DOWN I GO (uk) - You're Lucky God, That I Cannot Reach You (2015)
Label : Holy Roar Records
Sortie du Scud : 27 août 2015
Pays : Angleterre
Genre : Hardcore
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 32 Mins
One does not simply play Hardcore...
C'est une maxime qui colle à merveille à ce nouvel opus "inespéré" de la discographie des londoniens de DOWN I GO. Inespéré, parce que personne ne l'attendait plus, le groupe s'étant séparé en 2011, pour de vrai. Mais comme parfois l'enthousiasme des fans dépasse l'entendement et renverse les montagnes, un nouveau chapitre a été ajouté à leur histoire complexe de façon tout à fait extraordinaire.
Après leur séparation, les trois anglais s'étaient "explosé façon puzzle", pour se retrouver aux trois coins du monde. L'un à Toronto, l'autre à Chicago et le dernier à Stockholm, il paraissait difficile, voire impossible de les réunir. Et pourtant, Halldór Heiðar Bjarnason, un fan acharné du trio y est parvenu, par le biais le plus étrange qui soit.
Il les a tout simplement invités dans sa ferme islandaise, pour un week-end. Réunis pour la première fois depuis cinq ans, les musiciens ont alors croisé la route d'un artiste étrange, qui leur a offert un recueil de contes et légendes islandais, étalant sur ses pages des histoires bizarres, grotesques, ou effrayantes. Et en neuf jours d'isolation totale, DOWN I GO a composé un album autour de ces légendes, adaptant sa musique au contenu littéraire. Ainsi naquit le successeur de Gods, le dernier effort tant acclamé du trio.
Ainsi, Alan, Ben, et Pete ont remis le couvert. Et de fait, je ne saurais remercier à sa juste valeur le geste de Halldór, qui nous a permis de découvrir un nouvel album qui je le reconnais est...un chef d'oeuvre décalé.
Core ?
C'est ainsi que les trois expatriés se définissent. Pas de problème, leur musique en a la rigidité, l'approche abrasive, mais elle est définitivement trop originale pour rentrer complètement dans ce créneau. A vrai dire, You're Lucky God, That I Cannot Reach You est à l'image de son titre. A tiroir, abscons, provocateur, et intrigant.
Il est en effet asse rare de tomber sur un essai Hardcore aussi inventif et disons le, risqué. Ainsi, si le fond est radicalement agressif, la forme est multiple, empruntant autant les détours d'un BLACK SABBATH, que d'un BLACK FLAG dernière période, SUGAR, FAITH NO MORE, et tellement d'autres références qu'il m'est impossible de les recenser toutes ici. Je parlais de rigidité, mais le paradoxe de leur musique est d'être aussi raide que souple, ce qui j'en conviens est difficile à exprimer par des mots.
L'utilisation de sax, d'accordéon, et d'arrangements complètement hors contexte donnent au disque cette patine excentrée qui le rend si difficile à classer, et je pense qu'à ce niveau de décalage, il est préférable d'écouter, et de se faire sa propre opinion. Si la musique n'est pas fondamentalement opposée aux travaux précédents du trio, elle s'est incroyablement enrichie, et pioche sans vergogne dans le Core, le Folk, le Post Rock, le Post Hardcore des 80's, sans pour autant ressembler à un fourre tout indigeste.
Il semblerait que l'air de la campagne islandaise ait aéré l'imagination de DOWN I GO, qui sans que l'on puisse le connaître, nous fait découvrir ce livre si précieux qui a guidé leur inspiration.
Ils commencent même leur narration par un morceau presque traditionnel, avec doux tapis d'ensemble Folk nostalgique et voix feutrée et caressante comme une brume. "Mother In The Pen" est une entame pour le moins atypique pour un tel groupe, mais dès "The Serpent Of Lagarfljot", l'électricité et la violence reprennent vite leurs droits, pour un Core à la limite du Math, précis comme une équerre, et soufflant sur des braises torrides. Mais ça n'empêche pas le trio de verser dans un refrain hyper mélodique et ample, ni de glisser quelques notes de trompette/sax en arrière plan...
"The Hired Hand & The Lake Dwellers" reprend plus ou moins la même approche, mais l'atténue par l'utilisation d'un couplet un peu Alternatif sur les bords, découpé par de sobres intermèdes acoustiques. Puis la direction change, s'assombrit, et on revient vers les rivages UNSANE/FUGAZI, avec dissonances, hurlements rauques et sauvages, et riffs tendus comme les nerfs d'un auditoire pendu aux lèvres. C'est lors de tels instants qu'on se rend compte à quel point le trio a collé à l'ambiance de ce livre, tant la musique se plaît à raconter une histoire en couchant les notes sur papier.
Et ça déroule sans embûches, proposant même un morceau absolument inclassable dont Mike Patton aurait pu rêver..."Of Marbendill" se promène le long d'un up tempo régulier, entraînant comme une Pop song addictive, et tout à coup, surgit de nulle part un refrain aux harmonies vocales hypnotiques, en dédale de mélodie, encore soutenu par une section de vents incongrue qui semble émerger du brouillard islandais... Une pure tuerie !
De temps en temps, la férocité bancale pointe le bout de son nez pour une dose d'horreur musicale qui cite Zappa, les FOO FIGHTERS, ou même HELMET ("My Old Lady Wants Something For Her Whorl", acrobatie impressionnante qui fait tourner la tête), avec basse rampante et choeurs hooligans en prime, avant qu'un morceau purement Core ne déroute encore plus ("An Outlaw Killed" et son riff redondant en leitmotiv), avec sa rythmique au millimètre qui part dans toutes les directions sans dévier de la sienne, et de terminer la lecture avec un épilogue bien évidemment truculent ("The Sending", plus grand nombre de pages qui commence dru pour s'achever abstrait, avec ambiance à la Angel Dust cauchemardesque de FNM).
Une aventure étrange, qui commence par un rendez vous improbable aux confins du Nord, qui se poursuit avec un étranger trimbalant un vieux grimoire, et qui s'achève avec un disque complètement en dehors du temps et des modes, comme un conte de Lewis Caroll qui se heurterait à un puzzle austère de Paul Auster. Bizarre vous avez dit bizarre ?
Comme les légendes le sont parfois. Et celle de DOWN I GO, qu'on croyait achevée, continue d'une bien drôle de façon...
Ajouté : Vendredi 15 Janvier 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Down I Go Website Hits: 6162
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