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BLACK SABBATH (uk) - 13 (2013)






Label : Vertigo
Sortie du Scud : 10 Juin 2013
Pays : Royaume-Uni
Genre : Heavy Metal
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 54 Mins





L’avantage des légendes, c’est qu’elles ne meurent jamais… Mais elles peuvent par contre souffrir, parfois beaucoup, lorsque leurs auteurs n’ont cure de la pureté de leurs actes. C’est ainsi que certains chapitres de l’histoire ont clôt des épopées magnifiques par des gestes inconscients, salissant à jamais une beauté qu’on croyait à jamais immaculée.
Et dans le cas de BLACK SABBATH, aussi sombre soit la légende, elle reste entachée… La faute à un homme qui n’a jamais voulu abandonner la barre, mettant parfois le cap sur des destinations aussi surprenantes qu’incongrues, et sortant des albums indignes de son talent et de son passé. Tout ça par passion. Quelle dualité…

Tony IOMMI. Le ténébreux guitariste qui a pratiquement inventé le Heavy Metal à lui tout seul, si ça n’était pour « Helter Skelter » ou BLUE CHEER et son Vincebus Eruptum. Celui qui a tout déclenché sur fond de tocsins lugubres et d’imagerie occulte bon marché. Celui qui n’a pas voulu laisser mourir « sa » bête, et qui a fini par accumuler les faux pas, d’albums insipides/pathétiques en line-up improbables (et parfois, les deux en même temps…).
Mais… Le temps arrange parfois les choses. Et celui-ci, a Birmingham, en décembre 1997, a permis aux quatre anciens compagnons de se retrouver sur scène, tous ensemble, comme à la grande époque… Geezer, Tony, Ozzy et Bill, encore une fois, dans LEUR ville, pour deux concerts d’anthologie, filmés, captés, pour la légende justement.
A cette époque, il était déjà question d’un album de reformation. Album que tout le monde attendait, non sans craintes, mais personne (à part Ozzy sans doute, qui a freiné le projet des deux pieds) n’aurait pu prévoir qu’il lui faudrait douze ans pour enfin voir le jour…

Depuis, Ozzy, Geezer et Tony sont toujours là bien sur, mais pas Bill (qui avait rejoint le groupe sur la tournée Cross Purposes), remplacé par Brad Wilk (RATM, Audioslave). Et ce nouvel album, le premier avec Ozzy au chant depuis Never Say Die (comme quoi…) en 1978, trente cinq ans après la fin du premier chapitre de l’histoire, va sans aucun doute réveiller bien des démons.

13.

Evidemment, comment l’appeler autrement ? Double logique, arithmétique et occulte, Thirteen prend des allures de cène, sans pour autant déterminer d’avance qui jouera le rôle de Judas…Le temps ? Les espoirs déçus ? Ozzy ? Mais l’affaire est beaucoup plus complexe que cela…Et du coup, chroniquer un album qui relève plus de l’évènement interplanétaire que du simple disque mis sur le marché devient une gageure assez difficile. Mais je prends le risque. Parce que les premiers albums, parce que j’admire Iommi, parce qu’Ozzy, même dans son état actuel reste un des plus grands personnages de l’histoire de la musique, parce que Geezer est un de mes bassistes préférés. Et beaucoup d’autres raisons non quantifiables et abstraites. So, let’s go crazy

Comme je le disais, l’affaire est complexe. D’une part, parce qu’il me faut juger ce disque pour ce qu’il est, et le replacer dans son contexte, sans pour autant faire preuve de condescendance ou de complaisance déplacée. Il s’agit de BLACK SABBATH bien sur, mais il n’est pas question pour autant de tout laisser passer sous couvert de respect. Ce qui constituerait paradoxalement un grand manque de respect.
Alors 13

13, c’est le meilleur des deux mondes. D’un côté, les emprunts au répertoire, de l’autre, l’album le plus « progressif » et compact du groupe. Tradition, évolution, tout y est. Les allusions finaudes à « Planet Caravan » ou « Country Girl », à la somptueuse période Heaven & Hell/Dio, au Doom glaçant du premier effort éponyme, j’en passe et des multiples.
Rien que le fait de débuter un album sur deux morceaux aussi glaçants que « End Of The Beginning » (la citation la plus directe de « Black Sabbath », la chanson, à la croche sur tom près) et « God Is Dead ?» est une véritable déclaration d’intention on ne peut plus claire. Le SAB’, le vrai, l’unique est revenu, en forme, digne, la tête haute.
Et même si on remarque qu’Ozzy chante de plus en plus dans les graves, que Brad se contente du minimum syndical, sans jamais égaler la fluidité de Ward ou la puissance de Powell (avec en sus un son de batterie discutable…), les riffs sont là, tendus, lourds, épais comme à la grande époque, et la basse de Butler gicle comme une coulée de sang sur la gorge d’une vierge fraîchement sacrifiée. Combien de musiciens ces deux là ont-ils influencés ? Des centaines ? C’est plus que probable, et justifié. Car pendant plus de seize minutes, on se retrouve au début des 70’s, la tignasse virevoltant, invoquant le diable ou Anton LaVey au choix, en plein milieu d’une lande désolée… Il fallait avoir des couilles pour oser tenter de recréer ce climat fabuleux du 13 février 1970, jour béni/maudit ou plus rien n’a vraiment été comme avant. Ce pari, à ce stade de l’album, le SAB’ l’a déjà réussi. Haut la main. Et ces deux titres valident presque à eux seuls toute l’entreprise de reconquête commencée il y a plus de douze ans.

Alors nous y voilà.

