KORTEX (FRA) - Aurélie (Avril-2009)
"C'est affolant la mine de talents, de groupes excellents et novateurs qu'on trouve dans l'underground" ... Ces quelques mots sont signés Aurélie Bridault, guitariste-chanteuse du groupe KORTEX. Le quatuor francilien, qui vient récemment de sortir son EP Beyond The Mirror plein de promesses, sait d'où il vient et sort peu à peu de l'ombre. Rencontre avec une frontwoman lucide, honnête et pleine d'humilité ...
Line-up : Aurélie (a.k.a Auriele) - Guitars & lead vocals, Bruno (a.k.a Tortuga) - Bass & backing vocals, Laurent (a.k.a Cat Killer) - Drums, Chee Salis (a.k.a BRUTALico) - Guitars, Randal Xavier - Lyrics
Discographie : Disorder Of Desire (Démo - 2007), Beyond The Mirror (EP - 2009)
Metal-Impact. Salut Aurélie ! A l'heure où je te parle, KORTEX vient de donner un concert à l'Espace B (Paris), comment c'était ?
Aurélie. C’était un moment magique. Tous les ingrédients d’une bonne soirée Metal étaient réunis. Un endroit sympathique, de bons groupes - je souligne au passage mon coup de cœur de la soirée, FALLEN JOY, dont on entendra certainement parler un des ces quatre - un public résolu à célébrer l’arrivée du week-end, des conditions sonores maîtrisées et pour les estomacs sur pattes - et il y en a plus d’un chez KORTEX - de bonnes pizzas. L’alchimie musiciens/public était au rendez-vous, la clef d’un concert réussi.
MI. Peux-tu nous présenter KORTEX, son parcours, les membres du groupe ?
Aurélie. KORTEX est issu d’un projet initié dès 1999 sur la base d’un concept simple, réunir des musiciens de tous horizons pour fonder un groupe résolument Metal sans pour autant se fixer de règles strictes en terme de style, pour ne pas renier d’autres influences qui ne pouvaient a priori que l’enrichir. Derrière se cache le fol espoir d’apporter notre petite pierre à l’édifice, sans reproduire ce qui a déjà été si bien réalisé par d’autres. Comme dans beaucoup de groupes nous avons connu de multiples changements de line-up et nous avons aussi pris le temps d’expérimenter dans de multiples directions. J’y occupe le poste de guitariste depuis les premières heures tout comme Bruno, inventeur du projet originel, en a toujours été le bassiste. Laurent, le batteur jazzy nous a rejoint à l’automne 2003 et Chee Salis, le guitariste sud-américain aux soli survoltés, est arrivé en 2005. Fin 2006, j’ai balbutié mes premières lignes vocales et Bruno m’a soutenu avec ces choeurs : la formation actuelle était enfin constituée.
MI. Sur votre site officiel, on peut lire que Tom Waits, Tori Amos ou Kristen Hersh constituent vos principales influences au niveau des textes. Voilà qui est peu commun dans le Metal ...
Aurélie. En effet et pour cause. Les textes en question (3/4 en ce qui concerne notre EP) ont été écrits par un poète australien, Randal X, pour qui l’univers Metal était quasiment inconnu. Nous lui avons donné carte blanche et ce sont ses propres influences. Cela fait partie du concept du groupe, allier les talents et mixer les sources d’inspiration. Malgré cette provenance “extra-Metal” ils nous paraîssent tout à fait dans le ton.
MI. Et d'un point de vue musique, quelles sont vos sources d'inspiration ?
