Catania, Sicile, "quatre adolescents qui ont formé en 2012 SEE YOU LEATHER."
Influences hétérogènes, de METALLICA à DEATH en passant par MASTODON et DISSECTION, en gros, un large panel de références pour une musique qui parvient bien à les synthétiser.
Back To Aleph est donc le premier EP de ce très jeune groupe italien, et le son global qui s'en dégage exhale un délicieux parfum vintage qui nous ramène aux grandes heures du Death progressif des années 90, fortement teinté de Thrash.

Luca Longo (chant, guitare), Salvatore Leonardi (chant, guitare), Liliana Teobaldi (basse), et Francesco Ciccio Paladino (batterie) savent manifestement ce qu'ils veulent, et font montre d'un gros potentiel technique au service d'une musique tout sauf passéiste, mais qui trouve son essence dans une époque aujourd'hui presque révolue.
Quatre morceaux, l'essentiel d'un répertoire, pour un Death fortement saupoudré de Thrash dans les attaques de guitares, qui ne néglige pas pour autant quelques pistes Doom assez sobres.

Production claire et distincte, signée par Giacomo Iannaci (NONE OF US, Alternatif/Post Hardcore de Catania, même ville que ses petits protégés) aux Morning View Studios, pour des titres pensés, réfléchis et élaborés dans les moindres détails, qui usent d'une technique individuelle indéniable sans pour autant la mettre trop en avant.
La présence d'une basse très ronde et coulée est d'ailleurs très agréable, et la frappe très matte du batteur la met très bien en valeur, sans pour autant s'oublier dans l'exercice rythmique.
Musicalement, l'ambiance est étrange. Si l'on retrouve sans contestation possible une grosse emprunte MORBID ANGEL, période Covenant, qui définit les grandes lignes Death du projet, certains riffs et accélérations purement Thrash viennent brouiller la donne et placer l'oeuvre dans un contexte crossover très intéressant.

Le chant de Luca est d'ailleurs assez proche des intonations sourdes de David Vincent, quoi que moins grave et incantatoire, sans parler des plans de guitare qu'on croirait exhumés de Blessed Are The Sick parfois, sans parler de plagiat évidemment, mais plutôt d'inspiration.

C'est Old School indéniablement, mais pas pour autant dépassé. SEE YOU LEATHER sait placer des interventions toujours pertinentes, que ce soit dans les claquages au fouet Thrash ou dans les écrasements Death terriblement Heavy, et à la lisière du Doom.
Mais ce qui pimente encore plus leur musique est cette vision technique de la chose, qui confère une allure progressive à tous les morceaux, qui sont d'ailleurs assez longs. Et pourtant, assez étrangement, l'épique final "I Canto Di Ossian" vient se poser en contrepoint parfait de cette constatation, en se traînant sur plus de huit minutes en ondulation d'un tempo Doom/Death très forcé.
Un peu à mi chemin entre un MORBID ANGEL écrasant et un CANDLEMASS des premières années (les meilleures, Epicus Doomicus Metallicus s'en fait encore l'écho trente ans plus tard), cette lente procession module sur un chant en italien qui part parfois dans des hurlements stridents, et équilibre de sa lourdeur un album très heurté.

SEE YOU LEATHER a donc voulu privilégier la variété des humeurs, et marque donc des points. En parfait positif/négatif de l'exemple précédent, "Imaginary Wrong" accumule les changements, s'embourbe dans le Death le plus marécageux avant de s'en extirper d'une pulsion Thrash puissante.
"I Am The Beast" utilise un riff totalement Doom en intro, collé à un mid tempo Heavy, puis bascule soudain dans un Thrash médium, avant d'attaquer une relecture de CELTIC FROST par le versant le moins nihiliste.

Guitares à la tierce, variations de rythmiques, tout est testé et approuvé pour enrichir des compos déjà très solides à la base. Les deux guitaristes savent toujours retomber sur leurs pieds et dénicher des motifs mémorisables et efficaces, tandis que le duo basse/batterie s'en accommode très bien et suit le plan prévu d'une gestuelle très souple.
On pourra regretter éventuellement le chant très particulier de Luca, qui ne colle pas forcément à toutes les tonalités, mais en dehors de ça, c'est un beau boulot, rien à dire.

Si la nostalgie vous surprend au détour d'un après midi d'octobre, et que vous décidez d'y succomber sans pour autant vous noyer dans les souvenirs lointains, Back To Aleph est une jolie porte de sortie sur le passé, sans pour autant se refermer juste derrière vous.
Faisant fi de la normalisation/conformité, les quatre italiens suivent une ligne de conduite personnelle, et n'ont cure des modes et autres tendances. En retournant aux origines et au point de départ (Aleph est en effet la première lettre de l'alphabet Hébreux, donc l'origine du langage), SEE YOU LEATHER valide sa musique en l'ancrant sur un point précis, tout en ne réfutant pas des possibilités autres.