.
Une tuerie dans tous les sens du terme qui ne fait pas de quartier, démonstrative mais pas boursouflée, et surtout, captivante de par sa volonté de rester agressive mais ciselée.
La force d'un Death progressif surdéveloppé d'un sens inné du riff saccadé. Quel beau cadeau enveloppé dans une pochette superbe, qui nous introduit en quelque sorte à l'univers décalé et fantasmagorique d'un rongeur roi pour qui la violence subtile fait loi.
In The Court of the Crimson Rat King ?
C'est l'idée en soi. Mais s'il a fière allure sur son trône dans cette posture Shakespearienne, ce rongeur est tout sauf un crâneur...
Ajouté : Jeudi 24 Mars 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Eyestral Website Hits: 5904
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