TROPHALLAXY (ch) - Jon, Joëlle et Yan (Avril-2013)
Oui, c’est vrai, mes disques de Power Metal ont cette tendance à prendre la poussière plus vite que mes disques de Death Metal. Et il y’en a un qui mérite bien de rester flambant neuf. Il s’appelle Resilience, il est l’œuvre des Suisses de TROPHALLAXY. Pour ceux qui ignorent l’existence de ce projet, et Dieu sait qu’ils sont beaucoup trop nombreux, vous avez la une bonne raison de changer d’avis sur le Power Metal. Car en y incorporant du Death, du chant féminin et du violoncelle, TROPHALLAXY a trouvé une astuce imparable pour se faire remarquer. L’occasion de poser quelques questions au groupe était inratable et c’est avec beaucoup de gentillesse que trois des cinq têtes pensantes de la formation, à savoir Joëlle, Jon et Yan, se sont prêtées au jeu de l’interview. Entretien.
Line-up : Joëlle (chant et violoncelle), Yan (guitare), Jon (claviers et chant), Valentin (basse), Théo (batterie)
Discographie : Unfairytale (démo - 2008), DawnFall (album - 2009), Resilience (album - 2013)
Metal-Impact. Salut les TROPHALLAXY ! Je suis Stef pour le webzine Metal-Impact. Merci de nous accorder de votre précieux temps. J’imagine que l’actualité est plutôt chargée avec la sortie récente de Resilience ?
Jon. Effectivement, il y a toujours beaucoup à faire, même si ce sont surtout les semaines avant la sortie de l’album qui étaient les plus chargées !
MI. Pourquoi avoir attendu près de trois ans et demi avant de ressortir un album ? Avez-vous cherché à exploiter ce temps afin de peaufiner ce disque ?
Jon. Il y a plusieurs éléments qui expliquent ce délai. Premièrement, nous avons mis du temps avant de retrouver un batteur fixe, pour différentes raisons. Certains titres ont été composés assez vite après la sortie de notre premier album, mais nous avons dû attendre que Théo nous rejoigne, fin 2011, pour pouvoir les travailler de façon définitive. Deuxièmement, nous avions vraiment à cœur cette fois-ci de bien organiser la sortie de ce deuxième album, en réalisant notamment un clip vidéo pour le promouvoir. Bien que le mixage et le mastering de l’album étaient déjà terminés en décembre 2012, nous avons pris le temps de réaliser ce clip, ce qui nous a bien entendu demandé encore un peu plus de temps. Ce deuxième album nous a appris à être patients !
MI. Vous avez parcouru beaucoup de chemin depuis Unfairytale, c’était en juillet 2008. Peux-tu nous raconter les évènements marquants qui ont jalonné le parcours de TROPHALLAXY depuis bientôt cinq ans ?
Jon. Les premiers concerts, justement en 2008, restent d’excellents souvenirs mais nous permettent surtout de mesurer tout le chemin parcouru depuis. Sinon, je pense qu’il y a eu plusieurs moments qui ont été marquants ces cinq dernières années : les premiers passages à la radio, les premiers concerts plus importants, les premiers concerts en France, la sortie de notre premier album studio...
MI. Comment définirais-tu ce nouvel album ? Comment le vendrais-tu auprès de notre lectorat ?
Jon. Il s’agit d’un album de « Symphonic Power / Death Metal avec une chanteuse jouant également du violoncelle et avec du grunt par-ci par-là. Pas mal, non (rires) ? Plus sérieusement, je trouve toujours très difficile de porter un regard sur sa propre musique. Ce que je peux dire, c’est que ce nouvel album est plus sombre et plus puissant que le précédent. Il est aussi plus abouti.
MI. Personnellement, je trouve qu’il respecte la ligne de conduite établie sur DawnFall tout en allant plus loin dans les arrangements, le côté symphonique et épique. Il y a une progression importante dans le travail d’écriture. Es-tu d’accord avec cette analyse ou au contraire, pas du tout d’accord ?
