THE DEVIN TOWNSEND PROJECT (ca) - Le Bataclan à Paris (10/12/12)
Groupes Présents au concert : DAGOBA (FRA) ; FEAR FACTORY (usa) ; THE DEVIN TOWNSEND PROJECT (ca)
Date du Concert : Lundi 10 Décembre 2012
Lieu du Concert : Le Bataclan (Paris, France)
Encore un rendez vous au Bataclan ce soir… Ma fin d’année fut donc indéniablement liée à cette salle, et je ne m’en plaindrais pas…
Surtout que l’affiche de la soirée est plus qu’alléchante, elle est… Diantre, quel épithète trouver ??? La fête de la brutalité, de la précision, des cordeaux tirés au millimètre puisque nous avons tous répondu présent à l’appel de deux formations aussi légendaires qu’indispensables à la bonne compréhension du Metal moderne, FEAR FACTORY et THE DEVIN TOWNSEND PROJECT…
Oui vous avez bien lu.
Deux précurseurs dans leur propre style, deux entités qui ont en quelque sorte inventé un nouveau langage, codifié, stylisé, et qui ont révolutionné la perception de la musique de centaines de milliers de fans à travers le monde.
Une soirée mêlant donc puissance, émotion, mélodie et rythmiques complexes et variées. Un tableau monochrome pour des prestations hautes en couleur.
Mais c’est aux frenchies de DAGOBA qu’il revient d’entamer les hostilités, et il n’est jamais simple d’ouvrir le rideau pour des formations aussi adulées.
Alors que le public dans la salle est encore clairsemé, le groupe déboule bille en tête, avec pour unique but de jouer crânement son rôle, sans se poser de questions, en se basant sur un répertoire homogène et déjà éprouvé par de nombreuses tournées.
Shawter et sa bande vont donc nous offrir un set brutal bien sur, mais aussi fédérateur, et ils ne ménageront pas leur énergie pour convaincre l’audience de leurs qualités scéniques.
Avec un son assez correct quoique légèrement au dessus de la moyenne, DAGOBA nous offre un bon moment, en étant très mobile sur scène, haranguant les premiers rangs, multipliant les gimmicks, et nous offrant ce que leur discographie compte de plus compact.
Une fois de plus, et même si Shawter reste un frontman de premier ordre, c’est bien sur Franky Costanza qui reste l’attraction principale, avec son look inspiré d’un mélange de Nikki Sixx et Tommy Lee, et sa frappe spectaculaire et claquante.
Les français sont visiblement plus qu’heureux de leur présence sur l’affiche, et alignent les classiques sans baisse de régime.
Et même si GOJIRA (que l’on retrouve sur les dates US avec Devin) m’eut semblé plus approprié en tant que première partie, je dois avouer que j’ai été séduit par l’attitude de DAGOBA, même si leurs albums m’ont toujours laissé froid. Je leur ai trouvé des qualités indéniables, une réelle pêche, et certaines chansons m’ont même convaincu par leur énergie communicative.
Bravo à vous les gars, car être le premier élément d’un triptyque n’est jamais chose aisée, et vous avez relevé le défi avec panache. Et du coup, tout ça m’a donné envie de vous voir sur votre propre tournée qui suivra la sortie de votre nouvel album en 2013. (8/10)
Et alors que résonne à travers les enceintes le « Number Of The Beast » de MAIDEN, nous attendons tous de savoir quelle va être la température du souffle produit par les maîtres du Techno Metal Industriel à venir…
Sachant que le combo en question est capable du meilleur comme du pire, les interrogations se justifient.
Mais après une intro sobre et ad hoc, FEAR FACTORY vient à notre rencontre, avec un backdrop sobre et une démarche nonchalante…
Alors bien sur, il y a deux écoles chez les fans de FF… Ceux qui préféraient le line-up avec Christian et Raymond, et ceux qui se satisfont du retour du gros Dino… Matrix vs Cyber Jurassic Park, le débat est ouvert… Et je dois avouer que pour ma part, seuls les quatre membres originels ensemble m’évoquent le vrai FF.
