MARILLION (uk) - Happiness Is The Road (2008)
Label : Racket Records (Online Sale)
Sortie du Scud : 20 octobre 2008
Pays : Royaume Uni
Genre : Marillion Expérimental et Libre
Type : double Album
Playtime : 21 Titres - 108 Mins
Pas facile de s’envoyer un pavé de presque deux heures…Surtout lorsqu’il y a marqué en gros MARILLION sur la pochette.
Groupe culte pour des millions de fans, qui ont même financé via contributions certains enregistrements et même une tournée de Steve H et les siens, MARILLION a connu un parcours hors normes, avec une première partie de carrière sous les feux de la rampe avec FISH, et des albums comme Misplaced Childhood ou Fugazi, et une seconde avec Steve HOGARTH plus discrète, en demi-teinte, éclairée par des albums majestueux (Brave, Anoraknophobia, Marbles).
Autant dire qu’il n’est pas question de balancer le boulot à la va-vite, chaque erreur de jugement pouvant causer l’ire d’un grand nombre d’adeptes.
Pour commencer, je dirais que Happiness Is The Road n’est pas facile d’accès. Décomposé en deux parties bien distinctes, il développe un nombre impressionnant d’atmosphères, de sensations, véritable melting pot de styles qui plongent l’auditeur au cœur d’un monde bien particulier.
Le premier des deux CDs, « Essence », très homogène, nous ramène à la glorieuse époque des 70’s, avec ses morceaux très progressifs (normal pour MARILLION me direz vous !), son côté planant mais pas toc, et ses mélodies très éthérées. Difficile de ne retenir que quelques titres, même si la jam finale s’exclue d’elle-même de par son aspect très « Rock », ainsi que « Happiness Is The Road » et ses dix minutes magiques, dignes d’un grand YES.
« This Train Is My Life », très nostalgique est aussi une véritable pépite, et le chant doucereux de Steve H (qui emprunte parfois les tonalités d’un Greg DULLI, d’AFGHAN WHIGS) est une invitation au voyage intérieur, avec tout ce qu’il comporte d’introspection. Une approche très semblable à la seconde face de l’énorme The Joshua Tree de U2, et l’évocation d’un Peter GABRIEL apaisé ne parait pas déplacée.
L’utilisation d’instruments inédits pour le groupe, comme le Dulcimer ou la Harpe appuie l’impression globale de « mondialisation » musicale, et le rejet des barrières, quelle qu’elles soient.
Un premier volet très proche de PINK FLOYD, auquel il emprunte les techniques de développement d’un morceau sans contraintes, laissant les harmonies se propager et se conclure d’elles mêmes.
Ajoutons pour conclure que la piste cachée est volontairement silencieuse, ne hurlez donc pas à la malfaçon en tombant dessus !
Le volet « The Hard Shoulder » n’offre pas de transition, et « Thunder Fly » et son tempo tout en percussion s’écrase soudain sur un break atmosphérique, avant que le thème principal ne reparte de plus belle. Les guitares et la basse virevoltent ensemble, tissant des nappes mélodiques hypnotisantes et pourtant si différentes qui ajoutent encore plus au dépaysement. On pourrait presque discerner le même genre de leitmotiv qui agitait certains titres du All Things Must Pass de George HARRISON, la puissance en plus. Réellement magique !
Les quasi huit minutes de « The Man From The Planet Marzi » évoquent un peu le superbe « I Walk Beside You » de DREAM THEATER autant que RADIOHEAD, ou même si l’on pousse le bouchon plus loin, certains enregistrements du GENESIS des 80’s. Mélange subtil de Rock alternatif, de pop et de progressif, ce morceau est d’une splendeur totale, à rapprocher des origines de MARILLION, et la voix de Steve n’a jamais autant sonné P.GABRIEL.
L’épique « Asylum Satellite #1 » semble tout droit sorti de l’Animals de PINK FLOYD, avec sa tension palpable et son chant faussement rassurant. Une fois de plus, les développements ne sont nullement bridés, et le groupe laisse la part belle aux digressions vaporeuses. L’inspiration 70’s est on ne peut plus présente, mais débarrassée de ses scories improvisés pénibles. Ici, chaque note a sa place, et point de bavardage inutile. On croirait entendre plus d’une fois la guitare de David GILMOUR, libre, belle, sauvage. Le son est parfaitement en place, couvrant chaque seconde et chaque millimètre d’une sous teinte crue et pourtant si soyeuse.
Les arrangements classiques de « Throw Me Out », posés sur un beat quasi Trip-hop établissent un décalage bienvenu, et font sonner le morceau comme un inédit de BOWIE, indatable et indubitablement génial. Le solo est un modèle d’inventivité et la multiplication des sonorités inhabituelles en fait un des points forts de ce second CD.
On change d’ambiance pour l’excellent « Half The World », et sa touche Alanis MORISSETTE, très pop et pas si facile d’accès qu’il n’en parait. Le falsetto de Steve H fait merveille et colore le titre d’une touche féminine que ne renierait pas Fiona APPLE.
Le refrain très puissant de « Whatever Is Wrong With You » provoque une cassure bienvenue par rapport à ses couplets tout en finesse, et gageons que si le grand public était moins gland, ce morceau aurait largement de quoi se frayer une place aux sommets des charts. Les frontières du Metal sont brisées, et la déconstruction de la pop musclée confrontée à l’énergie du rock produit un résultat de haute volée.
Le même constat pourrait s’appliquer sans problème à « Especially True », et son faux rythme pataud. Une construction toute en progression, qui va crescendo, jusqu’au refrain fédérateur.
En guise d’au revoir, le groupe nous offre le magnifique « Real Tears For Sale », emblématique de ce survol de styles qui caractérise ce second CD.
Alors, peut on à proprement parler de réussite ? Oui, je le pense sincèrement. N’étant pas ce que l’on pourrait appeler un « inconditionnel » de MARILLION, je ne me permettrai d’établir un jugement définitif, laissant cela aux réels historiens du groupe.
Il n’empêche que la beauté troublante de certains morceaux du premier CD, et l’homogénéité paradoxalement imprégnée d’un passage en revue de tous les genres possibles et imaginables du second permet au concept album Happiness Is The Road de se glisser (selon moi) parmi les meilleures réalisations de MARILLION.
Cet album ne s’adresse pas aux fans de progressif, et ne se limite pas non plus au following du combo. Il s’adresse tout simplement à tous les amoureux de la musique en général.
La musique généreuse, touchante, inspirée, authentique, spontanée et pourtant travaillée.
Il existe encore des groupes qui n’ont cure du cloisonnement dans lequel les rock-critics pourraient les confiner, et qui se contentent de jouer avec leur cœur.
MARILLION est de ceux là.
Ajouté : Mardi 17 Février 2009 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Marillion Website Hits: 16461
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