Jon. Je suis assez d’accord. Je pense que l’on a tous beaucoup travaillé et progressé depuis DawnFall, que ce soit au niveau du jeu, de la composition et de l’écriture. Il y avait moins d’unité sur DawnFall, nous cherchions encore un peu notre style.
MI. Il y a également un beau travail réalisé au niveau des chants. Joëlle et Jonathan se renvoient souvent la balle dans deux registres différents, de sorte qu’on a l’impression d’assister à des dialogues entre deux « créatures ». Ce contraste vocal est-il un élément clé dans la musique de TROPHALLAXY ?
Jon. Peut-être pas un élément clé mais un élément important, oui. Pour moi, ce qui est essentiel dans ce style, c’est le contraste de façon générale. J’aime beaucoup le contraste entre la violence de certains riffs ou rythmes de batterie et la mélodie du chant, du violoncelle ou des parties solos. Faire contraster ces deux types de chant suit cette même logique.
MI. De façon générale, j’ai également été frappé par la tournure de certains riffs, qui n’ont rien de vraiment Power Metal mais qui penchent plutôt vers le Death, comme sur l’intro de « The Condemnation ». Sans parler des vocaux dits « harsh » de Jonathan qui assombrissent également certains passages de l’album. Etait-ce pour vous une volonté que de nuancer un peu les ambiances de Resilience et de durcir le ton ?
Jon. Je pense que ça reflète également nos influences qui sont peut-être plus variées qu’auparavant et tournées vers des groupes un peu plus violents. Personnellement, j’écoute justement beaucoup plus de groupes de Death Metal par exemple. Cette influence ressort donc dans mes compositions. J’espère également que ce mélange peut nous permettre de nous détacher un peu d’autres groupes de « Metal à chanteuses » jouant un Metal symphonique plus traditionnel.
Yan. En ce qui me concerne, je n’écoute pas de musique plus violente qu’avant mais le style varie tout le temps. Je trouve que nos musiques sont fortement influencées par les groupes que l’on écoute durant la période de composition. Les styles musicaux et l’humeur dans laquelle nous nous trouvons se ressentent vraiment fortement dans notre musique.
MI. Sur les 10 chansons présentes sur cet opus, sans compter les deux instrumentales, il y en a 7 dont les paroles ont été écrites par Jonathan. N’est-il pas un peu compliqué pour toi Joëlle de se voir dicter ses paroles par quelqu’un dont le chant est secondaire au sein du groupe ?
Jon. Je serai intéressé de voir ce qu’elle va répondre (rires) ! Ce que je peux dire, c’est que pour moi, les paroles et la musique sont intimement liées. J’ai besoin de pouvoir m’exprimer sur ces deux niveaux et donc, lorsque je compose, j’ai souvent déjà en tête la thématique des paroles. Je m’excuse auprès de Joëlle pour ça et je la laisse bien entendu avec grand plaisir créer les paroles sur les compositions de Yannick !
Joëlle. Oulah, question piège (rires) ! Non, je ne dirais pas que c'est "compliqué" pour moi. D'ailleurs, ses paroles ne me sont pas imposées car si je n'étais pas d'accord avec ce qu'elles expriment, je n'accepterais pas de les chanter, ce qui n'est jamais arrivé ! Il est clair que j'aime pouvoir m'exprimer avec mes propres mots et choisir des thèmes qui me tiennent à cœur, ce que j'ai le plaisir de faire sur les compositions de Yannick. C'est pourquoi je comprends aussi très bien que Jon aime aboutir ses compositions jusqu'au détail final du choix des mots. Le fait que son chant soit secondaire dans le groupe ne change en rien cela, car après tout, c'est son rôle de compositeur qui prédomine dans cette question.
