GOJIRA (FRA) - L'Enfant Sauvage (2012)
Label : Roadrunner Records
Sortie du Scud : 26 juin 2012
Pays : France
Genre : Death Metal Progressif
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 52 Mins
Dignes représentants de l’essor créatif de la scène Metal française pour les uns, formation tout à fait banale et sans guère d’intérêt pour les autres, GOJIRA est un des rares groupes de l’Hexagone à avoir su aussi bien s’exporter à l’international et gagner en reconnaissance (ouverture pour METALLICA au stade de France le mois passé). Suite à un The Way Of All Flesh bourré de talent, l’attente des fans a été mise à rude épreuve, notamment lorsque le projet de sortir un EP, Sea Shepherd, gratifié de la présence d’artistes de renoms, a été avorté en pleine course, pour cause de problèmes techniques. Près de quatre ans se sont donc écoulés, sans grande nouveauté à se mettre sous la dent de la part des Landais, pour enfin pouvoir profiter de leur dernière réalisation : L’Enfant Sauvage. Un titre en français et un artwork brun orangé loin de faire l’unanimité, même si l’on peut établir des parallèles avec le style plus simpliste de The Link.
Ce qui transparaît aussitôt à l’écoute de ce nouvel opus, c’est son caractère très direct, la recherche de l’efficacité. Les compositions fleuves sont du coup absentes de la galette, et l’instrumentation ne s’épanche plus en démonstrations poussées toutes les dix secondes, au profit de plans plus simples. Les pistes se construisent alors le long d’allures relativement dociles, bien que des à-coups explosifs y prennent également part. À l’instar d’un « Planned Obsolescence », les atmosphères un tantinet pesantes de ce disque sont dues aux low tempos et boucles rythmiques. L’impression qui s’établit est celle d’avoir affaire à un aspect plus intimiste de la musique de GOJIRA. Alors qu’on leur connaissait une grandeur démesurée, visualisée au travers d’une instrumentation martiale, tout cet ensemble paraît réfréné. Le style du combo français n’a pourtant guère changé, avec des riffs vaporeux qui suffisent bien souvent à amorcer cette épopée mentale gargantuesque dans l’univers du quatuor. Sauf que, cette fois-ci, le tableau est bien délimité et donne l’impression que le groupe retient ses capacités. Plusieurs facilités d’écritures se présentent à l’écoute, notamment les constantes répétitions d’un même plan au sein d’une piste, comme la structure hypnotique de « The Axe ». Outre ces rythmiques lourdes et itératives, de nombreuses sections d’arpèges et d’acoustique ambiancent les morceaux, même si dans un registre moins spatial que celui qu’on leur connaît. « Born In Winter » débute de la sorte, présentant un sublime chant clair grave retenu, au phrasé syllabique. Il s’y crée ainsi une belle harmonie d’envoûtement et légèreté du fait de cet aspect évocateur qu’instaurent les arpèges circulaires. Ces sonorités pures et fragiles donnent lieu à quelques expérimentations telles qu’une outro toute en bruitages et accords éthérés solennels. Interlude de mi-album, « The Wild Healer » dispose d’un son plutôt digital, avec quelques apparats 8-bit dans le riff mélodique. Constitué d’une pincée d’accords en circulaire, cette plage contraste joliment avec l’opacité des morceaux de l’album. Agréable musicalement, et assez inattendu de la part d’un groupe comme celui-ci.
Au rayon nouveautés dans la façon de travailler de GOJIRA, nous trouvons la présence de Josh Wilbur à la production et au mixage, pour collaborer avec Joe, qui s’en occupait habituellement seul. Le résultat est exemplaire. Chaque ligne instrumentale, vocale, ressort proprement sans baver sur celles d’à côté. Et le tout sans entacher la puissance sonore. Le rendu de la batterie est extrêmement bien dosé vis-à-vis de ses différents composants, tandis que basse et guitares voient leurs accords ciselés dans le marbre auditif. Cependant, cette application plus professionnelle joue sans doute un rôle dans la perte de cet aspect massif incessant lorsque l’on écoute un de leurs albums. Un excellent travail a été réalisé mais, justement, on y perd assurément en ambiance. Si Mario a gagné en technicité, il ne la déploie pas forcément sur L’Enfant Sauvage et ses jeux dévastateurs ne touchent pas outre-mesure. Son instrument se pare même un rendu assez mécanique, où les blasts sont moindres et les rythmiques peu enclines à faire de surprenants détours. Ce qui n’empêche pas des titres solides tels que « Mouth Of Kala » de s’imposer.