Aurélie. Elles sont de toute évidence très variées ! Du Hard Rock (THE CULT, LED ZEPPELIN, DEEP PURPLE, BLACK SABBATH), du Heavy Metal (JUDAS PRIEST, IRON MAIDEN, CONTROL DENIED, TESTAMENT), du Thrash (SEPULTURA, CORONER, KREATOR, PANTERA), du Death (DEATH, CANNIBAL CORPSE, MORBID ANGEL, CARCASS, OPETH), du Prog' (DREAM THEATER, LIQUID TENSION EXPERIMENT), du Punk (THE CLASH, DAMNED), de la New Wave (SISTERS OF MERCY, JOY DIVISION, NEW ORDER, KILLING JOKE), du Rock (ROLLING STONES, RED HOT CHILI PEPPERS, TOOL), et même du Blues (John Lee HOOKER, BLUES BROTHERS, Aretha FRANKLIN) et du Jazz/Fusion (UZEB, WEATHER REPORT, Chick COREA, Billy COBHAM).
MI. A la fin des titres "Naught Stores" et "Soft Boiled Brain", on t'entend chanter en voix claire sur des parties très aérées. Est-ce du à la volonté du groupe de ne pas se cloisonner ?
Aurélie. Du chant clair et des parties "softs" sont présentes sur la moitié de nos titres. La formule fait partie de nos motifs de composition depuis toujours, et par rapport à ce que nous nous autorisons, il constitue un degré d’ouverture somme toute assez modéré.
MI. Faut-il y voir une évolution future, un style qui va prendre plus de place dans vos prochaines compos ?
Aurélie. Depuis mon arrivée au chant, de l’eau a coulé sous les ponts et je me sens aujourd’hui plus à l’aise pour interpréter des parties en voix claires. Aussi il est bien possible qu’elles prennent plus de place dans les futures compositions, mais comme il n’y a pas de règle je ne peux rien garantir… Une autre tendance qui se dessine c’est plus de brutalité. Aussi je prédirais bien qu’à l’avenir au moins certains de nos morceaux feront la part belle aux contrastes marqués et aux alternances rapides entre ces deux types de chants.
MI. Pour revenir à ta voix la plus agressive, elle m'évoque plutôt le registre d'Angela Gossow (ARCH ENEMY) et même certaines voix Black ...
Aurélie. Les lignes vocales d’Angela ont effectivement fait partie de mes sources d’inspiration et j’apprécie énormément son travail. Mais il y en a bien d’autres. Par exemple, la voix de Chuck Shuldiner sur l’album Sound Of Perseverence qui en 1998 m’a marquée à tout jamais. Cette tessiture totalement androgyne me conforte à penser que la frontière entre voix féminines et voix masculines est finalement ténue. Il y aussi Mikael Åkerfeldt (OPETH) qui est pour moi la référence absolue en terme d’intelligibilité des grunts, et George "Corpse Grinder" Fisher de leur teneur en testostérone ! La performance de ces deux chanteurs représente pour moi une cible inatteignable mais ce sont les rêves qui font avancer les hommes et les femmes… En revanche, toute ressemblance avec des voix Black est totalement fortuite et involontaire car je dois avouer qu’il n’y a pas plus inculte que moi en matière de Black Metal. Je n’en ai jamais écouté.
MI. Quand on est guitariste-chanteuse dans un groupe de Metal comme KORTEX, est-ce qu'on ne se sent pas seule au monde ? As-tu des modèles, des sources d'inspiration dans le genre ?
Aurélie. Oui et non. Je ne me sens pas dans la norme c’est sûr mais cela ne pose pas vraiment de problème. Je n’ai pas véritablement de modèle, je n’en ai jamais eu que ce soit pour la musique ou pour le reste. Je ne fonctionne pas comme cela. Je suis guitariste-chanteuse car j'aime ça, j'aime apprendre, progresser, expérimenter, créer c'est un besoin vital. Et grâce à cette activité je multiplie les rencontres de personnes passionnées et passionnantes aussi, non, je ne sens plus seule.
MI. Il y a de plus en plus de femmes dans le Metal extrême (et même le Metal en général), est-ce que cela te touche ?