Mais il faut prendre ce que l’on nous offre, d’autant plus que les FEAR ont décidé ce soir de jouer la carte de la sécurité, et de consacrer les deux tiers de leur prestation aux deux classiques intemporels que sont Demanufacture et Obsolete.
Première constatation, on a connu Burton en plus petite forme. Certes, il n’a pas toujours l’air forcément lucide, mais il essaie au moins de communiquer avec le public et d’esquisser quelques mouvements sur scène.
Dino est quant à lui heureux de se trouver là, et s’adapte à la jeunesse de sa section rythmique, en parcourant la scène de droite à gauche, l’air tantôt vindicatif, tantôt satisfait.
Le problème du son a été évoqué par pas mal de monde, alors autant être clair une bonne fois pour toute.
C’est un set de FEAR FACTORY, alors bien sur, la grosse caisse est vraiment mise en avant, avec un tonalité très mécanique, ainsi que la guitare, au détriment d’une basse qui frise les infra sons, quasiment inaudible, sauf sur les couplets de « Edgecrusher ». Globalement, le niveau sonore était excessif, mais c’est aussi un problème avec ce groupe. La frontière ce soir entre le chaos et la bouillie était parfois ténue, mais une fois de plus, j’ai connu des conditions beaucoup plus désastreuses, notamment en festival, avec des sons tournoyants et incompréhensibles.
Deuxième point noir souligné, la faiblesse du chant clair de Burton. Là, je m’incline, bien que feindre la surprise soit assez malhonnête. Il est vrai que dès le départ, Bell s’est troué sur la plupart des passages en voix claire, et qu’il a atteint des sommets de fausseté que même un Dickinson après six heures de reprises de JUDAS PRIEST ne pourrait approcher. Mais c’est Burton… Si le studio arrive à masquer ses limites, le live est un exercice périlleux qui ne tolère aucune faiblesse… Et ce soir, le pauvre Burton était vraiment à côté de la plaque. Bref. Je suis en tout cas content qu’ils n’aient pas taquiné « Resurrection », parce que pour le coup, la catastrophe eut été totale.
Mais FEAR FACTORY, c’est aussi la puissance de feu.
Et après un « The Industrialist » bien carton, c’est la triplette magique d’Obsolete qui nous écrase de ses chenilles géantes, avec pas moins de trois titres successifs, le monumental « Shock », le cathartique « Edgecrusher », et l’halluciné « Smasher/Devourer ». Autrement dit, le pied total…
Dino est à l’aise et riffe précis, Matt DeVries assure comme un beau diable, malgré la sensation qu’il joue parfois à vide tant sa basse est noyée dans les fréquences graves, tandis que le pauvre Mike Heller, s’il est un percussionniste parfait, reste un peu tendre niveau charisme derrière son kit… Aussi précis que Raymond, mais un peu moins présent quand même…Je regrette amèrement que mon héros Gene Hoglan ne soit plus là, d’autant plus que l’affiche présente deux de ses anciennes formations !!! Reviens Gene !!
Mais le break au milieu de « Smasher/Devourer », avec le public reprenant en chœur le mythique « I am the way, prepare for salvation » fait chaud au cœur et achève de convaincre certains sceptiques.
Qu’à cela ne tienne, car ceux ci seront d’accord pour dire que les nouveaux morceaux passent bien la rampe, spécialement « Recharger » même s’ils restent en deçà des classiques.
Burton enjoint le public à fêter avec lui les vingt ans du séminal Soul Of a New Machine, avec « Martyr », qui montre un autre visage de la bête, plus foncièrement brutal et sauvage. Une époque révolue, mais qui a le mérite de présenter un historique du groupe plus exhaustif.
Et c’est parti pour le final, avec les quatre morceaux de Demanufacture, dont le titre éponyme en mise en jambes. Dino réclame un circle pit, demande exaucée par l’assistance, et ce morceau monstrueux déchire soudain les enceintes avec sa guitare tronçonné et sa rythmique volubile… Et lorsque intervient « Self Bias Resistor », on réalise à quel point FEAR FACTORY à l’époque avait des années lumières d’avance sur tous ses suiveurs…Groupe unique, jamais égalé depuis, par des formations ayant vainement tenté de reproduire le schéma électro-organique des américains sans pour autant capturer l’essence même de ces compositions écrasantes MAIS mélodiques, FEAR FACTORY prouve ce soir que même avec les années, et une certaine faiblesse d’interprétation de certains de ses membres, il reste une entité live effrayante, capable d’écraser tout ce qui se dresse sur son chemin.