MI. D’une façon plus générale, comment faites vous pour composer un titre ? A quel instant précis vous vous dites : « ça y’est, on tient une bonne chanson ! » ?
Jon. Pour ma part, j’ai besoin d’être dans ma bulle pour pouvoir composer. C’est un procédé finalement assez égoïste, car la plupart du temps je compose mes titres seuls et les propose ensuite au reste du groupe qui me dit alors ce qu’il en pense. Mais j’ai de la peine à composer à plusieurs. Souvent, l’inspiration vient on ne sait pas trop comment et je peux alors passer plusieurs soirées ou week-ends à travailler, jusqu’à ce que le morceau soit fini. Je le réécoute ensuite avec du recul, change encore quelques éléments puis finalise les paroles avec les idées qui me sont venues en composant la musique. C’est souvent lors de la réécoute que l’on se dit que l’on tient quelque chose d’intéressant. Bien entendu, le morceau va ensuite évoluer lorsque nous allons commencer à le répéter et je laisse bien sûr libre chaque musicien de modifier ou d’arranger ses parties !
Yan. Quand je compose, c’est le même principe que pour Jon. Je me coupe du monde pendant un moment. J’ai aussi du mal à composer avec d’autres personnes. Quand je crée une compo, j’ai toujours une idée générale dans ma tête de ce que je veux faire avec tous les instruments, une musique complète. Quand je l’ai terminée, je la propose aux autres et ces derniers ont libre possibilité de changer ce qu’ils veulent, tant que c’est une plus-value pour notre musique.
MI. Quels sont les premiers retours que vous avez reçus de la part de vos fans ou de la presse spécialisée pour ce nouvel album ?
Jon. Ils sont excellents. Ça fait vraiment plaisir car comme l’album était prêt depuis un moment déjà, on se réjouissait de pouvoir le faire découvrir et de savoir ce que les gens allaient en penser !
MI. Maintenant qu’il est sorti, vous voyez l’un ou l’autre défaut à retoucher ou au contraire, vous êtes entièrement satisfaits et confiants ?
Jon. Je suis pour ma part entièrement satisfait du rendu sonore de Resilience, plus que pour le premier album. Nous avons enregistré chez un gars vraiment génial, Vladimir Cochet, aux studios Conatus à Montreux. Il a fait un boulot incroyable et nous a prodigué d’excellents conseils.
Yan. Je trouve qu’il est très difficile de répondre sans le recul nécessaire. Mais c’est clair que nous sommes très satisfaits du résultat final.
MI. Quelles sont les influences musicales qui ont poussées TROPHALLAXY à se lancer dans le Power Metal symphonique ?
Jon. Au départ, nos influences principales étaient surtout des groupes comme SONATA ARCTICA, NIGHTWISH, EPICA et DREAM THEATER. Mais comme je le disais, ces influences sont maintenant bien plus variées et il serait difficile de toutes les citer...
MI. A l’inverse du Metalcore et d’autres genres plus récents, ce style musical n’a pas vraiment le vent en poupe. Il est parfois considéré comme ringard alors que répondriez-vous à ceux qui affirment que le Power Metal, c’est has-been ?
Jon. Je leur répondrais qu’ils ont raison (rires) ! Plus sérieusement, je commence aussi à avoir plus de mal avec certains groupes de Power ou de Heavy qui tournent toujours autour de certains clichés. D’où l’intérêt, pour moi, de prendre les éléments qui me plaisent toujours dans le Power, le côté épique, la vitesse, les solos, et de tenter de les mélanger à ce côté plus violent, plus sombre, plus Death. Le fait de pouvoir compter sur une excellente chanteuse et violoncelliste est également un plus qui rend selon moi notre musique plus intéressante que le Power Metal ou le Metal Symphonique de base.