Du côté de Joe, le frontman a opté pour une voix hurlée davantage mélodique et chantée. Désormais, elle est considérée à part entière, et non plus pensée en tant qu’élément de structure dans les compositions. Cette nouvelle approche du chant pourrait sembler minime, mais pour un groupe tel que GOJIRA, qui a su imposer un style mastodonte grâce à un chant transcendant, cette nouvelle vision influe également sur la finalité de l’impact de l’album ; l’on s’en rend compte dès « Explosia », la piste d’ouverture, où tout semble trop discipliné. Joe n’a pas pour autant perdu ses capacités hors normes, qu’il se plaît à afficher en un growl monstrueux sur l’ultime plage, ou même de par de bonnes harmonies et un chant titanesque sur le titre single, « L’Enfant Sauvage », qui, avec ses riffs entêtants, tend à rappeler l’album de 2005. Mais, lorsqu’il prend des tournures plus mélodiques, c’est directement de son idole Devin Townsend qu’il puise son inspiration. Pour preuve, la versatilité dont il fait preuve sur « Pain Is A Master », entre chant colossal et vocaux bourrés d’harmonies, de mélodicité, ainsi que l’usage du vocodeur pour un rendu digital. Par ailleurs, le tout est supporté par une basse très rigoureuse, de ses accords ambiancés aux rythmiques Prog légères aussi influencées par le Canadien.
Disons que la basse de Jean-Michel est ronde et bien explosive, surtout lorsqu’elle est superbement avancée dans le mix, à l’image de « The Fall », un morceau qui devient rapidement obnubilant de par sa cadence engourdie et ses textures épaisses qui capturent alors l’esprit au sein de schémas obsédants. Logiquement, la cinq cordes est également revenue à une formulation plus cadrée. Suivant majoritairement les traces de Joe et Christian, elle se démarque pleinement grâce à la production et pose des accords groovy, et pesants lors des portions un peu plus Prog. Quant aux guitares, elles demeurent caractéristiques du son de GOJIRA, toujours avec cette consonance atmosphérique qui rend les riffs intenses. Toutefois, le passé des Landais semble se présenter trop souvent à l’esprit lors de l’écoute de ces nouveaux morceaux, tant un plan rythmique ici ou là, un arrangement vocal, ou un schéma instrumental apparaissent similaires. Les deux guitaristes offrent tout de même des jeux de qualité, avec de très bons riffs mélodiques et entraînants (« Liquid Fire »), ou le superbe tapping de « The Gift Of Guilt » qui se termine sur un refrain des plus accrocheurs. C’est efficace, mémorable, et la prestation de Joe qui s’égosille en fin de titre prend aux tripes.
GOJIRA est un groupe soudé, très cohésif, et continue d’écrire sa musique le plus honnêtement du monde ; s’il y a bien une chose qu’on ne pourra leur reprocher, c’est bien celle-ci. Pour ce nouvel album, ils ont exprimé des envies différentes, réaliser des compositions plus directes, plus simples au niveau instrumental. Néanmoins, pour un groupe qui s’est fait un nom via ses fresques musicales massives et alambiquées, le retrouver sur une recette classique déçoit quelque peu. Et si From Mars To Sirius reste leur album le plus abouti, le quatuor français a su développer tout un ensemble de sonorités qui lui sont propres, et que l’on retrouve majoritairement dans L’Enfant Sauvage, toujours avec la volonté de les faire évoluer. Cependant, même si plaisant musicalement, ce nouvel effort semble tourner en rond, et n’offre finalement que peu de réelles surprises.
Ajouté : Mardi 26 Juin 2012 Chroniqueur : CyberIF. Score : Lien en relation: Gojira Website Hits: 9266
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