Aurélie. Oui, j’y suis très sensible car pour ma part cela m’a apporté énormément, aussi je suis très heureuse que d’autres femmes puissent le vivre également. J’ai toujours encouragé les femmes, peu nombreuses au demeurant, que j’ai croisées sur mon parcours. Mais j’en profite pour souligner un point qui me paraît très important, c'est que je serais très triste que cela devienne un genre, une catégorie dans laquelle les groupes se verraient enfermés. Dans le même ordre d'idée, les femmes étant de plus en plus présentes au poste de chanteuse, j'ai envie de rappeler à toutes fins utiles, qu'un groupe ça n'est pas seulement une voix.
MI. KORTEX vient d'être chroniqué sur Metal Impact, et j'ai récemment lu une news vous concernant sur VS-Webzine. Alors, qu'est ce que ça fait d'être "célèbre" ?
Aurélie. Ca en revanche, je dois reconnaître que cela me défrise un peu. Après de longues années de travail à l'écart du monde, c'est forcément très plaisant, et on apprécie que notre travail un peu en marge des canons actuels soit reconnu. En même temps, cette visibilité encore toute relative matérialise une attente, élément qui n'entrait pas en ligne de compte jusqu'ici. Aussi j'espère que nous saurons y répondre tout en restant nous-mêmes.
MI. Est-il facile pour KORTEX de dégotter des concerts ? Jean-Baptiste Le Bail de SVART CROWN nous disait il y a peu qu'en France, les infrastructures et les aides manquent sérieusement à ce niveau ...
Aurélie. En effet, s'il y a bien un domaine dans lequel nous nous sommes sentis seuls et démunis, c'est bien dans la recherche de plans concerts. Décrocher les premières dates a été difficile et nous n'avons bénéficié d'aucun soutien si il existe. Il y a tout de même des associations et des sponsors publics dont il faut saluer le travail, mais je déplore qu'en région parisienne ces structures fonctionnent trop souvent par département, le 92 étant le plus mal loti. A cela se rajoute un certain black-out du Metal qui n'a pas bonne réputation et ferme encore de nombreuses portes. Heureusement une fois les premières dates dégottées, les contacts avec les groupes se multiplient. Comme les groupes organisent de plus en plus les concerts par eux-mêmes (CQFD) et que beaucoup ont la générosité de soutenir leurs homologues, au fil des concerts les dates s'enchaînent plus vite. Le réseau prend le dessus !
MI. Y a-t-il un groupe pour lequel KORTEX rêverait d'ouvrir ?
Aurélie. OPETH, si on survit à l’accident cardiaque causé par l’annonce de l’événement !
MI. En tant que chroniqueur ou simple auditeur, on a parfois du mal à imaginer les démarches à effectuer pour la conception d'un CD. Comment cela s'est-il passé pour "Beyond The Mirror" ?
Aurélie. Nous avions déjà enregistré une démo, ce qui nous avait familiarisé avec les démarches à effectuer. Heureusement car il y a beaucoup de choses à gérer. En effet en dehors de la sélection d'un studio pour l'enregistrement, le mixage, puis le mastering de la musique, il faut aussi trouver un prestataire pour la reproduction du CD et la fabrication de son packaging. En parallèle il est impératif de demander une autorisation de pressage à la SDRM afin d'être en règle avec la législation. Pour les groupes qui souhaitent protéger leurs œuvres, il faut également au préalable s'inscrire à la SACEM ou au SNAC et y déposer les morceaux. Ces différents professionnels ne sont pas là pour faire de la pédagogie et assister les groupes, aussi il va s'en dire que tout cela peut décourager les jeunes talents !
MI. A l'heure d'aujourd'hui, comment a été accueilli cet EP ?
Aurélie. Jusqu'ici les retours sont très positifs, ils nous confortent dans nos choix et nos orientations, et nous encouragent à aller plus loin. Nous n'avions aucune certitude sur ce plan, aussi c'est une superbe récompense.