Joëlle. J'ajouterais qu'il ne faut pas oublier que ringard pour certains veut dire génial pour d'autres. Il est vrai que ce style n'est plus autant à la mode qu'autrefois, mais encore beaucoup de metalleux et metalleuses l'écoutent et ne s'en lassent pas. Comme on dit, il faut de tout pour faire un monde ! Ne pas s'y identifier par souci de mode ne serait d'ailleurs pas dans nos idéaux ; on joue simplement ce qu'on aime jouer. Et puis comme l'a dit Jon, nous y apportons aussi des éléments quelque peu rafraîchissants.
MI. Vous avez effectué une soirée vernissage pour Resilience le 12 avril à Lausanne. Pouvez-vous nous parler de cette date et plus généralement, du rapport que vous avez avec la scène ?
Jon. C’était une soirée vraiment géniale, car tous nos amis, notre famille et les personnes qui nous suivent étaient réunies. Nous avons joué l’album en entier, plus deux morceaux de DawnFall en rappel. On s’est vraiment éclatés et les retours ont été très chaleureux. Cela nous a aussi permis de vendre beaucoup d’albums. Je pense que nous aimons tous beaucoup pouvoir faire des concerts, que ça soit dans des petites salles ou des grandes. Il est toujours génial de pouvoir s’exprimer sur scène et voir les réactions du public.
MI. Une tournée est-elle désormais envisageable à travers différents pays pour défendre ce nouveau bébé ou avez-vous déjà l’esprit tourné vers un potentiel troisième album ?
Jon. Dans l’immédiat, nous allons surtout jouer en Suisse pour promouvoir Resilience. Nous signerions tout de suite pour une éventuelle tournée de plus grande importance si on nous la proposait, mais il est toutefois difficile pour nous d’imaginer l’organiser seuls, de part nos occupations respectives. Quant au troisième album, il occupe effectivement déjà un peu nos esprits car trois nouveaux titres ont déjà été composés et d’autres sont déjà en route !
MI. Si vous aviez une boule de cristal et que je vous demandais où en sera TROPHALLAXY dans cinq ans, que me répondriez-vous ?
Jon. Je dirai « putain, je ne vois rien du tout là-dedans, passe-moi un chiffon » (rires) ! Blague à part, c’est difficile à dire. Bien sûr, on a toujours cet espoir sans doute un peu naïf de se dire que ça pourrait décoller et pouvoir passer tout son temps à faire de la musique. J’espère dans tous les cas qu’on jouera toujours ensemble, avec un ou deux albums de plus au compteur !
MI. Pour finir, j’aimerais évoquer le titre de cet album. La résilience est une prise de conscience psychologique qui permet à un individu de se reconstruire après un traumatisme, donc quelque chose d’extrêmement symbolique et de positif. Aller de l’avant, oublier les difficultés, c’est un peu le message que vous cherchez à faire passer ?
Jon. Nous ne cherchons pas forcément à faire passer un message spécifique, mais tu es malgré tout dans le juste. La plupart des morceaux de cet album racontent des expériences de vie, positives ou négatives, vécues ou imaginées. Nous aimons également laisser une certaine place à l’interprétation. La mort est un sujet qui revient à plusieurs reprises dans cet album et, paradoxalement, j’avais envie de l’intituler Resilience car les nombreux aléas qui surviennent dans notre vie peuvent nous permettre de grandir, de créer quelque chose et, comme tu disais, d’aller de l’avant, même si on ne s’en rend pas compte sur le moment et que le processus prend du temps.
MI. Merci à vous pour le temps que vous nous avez accordé et pour ces quelques réponses ! Nous aurons forcément l’occasion de nous croiser à l’occasion de votre futur album puisque c’est désormais la tradition (rires). En attendant, bonne continuation à tous et à très bientôt. Le mot de la fin est pour vous !
Jon. Avec grand plaisir ! Merci à toi pour ces questions très intéressantes !
Ajouté : Jeudi 23 Mai 2013 Intervieweur : Stef. Lien en relation: Trophallaxy Website Hits: 13004
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