Et lorsque le quatuor entonne le dernier morceau, le très attendu « Replica », ce constat devient une évidence.
« I don’t want to live that way »… C’est bien dit Burton… Vous n’avez jamais été comme les autres, et malgré un line-up instable, des albums passe-partout et des prestations parfois limites, vous êtes encore debout malgré les mauvaises langues qui vous auraient bien vu splitter définitivement après Digimortal… Et encore merci pour cette leçon rythmique en apocalypse majeure. (7/10)
Si ce soir dans le public se trouvaient des personnes étrangères à l’univers de « l’artiste » suivant (vous avez vu, j’ai fait un effort, je n’ai pas dit « génie ». Mais c’était difficile…), ceux ci ont du être assez surpris par la projection offerte entre les deux sets.
Oui, c’est évident. Ziltoïd TV, ça cueille à froid… Des caniches qui font du fitness, une marionnette crétine qui chante des rengaines débilitantes, des dessins fort mal animés, il faut avoir l’habitude… Mais Dieu que c’est bon…
Voilà une mise en condition qui fait grimper d’un cran notre impatience, nous le voulons, nous l’exigeons, et nous l’exigeons maintenant !!!
Et le voilà qui arrive, avec sa belle veste, sa guitare et son sourire qui ne trompe pas… Mesdames et Messieurs, le maître de cérémonie, le shaman de la fusion, le gourou de l’émotion brutale, l’Alien du Power Metal barré et indescriptible, j’ai nommé…
DEVIN TOWNSEND !!!
Autant vous le dire tout de suite, je n’ai rien compris ni retenu des trois premiers morceaux, les pourtant atomiques « Supercrush », « Truth » Et « Om ». Pourquoi ?
Parce que j’étais dans la fosse, à ses pieds à le shooter comme un damné, le cœur pris, la gorge serré et le faciès illuminé d’un rictus qui m’a fendu les oreilles. Je ne pouvais pas me concentrer, je pouvais juste me laisse envahir par la moiteur ambiante, essayer de capter son regard (j’ai réussi, mais il a eu peur je pense et du coup, il est parti…), et sentir les vibrations aspirer mon souffle et mes poumons…
Un quart d’heure en apnée totale, à respirer Devin, à contempler Devin, à écouter Devin sans me poser de questions, en acceptant juste la lénifiante évidence : cette musique, c’est MON monde. Et à ce moment précis, je partageais cette planète avec un bon millier de personnes, subjugués par la facilité avec laquelle la créature polymorphe passait d’un personnage à un autre…
Devin, c’est le Arturo Brachetti du Metal marginal, l’artiste qui change de personnalité sans bouger un cil, qui incarne la commedia dell'arte à lui tout seul, sans autre masque que sa musique.
Je commence à légèrement reprendre mes esprits lorsque le groupe développe l’énorme « Planet Of The Apes », morceau épique, noble et intense, extrait d’un album extraordinaire, Deconstruction, sur lequel le Canadien se lâchait totalement, au mépris de ses propres conventions.
Depuis l’entame du concert, Devin est égal à lui même… Expansif en diable, démultipliant les mimiques, esquissant des poses de faux guitar-hero (alors qu’il l’est bien plus que certains guitaristes qui eux prennent la chose avec sérieux), et focalisant toute l’attention… C’est bien sur justifié, mais légèrement injuste pour le reste du groupe qui le soutiendra sans faiblir tout au long du set.
