PAINT IT BLACK : Quand La Mort Rôde Dans Le Blues, Le Rock, Le Rap Et La Country (2008)
Auteur : Graeme Thomson
Traduction : Serge Loupien
Langue : français
Parution : 2008
Maison d'édition d'origine : Bloomsbury
Maison d'édition Française : Rivages Rouges
Nombre de pages : 241
Genre : Essai
Dimension : 241
ISBN-10 : 0380811278
ISBN-13 : 9780380811274
La mort dans tous ses états. Voici le sujet de ce livre de Graeme Thomson publié en anglais sous le titre I shot a man in Reno. En français, l'ouvrage est bizarrement rebaptisé Paint It Black. Etrange choix éditorial que rien ne dicte et qui retire à l'accroche initiale une partie non négligeable de son sens. Car plus que l'état de mort, ce que l'essai de Graeme Thomson s'attache à étudier, c'est le traitement de la mort dans la musique populaire. Et dans cette catégorie, "Folsom Prison Blues" de Johnny Cash dont est tiré le titre original tient une place de choix, avec son fameux vers : "I shot a man in Reno, just to watch him die". Une strophe bien plus puissante et ancrée dans le réel que le ténébreux "Paint it Black" qui ne parle pas vraiment de la mort et qui n'est, à ce titre, pas analysé dans le livre !
Ce livre thématique se dévore avec délectation. A cela trois raisons. D'une part la très belle plume de Graeme Thomson, auteur de plusieurs écrits consacrés à la musique pop au sens large, c'est à dire la musique populaire par opposition à la musique "classique". D'autre part, l'immense érudition de ce dernier sur son domaine de prédilection. Enfin, une traduction excellente, respectueuse du texte originel et n'en dénaturant jamais le sens.
Paint It Black s'intéresse au traitement réservé à la mort dans la musique populaire du vingtième siècle au travers de chapitres thématiques : le désir de mourir chez les adolescents qui se reflète notamment dans la musique Emo, le meurtre, le suicide, l'apologie du meurtre dans le Gangsta Rap, l'immortalité supposée des rockstars. L'auteur décortique des chansons phare, fait des comparaisons audacieuses, trace des lignes de convergence entre les époques et les genres musicaux et tire des conclusions parfaitement étayées. Mais malgré la richesse et l'intérêt de son travail, Graeme Thomson semble avoir fait l'impasse total sur le Metal. C'est d'autant plus étrange que s'il y a bien un genre qui a fait de la mort son fonds de commerce, c'est celui-ci (du moins certains courants). Pourtant, à aucun moment, l'auteur se réfère aux travaux de groupes comme SLAYER dont le morceau "Jihad" n'aurait pas juré dans la partie consacré aux grandes tragédies humaines.
Il faut attendre la page 167 pour avoir une explication sur les raisons de cet ostracisme. Dans la partie consacrée au Gangsta Rap, Graeme Thomson fait une première référence au Metal en des termes tout sauf objectifs : "Seul le Black Metal, branche scandinave satanique et obscure du Heavy Metal, dont les adeptes prônent la crémation d'églises, la maltraitance d'animaux et le vampirisme comme hobbies, établit une corrélation aussi explicite entre le contenu de ses textes et les activités violentes, et parfois meurtrières, répercutées dans le monde réel."
Réitération en page 217 : "Voila pourquoi, confinés dans une vision restrictive, les divers courants du Metal, de même qu'une bonne partie de la production Rap et Emo, ne semblent pas faire correctement le boulot" (c'est à dire parler de la mort de façon réaliste).
Loin de moi l'idée de dévaloriser l'excellent travail réalisé par Graeme Thomson, mais il faut bien reconnaître que ces deux jugements à l'emporte pièce, dénotant d'un manque total de connaissance de la scène Metal, font un peu tâche dans un livre par ailleurs très bien construit. Dès lors, comment être certain que d'autres sujets n'ont pas eux aussi subi un traitement à la hache ? Certes, un auteur qui a écrit les biographies de Georges Harrison, Elvis Costello ou Kate Bush est probablement plus à son aise avec les singer songwritter et le Pop Rock qu'avec le Metal. Mais dans ce cas, pourquoi cette citation caricaturale sur le Black Metal digne d'une cour de récré ? Autant ne pas en parler.
Paint It Black est une nouvelle très bonne publication de la maison d'édition Rivages Rouge qui se distingue décidément par un catalogue éclectique et des traducteurs de haut vol. Celle-ci est réalisée par Serge Loupien, lui-même auteur de livres consacrés à la musique. Mis à part l'injuste ostracisme dont pâtit la musique Metal, inhérent aux préférences musicales de Graeme Thomson, ce livre érudit est très facile d'accès. Cet ouvrage intelligent ne prend pas des tons de doctorant et bien au contraire, reste aussi accessible et populaire que la musique dont il parle.
Ajouté : Vendredi 13 Janvier 2017 Chroniqueur : Rivax Score : Hits: 7972
|