SEPULTURA : Relentless (2015)
Auteur : Jason Korolenko
Traduction : Angélique Merklen
Langue : Français
Parution : 19 octobre 2015
Maison d'édition Française : Camion Blanc
Nombre de pages : 358
Genre : Biographie
Dimension : 15 x 21 cm
ISBN-10 : 2357797223
ISBN-13 : 9782357797222
On dit toujours qu'il y a trois versions à chaque histoire. C'est une théorie à laquelle j'adhère, et qui est souvent très juste.
Dans l'histoire de SEPULTURA, nous avions déjà eu une version, la sienne, celle de Max, écrite en collaboration avec Joel Mc Iver, nous avons maintenant la leur, retranscrite par un passionné, Jason Korolenko. Et il est certain qu'avec ces deux ouvrages, chaque fan saura se faire une idée de la vérité, bien que des points communs entre les deux soient repérables, et que les dissensions soient facilement identifiables.
Ce que beaucoup ont retenu de tout ça, c'est un sentiment d'énorme gâchis. Car pour eux, l'aventure s'est arrêté en 1996, lorsque Max et Gloria ont claqué la porte. Relentless propose justement de la laisser ouverte, et de présenter au monde la légende du début à aujourd'hui, sans l'enjoliver, sans accorder à la période Max-Igor plus d'importance qu'elle n'en mérite, et sans dénigrer les années Green, porteuses de créativité intense, même si le succès et le retentissement furent moindre.
Et de fait, Relentless rétablit l'équilibre, et rend justice à sa façon. Il montre toute la conviction et la force d'Andréas et Paulo Jr, mais salue aussi tous les acteurs de l'ombre, ceux qui ont fait de SEPULTURA le monstre qu'il est aujourd'hui.
Jason Korolenko, américain, musicien, auteur mais aussi photographe, a un jour décidé qu'il valait mieux crever de faim en tant qu'auteur et non musicien. Sa passion pour le groupe a débuté en 1991, et l'a tout naturellement conduit au vu de ses inclinaisons naturelles à se pencher sur une version définitive de l'histoire de ses idoles. Et quelle meilleure occasion que les trente ans du groupe pour en fêter la parution... Il le précise lui même, la seule biographie de SEPULTURA, sortie en 1999, méritait une suite augmentée. Et au gré de rencontres, de multiples interviews, s'est finalisé (il a récolté des éléments jusqu'à la fin) ce livre qui aujourd'hui vous permet d'envisager la chose sous un angle temporel exhaustif, puisque l'ouvrage s'arrête là où le présent commence, juste avant la sortie du très bon The Mediator Between head and Hands Must Be the Heart.
A l'intérieur, tout ou presque, de la jeunesse des Cavalera au Brésil jusqu'aux derniers festivals de 2013, presque en tête d'affiche. Et surtout, le plus bel hommage rendu par un fan qui une fois la plume prise devient un observateur objectif d'un groupe que le destin n'aura pas épargné.
"S'il y a une chose de certaine à propos de SEPULTURA, c'est que la lutte est constante et que rien n'est jamais facile, quelles que soient les circonstances. J'ai l'impression qu'on a toujours été capables de garder haut le nom de SEPULTURA, en lequel nous croyons et que nous respectons."
Non, en effet rien a été facile... Il fallait s'extirper de la dictature brésilienne, de la censure, du regard biaisé des gens qui vous condamnaient d'avance, faire face au manque de moyens, et surtout, croire qu'un petit groupe brésilien aux capacités techniques limitées pouvait devenir une machine de guerre terrifiante, qui allait bientôt créer son propre style en copiant gauchement ses maîtres.
Si Max présentait la chose à son avantage, se posant en victime constante, se plaignant à longueur d'interviews de la trahison de son ancienne "tribu", Andréas, Paulo, et tous les autres se bornent à présenter des faits, confiés aveuglément à l'auteur qui a pris grand soin de les retranscrire tels quels, sans appuyer la tragédie ni enjoliver les succès.
Ici, pas de sensationnalisme, pas de tirades lacrymales ni de grandes effusions, le parcours est raconté fidèlement, avec ses erreurs, ses fautes de goût, mais aussi ses triomphes, et surtout, toute la sincérité d'un groupe qui n'a jamais baissé les bras.
Aussi étrange que ça puisse paraître, à la lecture de Relentless, ce sont les parties initiales et finales qui présentent le plus d'intérêt, et non les années Schizophrenia - Roots, que l'on connaît déjà très bien. Les souvenirs de jeunesse, l'assemblage des pièces maîtresses, puis les années de travail repris presque à la base postérieures au départ de Max sont en effet les plus passionnantes.
Les années Green permettent de réhabiliter enfin la masse de travail accomplie par Andréas et Paulo Jr, lui qui se voyait reléguer par Max au simple rang de Stuart Sutcliffe au rabais constamment sur le point d'être sacqué par les autres. Il ne faudrait pas oublier que depuis 1996, cette période est la plus longue qu'ait connu le groupe, et si il fut effectivement créé par les frangins Cavalera, c'est bien Kisser et Paulo qui ont continué le boulot, et même endossé le rôle le plus ingrat de sauveurs du navire.
Pour se faire, et rendre justice à leur ferveur et leur dévouement, Korolenko adapte sa plume, et la trempe dans la simplicité, et son ton est direct, et sans emphase.
Pas de tournure de phrase alambiquée, pas d'effets de manche ni d'accumulations de métaphores et autres images foireuses, juste l'essentiel, les faits. Il agrémente bien évidemment son livre d'une analyse pointue de chaque album, en track-by-track, et chacun y trouvera son compte ou pas. Mais ça a au moins le mérite d'être complet.
Les années charnières sont évacuées rapidement, avec des transitions sympathiques qui maintiennent la pression sans chercher à l'augmenter, et les nombreuses interventions des protagonistes directs donnent au livre un côté humain énorme, comme si nous assistions à tout ça de l'intérieur. Bien sur, quatre cents feuillets pour trente ans de carrière, c'est court, et nous aurions aimé en savoir un peu plus, mais les quelques documents photocopiées et photos gracieusement offertes par Patricia Kisser enrichissent un peu le tout pour le rendre plus complet.
Il n'empêche que Jason a relevé le défi avec brio, et qu'aujourd'hui enfin, SEPULTURA dispose d'une biographie digne de sa légende, écrite comme les musiciens ont dirigé leur carrière, avec pugnacité, mais humilité. A aucun moment Jason ne prend parti, il laisse juste Andréas, Patricia, Monika, Paulo et tous les autres s'exprimer, même si Max en prend quand même salement pour son grade de temps à autres (les épisodes de la pseudo reformation sont ainsi assez cocasses et révélateur de la nature du frangin Cavalera et de sa femme...). Mais un prêté pour un rendu... Et dans ce cas précis, le rendu n'est pas vraiment aussi hargneux que le prêté de l'époque...
Ainsi va la vie serait on tenté de dire... Du line-up de Bestial, il ne reste que ce brave Paulo, qui finalement, fait figure de gardien du temple, sans minimiser le rôle de Kisser, qui depuis compose avec Green et continue son chemin.
Merci à Jason de ne pas avoir cherché à les faire passer pour des demis Dieux, mais juste pour ce qu'ils sont, des musiciens dont la passion n'est pas prête de s'éteindre. Comme le dit Paulo, on rempilerait bien pour trente ans...
Et pour un groupe qui voulait nous mener à la tombe, on peut dire qu'ils nous auront rendu la vie meilleure...
Ajouté : Jeudi 26 Novembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Camion Blanc Website Hits: 12234
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