SPEED KILLS - The Very Best In Speed Metal (1985)
Label : Music For Nations
Sortie du Scud : 1985
Pays : Divers
Genre : Speed Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 50 Mins
Il en va des disques comme de n'importe quelles oeuvres d'art. Van Gogh est mort dans la misère. Tout comme Monet. Nick Drake n'a jamais été honoré de son vivant. C'est une question de timing. Parfois, une oeuvre majeure voit le jour, mais ne sera déclarée telle que des années, voire des siècles après avoir été dévoilée, et tout le monde n'y voit que du feu. Alors bien sur, le propos du jour est plus anecdotique, mais le postulat énoncé s'avère juste dans son cas.
Ok, remontons le temps.
1985. Le Thrash n'a officiellement que quelques mois. Sa naissance fut fêtée à l'occasion de la publication du premier album d'un certain quartette anecdotique à l'époque, METALLICA. Aussitôt, la presse spécialisée s'affole... Quelle est donc cette hydre protéiforme hideuse qui débarque sans crier gare sur la planète Metal, aux balises jusqu'ici jalousement gardées par des cadors aux riffs aussi convenus qu'usés ? Quel est ce bruit incongru, sorte de mélange de Heavy et de Punk accéléré à outrance ? Les chroniqueurs se divisent alors très vite en deux camps, tout comme le public, et s'affrontent à grands coups d'expressions à base de noms d'oiseaux chamarrés.
"Vieux cons ! C'est la relève !!!"
"Tais toi jeune fat, c'est du boucan !"
Et c'est parti pour X années de galère, de rixes et autres joutes verbales, de pro et d'anti. Mais peu importe, le mal est fait. On le croit localisé, maîtrisable. On cherche des solutions. Mettre en avant des groupes plus "propres". Ignorer le phénomène. Le dénigrer. Mais rien y fait. Les choses avancent à vitesse grand V. SLAYER arrive. EXODUS aussi. Et puis d'autres, d'Europe. KREATOR balbutie. SODOM ronge ses dents sur une croix renversée. Du calme Canada, nous vient l'hybride VOÏVOD. De l'expressive Italie débarque l'infâme BULLDOZER. D'un oeuf en chocolat suisse surgit l'immonde HELLHAMMER / CELTIC FROST.
METALLICA fait évoluer le genre, lui donne un relief plus sophistiqué avec son second LP Ride The Lightning. SLAYER enfonce le clou et pulvérise tout avec le très démoniaque Hell Awaits. C'est parti, les sept portes de l'enfer sont ouvertes, et les kids les plus exubérants s'y engouffrent avec un plaisir non feint. Welcome to Hell. Les critiques enragent. Comment n'ont ils vu venir la chose ? Sont-ils trop vieux ? Trop sensibles. Mais l'histoire est ainsi, et s'écrit parfois plus vite qu'elle ne s'envisage. Un peu comme la guerre, le Thrash brûle tout sur son passage, de vinyles fondamentaux en concerts ravageurs, et s'installe. Nous sommes en 1985, et la fête commence à accueillir de plus en plus d'invités. Alors les labels, sentant la bonne affaire, pullulent aux portes.
"Tu veux une bière ? Ah, tu joues vite, tu parles de la mort, du diable, tu aimes les clous et le sang... Ok, signe là. Maintenant, sois méchant. Encore plus. C'est parfait. Tu pars en studio mon coco"
Certains ne s'en remettront pas. D'autres joueront la carte de l'opportunisme, se lanceront à corps perdu dans l'effet de mode, et parviendront parfois à donner le change. Les plus intelligents évolueront, et deviendront des cadors du "Rock". Oui, vous avez bien lu.
Alors, en 1985, le plus gros label indépendant Européen, Music For Nation (UK) décide de souligner le phénomène à sa façon. Et en sortant Speed Kills : The Very Best Of Speed Metal, les DA de la boite étaient certainement loin de s'imaginer quel testament historique ils allaient laisser derrière eux. Car à l'époque, seul METALLICA représentait une quelconque valeur commerciale. MEGADETH était encore bien trop cru, SLAYER trop bruyant, et les autres trop anecdotiques. Mais jamais personne, je dis bien personne, à l'écoute de cette compilation n'aurait pu prévoir que deux des groupes y figurant allaient vendre plus de 130 millions d'albums à eux deux.
Et pourtant, c'est ainsi. Et surtout, personne ne pouvait savoir à cette date, que les trois quarts des groupes présent sur Speed Kills allaient devenir les plus grosses références du Thrash mondial. Dont trois allaient bientôt former avec l'absent ANTHRAX le Big 4, et tourneraient ensemble vingt cinq ans plus tard, générant des bénéfices énormes dans le monde entier.
Rendez-vous compte par vous même. On retrouvait sur le même disque METALLICA, SLAYER, EXODUS, VENOM, POSSESSED, CELTIC FROST, MEGADETH, VOÏVOD et DESTRUCTION. Mis à part la série des Metal Massacre (et encore, parce qu'elle avait révélé les débuts de METALLICA), jamais compilation n'avait proposé en son temps autant de combos majeurs, alors quasiment à leurs balbutiements. Car en dehors de METALLICA qui avait déjà sorti deux albums, tous les autres n'en étaient alors qu'à l'orée de leur carrière, aussi brève fut elle pour certains. D'un côté, les fondements du Thrash, de l'autre, les tables de loi du Black et du Death Metal à venir. L'essence, la pureté, le graal. Mais personne ne le savait. Maintenant, si, alors, célébrons.