Reprenant les choses là ou « Black Sabbath » et/ou « Iron Man » les avaient laissées. Appelez ça comme vous voulez, Heavy Metal, Doom, peu importe après tout. Car au fond, BLACK SABBATH est tout ça. L’opposition des guitares plombées qui soudainement s’envolent en une saccade, que Dimebag et sa clique avaient retenue pour l’éternité et que depuis Phil Anselmo s’évertue à reproduire avec DOWN. Une basse qui gronde, puis feule, brillante comme une pleine lune, et les incantations/litanies d’Ozzy, qui redevient le Wizard of Ozz qu’il a toujours été.

Mais rien n’est aussi simple, même dans le royaume des ténèbres.

Et « Loner » de nous ramener au Sab’ plus aéré, plus modulé, avec ses percussions heurtées et son chant faussement blasé. Même si la performance du Ozz’ peut être sujette à débat sur ce morceau, je trouve que son ton détaché correspond parfaitement à l’ambiance du morceau. Un peu « N.I.B » dans l’esprit, en tout cas, un classique potentiel.
« Zeitgeist » et son chant passé au flanger, c’est l’héritage direct du « Planet Caravan » pré cité, avec bongos discrets comme preuve, et six cordes acoustique de rigueur. Une ambiance apaisée, épurée, et qui pourtant nous emmène loin, très loin… Echos lysergiques d’un passé d’excès transcendé par une épure radicale, c’est la transition entre une décennie d’absorptions et un présent de contemplation. Sommes-nous toujours ce que nous avons été ? En partie tout du moins…Et ces notes de guitare qui s’évanouissent doucement dans les arrangements, pendant que la basse sobre de Geezer valse en bas du manche…

La moitié de l’album s’est à peine évanouie qu’un premier bilan s’impose. Quatre morceaux, quatre réussites, inutile de le nier, le retour est validé, et d’une fort belle façon.
En gardant un pied et demi dans les glorieuses seventies, le SAB’ n’a pas cherché l’opportunisme, mais évite aussi la redite, en sublimant l’auto citation de modernité subtile. La Rick Rubin’s touch ? Possible, tant celui-ci à transcendé des moments de grâce dans sa carrière grâce à sa science de la production…

Et dès « Age Of Reason », le constat se confirme presque définitivement, BLACK SABBATH est bien vivant. Etirant une fois de plus le format au-delà des sept minutes, Tony, Ozzy et Geezer se permettent de développer des idées qui auraient bien sur eu leur place sur n’importe lequel des classiques du groupe, et par la même, rappelle à des formations comme CANDLEMASS le pourquoi de leur existence. Ces mélodies alambiquées, ni franchement glauques ni vraiment franches qui sont depuis toujours la trademark du groupe sont bien là, aussi essentielles qu’il y a quarante ans.
Avec en sus, un solo diaboliquement inspiré du maître noir, et des chœurs fantomatiques, c’est LE titre épique par excellence.

Si « Live Forever » (une résonance de Never Say Die ?) alterne avec flair mid tempo sauvage et lourdeurs dosées, le solo de Tony prend clairement l’avantage sur le chant d’Ozzy qui se révèle à son plus creux sur ce morceau. « Damaged Soul » quant à lui, est certainement le titre le plus « passéiste » de l’effort, celui sur lequel le groupe arrache de gros lambeaux de son passé pour se couvrir. Pataud, un peu traînant, bâti sur un riff que le CORROSION OF CONFORMITY le moins inspiré aurait pu nous resservir tiède, c’est juste une occasion pour Iommi de se faire plaisir, même si le pont central très sombre ne manque pas de charme…

Mais le quartette à l’intelligence de nous garder un gros morceau pour la fin, avec sept minutes de digressions qui mixent le meilleur du SAB’ et d’Ozzy en solo, avec « Dear Father », qui s’autorise une fois de plus une auto citation (avec encore une fois un riff dilué de « Black Sabbath »), tout en s’adaptant à l’époque et aux syncopes d’usages. Mais à vous de savoir si l’orage final est à prendre comme une private joke ou bien une lourde porte qui se referme à jamais…

Difficile d’avaler tout ceci d’une traite et il m’aura fallu trois bons jours pour digérer ce monolithe et vous régurgiter une chronique que j’espère fidèle…
BLACK SABBATH, à l’instar de toutes les formations des 60’s/70’s encore en activité, n’aura jamais été épargné… De la gloire de ses premières années à l’oubli quasi-total des 80’s, en passant par les railleries, Iommi, seul membre omniprésent, aura tout connu. Et il est clair qu’il reste un personnage à part, qu’on ne peut qu’admirer. Pour son talent de guitariste, son abnégation, sa passion, son entêtement… Geezer, bassiste hors norme, aura louvoyé entre son vieux complice et la carrière solo d’Ozzy, qui lui, sera passé, comme son frère ennemi, du sublime au ridicule plus d’une fois, avec moins de sincérité.

Mais 13, plus que l’album d’un retour (peut on parler d’avenir sans être hors contexte ?), est… Je ne sais pas. Un chapitre final ? La concrétisation tardive d’une promesse faite il y a longtemps ? La conclusion d’une histoire d’amour/haine jamais vraiment terminée ?
Il n’y a qu’une chose que je sais, c’est qu’il est un foutu bon album. Qu’il enterre définitivement ces deux sales inédits tout vilains sortis il y a quinze ans. Qu’il nous rappelle ce jour de février (que je n’ai malheureusement pas connu), lorsque le tocsin, l’orage et la pluie ont résonné d’un grand fracas dans la chambre de milliers d’adolescents qui voulaient autre chose que des fleurs et de l’amour à la mode.

Tenez, il est même plus que ça. Il est ce que BLACK SABBATH a toujours été.

Il est le Heavy Metal. Point.



Ajouté :  Mercredi 19 Juin 2013
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
Lien en relation:  Black Sabbath Website
Hits: 10720
  
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