Je devisais il y a peu avec un contact sur la fameuse plateforme sociale de Mark Z., de la vitalité de la scène Metal alsacienne. Etant relativement peu au fait des groupes en activité dans l'est de notre beau pays, je me suis donc mis en quête de quelques noms, avant de tomber par hasard sur l'un d'entre eux, par l'entremise de mon fournisseur de prédilection.

Ainsi, je rencontrais virtuellement le sympathique quatuor RADICAL HERESY, auteur d'un premier LP après avoir salement endommagé nos conduits auditifs via une première démo en 2008, et Rise The Beast, un EP paru quatre ans plus tard. Et quatre ans plus tard, comme quoi la régularité semble être l'une de leur principale qualité, ils remettent donc le couvert avec un longue durée qui se place de lui même en plein milieu du courant revival Thrash qui nous inonde depuis un bon bout de temps maintenant.
Le Thrash, c'est aussi une tradition à la Française. Non monsieur, il n'y a pas que les Allemands et les Américains qui ont le droit de faire du boucan en triturant des riffs saccadés et des rythmiques affolées, nous aussi avons un savoir faire typiquement national, et les LOUDBLAST, AGRESSOR, MASSACRA et autres NO RETURN ou WITCHES peuvent en témoigner.

A cette liste s'ajoutent donc les natifs de Colmar, qui avec Spectral font une entrée tonitruante en la matière. Cette même entrée malgré son titre n'a rien d'une apparition fantomatique, mais est bien concrète, sévère, puissante et sans compromis. Les alsaciens ont été à bonne école, cette de SLAYER, SODOM, SEPULTURA et autres références inévitables, et se laissent aller à un Thrash volontiers radical qui ne cherche pas la complication, mais offre quand même quelques subtilités de mise en place.
On pense derechef à une version extrême de DESTRUCTION, pour ces guitares qui virevoltent le long de motifs mélodiques mordants, mis à part que la bande à Schmier aurait pu demander quelques conseils en matière de soli à Ugo Miniaci, véritable maniaque de l'intervention précise et acérée, qui s'envole le long de délires en sextolets tout à fait inspirés et flamboyants. Et comme en plus, le bonhomme assure un chant tout à fait convaincant, il devient de fait la figure de proue de ce groupe aussi efficace que séduisant.

Musicalement, les débats sont ouverts depuis longtemps, et RADICAL HERESY ne se veut pas hérétique mais plutôt fidèle, et modérément radical. Halte au vacarme, le Thrash est aussi une affaire de musicalité, et n'est pas SODOM qui ne veut pas. Et sous une production brute et un peu sèche, le quatuor nous propose neuf morceaux salement bien construits, qui évoluent sur des rythmiques speed mais raisonnables. Le ton est brutal et fatal, mais pas bancal, et le niveau technique des musiciens leur permet d'avoir certaines ambitions de composition et d'interprétation. C'est carré, finaud mais pas trop pour qu'on puisse délirer, et violent sans vous arracher les dents. Le parallèle avec DESTRUCTION était donc pertinent, si on y ajoute une grosse pincée du Bay Area style, en respectant la dose homéopratique.
Pratique, le combo l'est. Il ne colle pas dix plans si trois suffisent, et n'étale pas cinquante breaks en moins de temps qu'il n'en faut à SLAYER pour hurler Hell Awaits. Non, Spectral se veut concis, et les morceaux dépassent rarement les quatre minutes, sauf à l'occasion de "Ossuary", qui ose même une petite tentative Techno Thrash timide mâtinée de Heavy solide.

Le reste va à l'essentiel, et du rageur "Hellnation" et ses choeurs un peu Hardcore qui ne donnent pas envie d'entrer en contradiction avec ses auteurs, à "Infamous Mercenary" qui cite Sentence Of Death presque dans le texte, tout est fait pour vous rappeler la grande époque des T-shirts/baskets des années 80, lorsque l'anti-look et les riffs sadiques de Kerry King faisaient loi.
La loi ici est simple, c'est celle de celui qui jouera le plus fort et tirera le plus vite. Mais le doigté fluide des alsaciens leur permet d'éviter les pièges de la redite et de l'excès, et de rester sur la piste du Thrash le plus musical possible, sans pour autant virer au crossover Heavy.

Evidemment, rien de nouveau sous le soleil, mais en la matière, la chose me semble difficile. Mais RADICAL HERESY n'en a cure, et joue son va tout sans prétention, et du coup, peut se permettre d'en avoir. Largement compétitifs à un niveau Européen, leurs morceaux peuvent rivaliser avec les meilleures productions du genre, et se permettent même parfois d'étaler de bonnes idées en forme de grand écart (les blasts de "Schizophrenia" immédiatement suivis d'un pont Heavy sombre, dualité bien sentie qui du coup valide son titre).
En gros, Spectral est un très bon album de Thrash revival, qui n'a pas à rougir de la comparaison avec la scène allemande, scandinave ou d'Amérique du Sud, loin de là.

Du classicisme, de l'efficacité, du talent individuel (Phil se permet même quelques jolies boucles de basse pendant les soli), pour des morceaux qui arrachent mais proprement, ce premier album risque d'imposer le nom de RADICAL HERESY bien au delà de ses frontières alsaciennes, et ce sera mérité, amplement.
Evidemment, le groupe en concert tue sans pitié, et je ne saurais que trop vous conseiller de ne pas les manquer s'ils passent près de chez vous.

Une hérésie radicale ? Non, une tuerie intégrale, mais qui ne tâche pas les rideaux. Colmar, c'est la foire aux vins, mais c'est aussi du Metal assassin. Et si le tourisme vinicole vous emmerde, vous savez quoi faire pour vous déboucher les oreilles !