MI. J'imagine que les membres du groupe et toi-même ne vivez pas de votre musique ? Est-ce un objectif à terme ?
Aurélie. Non, nous ne l'avons jamais envisagé car nous savons bien que c'est quasiment impossible. On compte sur les doigts de la main les artistes du Metal reconnus mondialement qui vivent confortablement de leur musique.
MI. La réalisation d'un album entier constitue-t-elle l'étape suivante pour KORTEX ?
Aurélie. Bien entendu cela fait partie de nos projets. Beyond The Mirror est en fait en peu en avance de phase. Il n’était pas prévu au programme, nous avons décidé de l’enregistrer sur un coup de tête pour marquer le début d’une nouvelle époque, et avoir le plaisir de pouvoir dire « oui » aux personnes qui viendraient s’enquérir de son existence à la descente de scène. Il n’y a rien de plus frustrant que de répondre par la négative à cette question. Parallèlement, nous nous interrogeons sur l’adéquation du format album aux nouvelles habitudes d’écoute de musique qui sont en pleine mutation. Nous sommes aussi soucieux de pouvoir offrir un CD à un prix abordable au plus jeune public. Et l’auto-production d’un album est un chantier onéreux… Aussi il se pourrait aussi que nous enchaînions très vite sur un deuxième EP, qui constituerait le second volet de Beyond The Mirror. Les choses sont assez ouvertes pour le moment, nous n’avons pas pris de décision. Nous travaillons actuellement de nouvelles compositions, certains morceaux de notre passé auxquels nous tenons beaucoup restent inédits. Mais j’espère que l’avenir nous réserve encore cette joie.
MI. Y a-t-il un sujet particulier sur lequel toi ou KORTEX souhaiteriez vous exprimer ?
Aurélie. Oui, un sujet de fond : l'avant-scène et l'underground. Ce n'est pas un phénomène très récent mais sa réalité est rendue plus tangible avec l'avènement d'Internet qui permet à l'underground d'être audible de tous. C'est affolant la mine de talents, de groupes excellents et novateurs qu'on y trouve en regard de ce qui transpire dans les medias. Attention le sol devient instable tellement les galeries souterraines ont gagnées du terrain, il pourrait bien finir par s'écrouler…
MI. Pour finir, as-tu un petit mot à dire aux lecteurs de Metal Impact ?
Aurélie. Oui bien sûr. Déjà qu’ils sont la preuve vivante que le « pré-digéré » ne fait pas le bonheur de tous, et que l’étincelle de curiosité qui a mené l’humanité jusqu’ici est présente en chacun de nous. Egalement que je les rejoins totalement sur cette passion dévorante qu’est la musique. C’est elle qui nous accompagne dans les meilleurs instants de notre vie et nous donne aussi la force de surmonter les moments les plus difficiles. Qu’ils ont aussi bien raison d’en avoir rien à cirer de tout le mal qu’on pense des métalleux, l’ignorance en est seule responsable. J’en profite pour reprendre à mon compte les propos d’un violoncelliste qui faisait récemment ses adieux sur scène car il quittait son groupe de Metal, propos que j’ai trouvé édifiants. Je ne me souviens plus des mots exacts, j’espère ne pas le trahir : « Avant de rejoindre ce groupe je ne connaissais rien au Metal, je pensais qu’il n’y avait que des gars chevelus habillés tout en noir. Et bien, c’est vrai, il y a beaucoup de gars chevelus et ils s’habillent quasiment tous en noir mais qu’est-ce qu’ils sont sympas ! ». Et pour terminer, le mot de la fin : si parmi les lecteurs de Metal Impact, certains hésitent à se lancer dans l’aventure, qu’ils courent dès demain matin chez le marchand dégotter l’instrument - ou le micro - qui les tente !
Ajouté : Mardi 21 Avril 2009 Intervieweur : NicoTheSpur Lien en relation: Kortex Website Hits: 21115
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