OK, musicalement, il y avait quand même des choses à déguster en priorité. On peut affirmer sans craindre d'être lapidé en place publique que les meilleurs artistes présents sur ce disque allaient faire beaucoup mieux dans le futur. Egrenons je vous prie, en restant pour le moment sur le haut du panier.
METALLICA bien sur, se présentait sous son jour le plus réducteur et simpliste. Aussi savoureux que fut "Fight Fire With Fire", ça n'était qu'une saillie Thrash de début de LP, à cent lieues de la créativité de "Fade To Black" ou "For Whom The Bell Tolls". Mais quand même. Quel rythme, quel riff ! SLAYER offrait son versant live avec le bestial "Evil Has No Boudaries", extrait de Live Undead, et restait encore très loin de la puissance de feu de l'éternel Reign In Blood. Araya était encore un peu léger, et Lombardo ne virevoltait pas encore sur ses fûts avec maestria. MEGADETH balbutiait ses gammes avec l'hystérique "Rattlehead", paru sur le non moins dissonant Killing Is My Business. Son maigre, riff perdu dans la prod, ils allaient bien vite se rattraper avec le gigantesque Peace Sells l'année suivante. EXODUS n'avait pas encore saqué Paul, ne s'était pas encore perdu dans les méandres de l'hésitant Pleasures of the Flesh, et riffait sec sur le phénoménal "A Lesson In Violence". Jouissif !
Pendant ce temps là, VOÏVOD balançait le glauque et écorché "War And Pain", titre éponyme de son premier LP et faisait montre d'un gros potentiel. Piggy développait déjà ses accords louches, et Snake louvoyait au chant, roublard comme un serpent en embuscade. CELTIC FROST se remettait à peine de la volée de bois vert subie à l'époque d'HELLHAMMER, mais ne calmait pas le jeu et glaçait l'ambiance avec "Into The Crypt Of Rays". Les inconnus de POSSESSED, veuillez les excuser, se contentaient juste de poser les jalons du Death et du Black Metal avec "Pentagram", issu de l'insurpassable Seven Churches, qui allait influencer à peu près autant de groupes extrêmes que le To Mega Therion des Suisses précités. Quant à DESTRUCTION, leur style était déjà bien défini sur "Bestial Invasion". Speed raisonnable, guitares tournoyantes, chant en demie teinte, et motifs entêtants. A ce niveau là de qualité, c'est un sans faute.
Le reste ? Il ne déméritait pas forcément à l'époque, mais restait quand même quelques crans en deçà. Si BULLDOZER demeurera culte à jamais et se lâchera sur IX, si HALLOW'S EVE publiera peu après l'excellent et très mosh Death and Insanity, si les modérés EXCITER osaient l'inédit avec le rare "Riders From Darkness", symptomatique de leur cul entre deux chaises, passant sans vergogne du Heavy méchant au Speed mordant, nul ne connaîtra le rayonnement des références précédentes. Ils sèmeront tout au plus quelques graines de nostalgie sur leur passage, et ne connaîtront guère que l'amorce des années 90, avant de se reformer une ou deux décennies plus tard.
Oublier les trublions de VENOM serait injustice, car ils se fendaient d'une nouvelle version de leur hit "Black Metal", considérablement plus méchante et rapide que l'originale. Après tout, sans eux, tout ceci serait il arrivé ? A trop y réfléchir, nous nous y perdrions nous en conjectures ? Car rappelons le, alors que tous les autres s'éclataient sans doute encore au son moins rugueux de JUDAS PRIEST, MOTORHEAD, IRON MAIDEN et autres gloires de l'époque, ils étaient déjà là, avec l'inoubliable Welcome To Hell, que pratiquement personne n'a compris à l'époque.
Comprendre. Le fallait-il vraiment ? Ou ne suffisait il pas d'ingurgiter, d'assimiler et de régurgiter sans chercher le pourquoi du comment ?
Plus qu'une simple compilation, Speed Kills est un témoignage, le témoignage d'une musique et d'une époque pas si lointaines, ou moi, toi, nous, vous, guettions les sorties de labels microscopiques, pour savoir si oui ou non, ce nouveau groupe allemand/américain était encore plus violent que tous les autres. Nous avons connu ça oui, nous pouvons le dire. Ces rythmiques si rapides. Ces guitares démoniaques. Ce chant bestial. La batterie de Dave. Le chant de Mustaine. La basse de Cliff. Les soli de Kerry et Jeff. Les hurlements de Paul. Les clous de Schmier. C'était ça, le Thrash. L'impression de faire partie d'une caste d'élus. D'être différents.
C'était ça, Speed Kills.
Alors, aujourd'hui, en 2014, nous pouvons le dire. Tout haut, le hurler même.
Welcome To Hell.
Ajouté : Mardi 01 Juillet 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Hits: 11942
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