En Australie, il n'y a pas que les kangourous, les surfeurs et le rugby. Musicalement, l'affaire ne se résume pas non plus aux grands anciens AC/DC, ROSE TATOO, THE SAINTS ou Jimmy BARNES. Non, il existe aussi dans ce beau pays des musiciens suffisamment énervés pour ne rien en avoir à carrer de la nature, des vagues et du Rock traditionnel.

La preuve avec SHACKLES. Eux aussi se sont réunis en 2010, avec la ferme intention de foutre le bordel. En revendiquant des influences aussi claires que INFEST, NAPALM DEATH, THINK I CARE, NO COMMENT, DESPISE YOU, MIND ERASER, SIEGE, DISRUPT, EYEHATEGOD, CROSSED OUT, DEADSTARE, ENTOMBED, BOLT THROWER, CHARLES BRONSON ou SOB, le doute n'était en effet pas permis. Et depuis leurs débuts, il faut reconnaître que les mecs ont bossé leur truc. Des démos, des compiles, des splits 7'', un paquet de concerts pour roder leur bazar, et c'est aujourd'hui bien affûtés qu'ils se présentent à nous avec ce premier long sorti en début d'année.

Là aussi, comme chez HIEROPHANT, la concision est de mise. Une petite vingtaine de titres pour à peine plus de minutes, la messe est dite rapidement, et sans hésitation. Subtil mélange de Hardcore teigneux et glauque, de Crust/Punk gluant et étouffant, et de Grind directement puisé à la source anglaise des années 80, les australiens foncent tête baissée, balancent des parpaings alentours, sans se poser de question. Dès l'entame "Blood and Bone" le ton est donné, et les baisses de régime ne seront que le résultat d'une volonté d'efficacité et de variété indispensables à la cohésion de l'album.
Parfois, le rythme déjà bien velu s'emballe ("No Gender", pur Crust/Grind de vingt huit secondes qui trouve quand même le moyen de s'offrir un break clairement estampillé NYHC, "Toasted", même résultat, en version plus groovy, "Self Substantiate", plus broyeur qu'un évier US bouché), mais à l'occasion, SHACKLES s'autorise des ambiances beaucoup moins délétères, comme sur le venimeux "Oversee", noir comme de la poix, et bien éloigné des après midi ensoleillées du continent océanique... A ce moment là, on pense à un Sludge Indus très mal éclairé, comme si le BRUTAL TRUTH le plus méchant se frittait avec HIEROPHANT justement...

Le reste se permet des valses entre le Hardcore le plus dark, mettant en avant des riffs rouillés et une basse gonflée à l'hydrogène ("Demented Resolve"), des attaques Crust démentes qui pilent soudainement sur le frein ("Always a Slave", "Engulfed" et ses breaks plus Doom que le slip de Toni), et même des pauses médium aux guitares déliées ("Cast Out", mid tempo brûlant qui ne crache pas à l'occasion sur une alternance de blast et de marteau pilon). Le reste est un concentré pur jus de haine qu'on boit cul sec sans pour autant se démonter la tête et perdre sa lucidité. Ainsi, Forced To Regress concrétise de bien belle façon tout le travail entrepris par ces australiens vraiment pas contents, qui n'hésitent pas à piocher dans le passé l'inspiration de leur présent. Fans de Crust/grindcore aux doux relents Death, n'hésitez pas à fréquenter leurs plages. Par contre, faites attention. C'est vilain, agressif, et rapide. Et vous n'aurez pas le temps de prendre un coup de soleil, ici, on ne vend pas de carte postale.