ÉCHANCRURE (FRA) - Paysage. Octobre. (2011)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 10 octobre 2011
Pays : France
Genre : Post-Black Metal Expérimental
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 34 Mins
Projet musical d’un seul homme, Antoine, ÉCHANCRURE est mis en activité fin 2010, dans le but de permettre à son auteur de concrétiser la musique créée depuis plusieurs années. Rapidement, un split fait surface, en compagnie du one-man band espagnol ATRABILIS. Cette sortie y présente un Black poétique, de par le piano et les cordes frottées, mais également déchiré dans l’exécution vocale. Quelques mois plus tard, en octobre 2011, Antoine dévoile Paysage. Octobre., le premier album de son projet.
A savoir que cet opus signe en fait le volet d’ouverture d’une série d’œuvres sur le thème du paysage. Pour celui-ci, vu le mois étant attribué, l’on aurait pu s’attendre à un séjour automnal. Toutefois, le Francilien s’épanche plutôt en un style davantage minimaliste, ou les explosions démoniaques de violence brute du Black concèdent leur place à l’installation d’une atmosphère sombre, créant son propre univers dynamique et évolutif pendant la trentaine de minutes que dure l’ensemble des titres. Des morceaux qui ne sont en fait découpés que pour le besoin d’illustrer des étapes, car il ne s’agit, à la base, que d’une composition unique. La cohérence est donc assurée dans ce voyage immersif et intriguant. Un parcours qui s’entame, avec la première section, sur une ambiance qui se cherche, parcourue de divers bruitages résonnant et se répondant, sur fond de nappe brumeuse, aux côtés de timides arpèges et légères percussions. A la fois lourdes et aériennes, les structures progressent lentement. Parfois même, un piano intervient, au détour d’un break, renforçant cette impression d’errance hors du temps, notamment grâce au delay sur sa partition. Des notes d’idiophones, provenant de plusieurs instruments, jouent sur les contrastes de l’humeur en faisant évoluer leur débit. Usées en compagnie des saturations impassibles des cordes, ces mélodies, en tintant, laisse percevoir des bribes d’espoir au cœur noir de l’atmosphère, tout en lui conférant un aspect sinistre plus prononcé du fait de cette opposition musicale. Et, lors de quelques accrocs, les percussions se mettent en branle avec les bidouillages électroniques, dans d’étranges cacophonies où les guitares élongent leurs riffs. Les textures ainsi tissées grincent, couinent, s’étirent avec peine et laissent paraître un côté discordant et chaotique incommode, presque malveillant, rappelant les expérimentations du premier album de GLOOMY EMBODY ABYSMAL. Pour rendre l’aura plus glauque, Antoine n’est pas avare en samples oppressants ou malsains, comme les grognements d’animaux sur la sixième portion.
Survolant l’ensemble de la composition, des fragments de voix y vont de leur petit commentaire de l’instant. Hormis sur le finale, où la consistance se fait, les paroles sont essentiellement murmurées, presque inaudibles, faisant office d’un souffle incantatoire. Indéchiffrables, l’on en entend principalement les percussions de la prononciation, ou le sifflement du chuchotement, se frayant un chemin au sein d’une rythmique froide et stridente. L’on note, sur le troisième morceau, entre les samples agités, et l’ambiance glaciale, maussade, un extrait du monologue Céline Vous Parle, de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline. Ce passage reprend l’enregistrement de 1957, et altère la voix d’un apparat plus électronique qui s’accorde au moment. A l’instar de l’avant-dernière piste, les propos ne sont pas toujours exprimés d’une manière tragique, et se montrent alors parfois plus chantants, harmonieux, contrastant avec l’atmosphère grondante. Car, si les voix se font assez rares, la rythmique ne manque pas une occasion d’utiliser des schémas plus menaçants.
Tandis que la basse se mêle docilement à la batterie et profite à l’immersion de l’auditeur au sein de cet univers fantasque, il subsiste quelques notes pianotées pour renforcer cet aspect de bizarrerie. De cette ambivalence, prise comme leitmotiv tout au long de l’œuvre, naît une certaine fascination. Par exemple, la deuxième phase régule une antimusicalité, créée par un violon qui part dans des spirales dissonantes, grâce à de subtiles notes mélodiques. Malgré un fort usage de cordes frottées distordues et guitares plaintives, saturées, se glissant dans l’opacité environnante, le réel fil directeur est constitué par les plans percussifs industriels, bien marqués des riffs acérés. D’ailleurs, sur la quatrième section, alors que les cordes se déchirent et emplissent l’espace de leur plainte, la rythmique lourde et grondante s’impose, accompagnée de quelques bidouillages électroniques, relançant le cheminement global envers un paysage décomposé, renforcé par le violon qui se dresse sinistrement. La basse façonne également l’atmosphère en territoires morfondus et désolés, impactant de ses accords hostile, tel que sur le cinquième segment, créant un sillon emprunté par les cordes qui geignent.
En définitive, de part cette œuvre personnelle, Antoine développe un univers sombre et captivant, sachant s’animer et se diversifier. Les saturations et sections brutes se mêlent aux mélodies innocentes et ornements synthétiques, permettant à cet espace sonore de pleinement s’illustrer dans l’esprit de l’auditeur. On peut toutefois regretter la durée de l’ensemble, ainsi que le manque d’un épilogue cathartique mémorable pour conclure ce disque.
Ajouté : Lundi 16 Janvier 2012 Chroniqueur : CyberIF. Score : Lien en relation: Echancrure Website Hits: 8156
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