NYHC : New York Hardcore 1980-1990 (2016)
Auteur : Tony Rettman
Traduction : Angélique Merklen
Langue : Français
Parution : 26 novembre 2016
Maison d'édition d'origine : Bazillion Points
Maison d'édition Française : Camion Blanc
Nombre de pages : 580
Genre : fait de société
Dimension : 15 x 21 cms
ISBN-13 : 9782357798533
Lorsque tu es fan de Hardcore depuis ta prime jeunesse, et que l'on te propose de chroniquer un livre qui traite de l'âge d'or du style, quelle réaction peux-tu avoir ?
Oui, celle que j'ai eue. Répondre un truc du genre :
"Ok, mais pourquoi ne me l'as-tu pas déjà envoyé ?"
Dont acte, et j'en remercie chaudement mon amie Angélique, traductrice de l'oeuvre en question...
Cette adaptation d'un ouvrage sorti en 2014 via Bazillion Points se concentre donc sur les dix années qui ont "fait" l'essence même du New-York Hardcore, plus connu sous les initiales NYHC par tous les connaisseurs, et occulte donc les années ultérieures, au grand dam de l'homme qui signe la préface, le très estimé Freddy Cricien de MADBALL. Saurait-on lui donner tort ? Là n'est pas la question, puisque le propos est très ciblé, et donc, hors de toute récrimination de temps ou d'espace.
Le temps et l'espace sont justement des données très importantes de ce livre. Nous revenons donc aux racines même du Hardcore de New-York, qui aura connu une trajectoire aussi similaire que différente de ses scènes homologues de Boston ou Washington. On le sait, le NYHC est le plus brutal, le plus roots, le plus teigneux des trois, et ce livre va justement vous le démontrer en laissant la parole aux acteurs mêmes de cette tranche d'histoire.
Dix ans, 1980, 1990, et une portée artistique, humaine, sociale et philosophique intense et d'importance, qui a vu naître des groupes aussi fondamentaux que les AGNOSTIC FRONT, les BAD BRAINS, CRO-MAGS, YOUTH OF TODAY, mais aussi d'autres moins chanceux ou moins talentueux, comme les MOB, les EVEN WORSE, CAUSE FOR ALARM, HEART ATTACK ou les précurseurs NIHILISTICS, parmi tant d'autres. Mais le NYHC, comme son nom l'indique, c'était et c'est toujours une ville, avec ses codes de la rue, ses clubs comme l'A7, le CBGB's, ses fanzines mais...
Mais après tout, New-York Hardcore 1980-1990 vous expliquera tout ça en détail, et bien mieux que moi. Mon rôle ici n'est pas de vous dévoiler ce qui vous attend tout au long des presque six-cents pages de ce bouquin, mais plutôt de vous conseiller de vous magner à l'acheter, sous peine de passer à côté d'un énorme pan de la culture underground US.
Une fois le livre ouvert et commencé, impossible d'en décrocher. Tous les acteurs de premier, second et troisième plan sont là, et vous retrouverez bien sur les Mike Judge, les Roger Miret, les Harley Flanagan et même Scott Ian ou Dan Lilker, mais aussi ceux moins exposés, qui ont créé de toutes pièces des fanzines comme The Big Takeover, Damaged Goods, et bien évidemment Guillotine et Schism, pour se cantonner aux plus photocopiés. Vous pourrez aussi avoir le point de vue de l'intérieur, de ceux qui ont monté des labels DIY, les patrons de salles, les fans, les barges, les tarés, mais surtout les passionnés qui étaient prêts, sans exagération, à mourir pour une cause, la seule valable à leur goût, celle du Hardcore.
Ce bouquin, outre la mine de renseignements qu'il représente, est aussi le meilleur écrit sur le sujet, tout simplement parce qu'il laisse la parole aux musiciens, sans langue de bois. Avec sa succession de mini interviews qui s'imbriquent comme des dialogues montés de toute pièce, il vous embarque dans l'aventure sans que vous n'ayez à bouger de votre siège.