Mais ce soir c’est lui la vedette incontestée…Et après un petit speech sur les implications ludiques et sociologiques de Donjons et Dragons, il se lance dans le premier extrait du lumineux Epicloud, avec le sublime « Where We Belong », durant lequel le public lève les bras comme un seul homme et allume bon nombre de briquets… Et durant cet intermède apaisant, Devin ne se départit pas de son sourire inamovible, mais tellement sincère…
C’est peut être sur ce morceau qu’on réalise à quel point le son est clair et puissant…Et « Sunday Afternoon », d’Accelerated Evolution en est sans doute une parfaite illustration… Nous sommes soufflés sans être emportés, remués sans être déplacés, inondés sans être mouillés.
C’est la magie Devin…
Mais n’oublions pas que derrière le masque de l’émotion se cache toujours ce petit lutin improbable qui aime les blagues de potache… Ce faux provocateur mais vrai timide qui n’en est jamais à une blague près, va en effet pour notre plus grand plaisir enchaîner un classique inénarrable et une nouveauté impayable…
C’est d’abord le kitschissime « Vampira » qui explose les boomers avec en arrière plan ce clip hilarant avec Townsend en diable lubrique et dément. Evidemment les fans tombent dans le piège et reprennent en cœur…
Mais lorsque le canadien introduit le second avec un tonitruant « C’est sûrement la chanson la plus stupide que j’ai jamais composée. D’ailleurs vous aussi, soyez stupide et levez les bras pendant le refrain !!! », personne ne vient s’opposer à sa volonté, et « Lucky Animals » devient un jeu, durant lequel celui qui établit les règles et ceux qui avancent leurs pions ne font plus qu’un…
Devin redevient ce pote, avec qui on délire, avec qui on ose tout, avec qui rien n’est ridicule, mais drôle, parce que pris au second, voire troisième degré. Et pour le prouver, il s’affuble de splendides oreilles de chat, et repart dans son cartoon de plus belle.
Vous en connaissez beaucoup des artistes qui sont capables de vous faire marrer, tout en étant sérieux, et en vous balançant des hymnes qui surpassent 90% de la production actuelle ?
Non ?
Moi non plus.
Mais Devin, c’est aussi la sauvagerie, la respiration brûlante…Ainsi, le terrible « Juular », du non moins terrible Deconstruction (qui est DEJA devenu un classique…) offre le genre de dualité qui définit intrinsèquement le personnage même de Devin/The Physicist/Ziltoïd…Un genre de schizophrénie musicale, une bipolarité harmonique dévastatrice…
Pendant tout ce concert, je me serais posé la même question. Comment un seul et même musicien peut il dégager de concert (elle est bonne…) une telle impression de puissance, d’agressivité, de violence, et simultanément, faire sourire, rire, pleurer, émouvoir, en restant le même, simplement, humblement, sincèrement…
Devin, c’est celui qui écrase ton cœur en t’apaisant d’un regard. Celui qui te terrorise d’un cri et qui l’instant d’après te rend hilare. Une émotion palpable, un chevalier involontaire du hasard, qui pourtant sait quelle est sa place…Quelque chose d’inexplicable, comme une histoire d’amour inextricable…
Et alors que « Grace » clôture le chapitre promotion et que « Deep Peace » fait office de confirmation, le rappel « Bad Devil » revient nous agiter les petons….
Ce morceau, c’est Devin Townsend vs Roger Rabbit, monde parallèle dans lequel le canadien fou affronte ce satané rongeur pour lui piquer sa Jessica.
Et qui finit d’ailleurs par lui voler, la séduisant par un ultime pas chassé au son de cuivres possédés…
Mais même les plus belles histoires ont une fin… Provisoire. Car si nous devons tous quitter le Bataclan ce soir, après les dernières poignées de main, les derniers regards émerveillés remisés dans la poche du manteau, nous savons tous très bien que cet au revoir à un arrière goût de lendemain…
Car Devin, même absent physiquement, sera toujours présent… Sa musique est intemporelle, comme lui d’ailleurs. Elle est un échappatoire à la grisaille de la réalité, un exutoire à la déprime de fin d’année, une alliée, une douce promesse, un vœux exaucé…
Merci monsieur Townsend, merci de…
Merci d’exister. (10/10)
Ajouté : Vendredi 14 Décembre 2012 Live Reporteur : Mortne2001 Score : Lien en relation: The Devin Townsend Project website Hits: 13911
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