En lisant ces souvenirs, vous vous retrouverez dans les rues du Lower East Side, dans le pit de l'A7, à respirer ces effluves de danger, de mort, de souffre, de dope, à sentir la vibration des amplis de fortune, à écouter ces beugleurs hurler leurs slogans ou leurs insanités, à souffrir des coups de poings dans la tronche et à essuyer les traces de Doc Martens sur vos joues.
Car plus qu'un livre, New-York Hardcore 1980-1990 est un pamphlet dédiée à la liberté d'expression, à la misère devenue dernier bastion de résistance, à l'errance trouvant soudain un but. Personne ne triche, personne ne ment (ou alors juste un petit peu), tout le monde s'adore, se respecte, se déteste, mais tout le monde parle vrai, avec ce langage de la rue, qui vous fait appeler un sachet de dope un chat de gouttière.
La gageure était pourtant difficile à relever. Six cents pages pour dix années de Hardcore, c'était peu, mais le parti-pris très fanzine de ce livre a été le bon, et on en dévore les chapitres comme les kids à l'époque disséquaient les critiques de démos ou les reports de concerts.
Agrémenté de dizaines de photos, de flyers, de pochettes, l'oeuvre à des allures de compilation de faits d'époque, et respire l'authenticité. L'auteur est allé chercher les sources primaires au lieu de se contenter d'une analyse externe qui lui eut été fatale, et en laissant la parole aux principaux concernés, nous a impliqué dans le mouvement, qu'on l'ait connu ou non, la deuxième option étant la plus probable pour la plupart d'entre nous.
Alors on suit. De la transition du Punk au Hardcore, plus radical et moins ambitieux en termes artistiques, de la naissance des premiers explorateurs à la troisième vague, de la rue à la scène, et on en redemande, parce qu'on a jamais assez de Hardcore.
Il n'est pas rare de tomber sur un passage qui vous donne envie de réécouter tel ou tel groupe, d'en découvrir un autre, ou de ressortir votre T-shirt BAD BRAINS tout en vous demandant si devenir straight edge n'est pas la meilleure solution après tout.
Tout, vous le saurez, ou presque. Les musiciens, gérants de salles, rédacteurs de fanzines, fans vous diront tout, des affrontements avec les scènes de Washington aux traversées de parcs risquées pour aller voir un concert, jusqu'à la mémoire des héros tombés au combat.
Car le Hardcore, c'était ça avant tout, un combat contre la misère, contre le conformisme, contre les mensonges du gouvernement, contre Reagan, contre les banlieusards, des coups de poing qui volent sur fond de riffs primaires, des leitmotivs exhortés à des heures indues.
Quelques années pour une vie, que certains continuent aujourd'hui, avec la même foi, mais des moyens plus grands.
Alors oui, il faut lire New-York Hardcore 1980-1990 pour plusieurs raisons. Parce qu'il est très bien fait et documenté, parce qu'il est ludique, parce que sa maquette est fabuleuse, mais aussi pour se rappeler que le Rock, quel qu'il soit, doit rester dangereux, affuté, sale, et controversé.
Parce qu'il restitue à merveille ce sentiment d'urgence qui enveloppait ces gosses dans son manteau de froid et de colère. Parce qu'il vous fait comprendre pourquoi n'importe qui pouvait faire n'importe quoi, sans que personne n'y trouve à redire.
Mais c'est sans doute Denise Mercedes des STIMULATORS qui résume le mieux la chose...
"De ce mouvement, on peut dire que j'en adorais l'innocence absolue. Les gens se contentaient de dire "J'ai vraiment envie de jouer ! Je n'ai jamais touché un instrument de musique de ma vie. Et on s'en branle !!". C'était très stimulant."
Et ça l'est toujours. C'était à New-York, c'était il y a plus de trente ans. Et je me demande si ça pourrait encore arriver aujourd'hui.
Ajouté : Vendredi 30 Décembre 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Camion Blanc Website Hits: 8812
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