AVATARIUM (se) - The Girl With The Raven Mask (2015)
Label : Nuclear Blast Records
Sortie du Scud : 23 octobre 2015
Pays : Suède
Genre : Alternative Doom Metal
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 53 Mins
Leif Edling est un boulimique de travail, on le savait déjà. Après avoir mis en pause indéterminée son projet principal, CANDLEMASS, activé KRUX à l'avenir incertain, beaucoup se demandaient si son nouveau projet AVATARIUM n'allait être qu'un feu de paille.
Après tout, l'homme était sévèrement cramé, et semblait avoir besoin d'un peu de repos... Mais c'était mal le connaître, et après un premier album éponyme sorti il y a deux ans et un EP l'année dernière, qui marquait un certain changement d'orientation, le revoici continuant ses aventures comme si de rien était.
Si l'épisode AVATARIUM vous a échappé, son résumé est simple. Entouré de pointures/amis qui comme lui ne savent pas rester en place, soit un casting réunissant Lars Sköld (LEIF EDLING, JUPITER SOCIETY), Carl Westholm (KRUX, LEIF EDLING, JUPITER SOCIETY), Marcus Jidell (EVERGREY, ROYAL HUNT, CANDLEMASS, PAIN) et Jennie-Ann Smith (madame Marcus Jidell), Leif continue son travail de sape, et épuise toutes les ressources dont son style de prédilection dispose, le Doom.
Plus de quarante ans après son émergence involontaire via BLACK SABBATH et sa horde de suiveurs, et plus de trente ans après sa naissance officielle, on pensait le genre exsangue, corps sous perfusion au sang pompé en permanence par des musiciens obsédés. S'il est vrai que la majorité des groupes s'y abreuvant se contentent de répéter une formule chirurgicale aussi éculée qu'un conseil de grand mère, certains y trouvent encore l'inspiration, à l'instar de Leif qui semble avoir trouvé la formule de la jeunesse éternelle. Même si son écriture est connue et reconnue, Edling semble toujours trouver un nouvel angle d'approche, renouvelant le style avec panache et modestie, et The Girl With The Raven Mask, second album d'AVATARIUM confirme cette impression avec une grandiloquence qui laisse admirative.
Alors les corbeaux, les vieux cimetières embrumés, les sorcières, les sabbats, ça vous stimule une imagination, et loin de répéter à haute voix des parchemins usés comme un rouleau de Nicolas Flamel, Leif use encore de sa pierre philosophale Doom pour transformer de simples chansons en innovations, tout en restant fidèle à sa démarche. Et rien que ça, ça mérite le respect.
Avatarium posait les bases, All I Want les modulait. Et cette fille avec ce masque de corbeau sert de personnage jonction entre les deux aventures, poussant le concept encore plus loin le temps de neuf chapitres développés et inspirés. Bien sur, les essences d'origine sont toujours présentes. On peut aussi les comparer à d'anciens travaux du bassiste prolifique, mais une fois de plus la magie opère et ce Doom/Occult Rock aux délicieuses intonations 70's est toujours aussi brillant et grandiloquent, un peu comme si la cérémonie était présidée conjointement par MEAT LOAF, COMUS et BLACK SABBATH. Loin de se contenter de coller à la vague revival Occult/Hard Vintage qui sévit depuis quelques années, AVATARIUM développe sa vision personnelle, qui repose sur des titres longs aux ambiances prenantes, s'alignant sur une guitare aux tonalités un peu sales, un orgue pur Moog qui lance quelques éclairs puissants, et surtout une voix profonde et grave, celle de Jennie-Ann, dont le lyrisme flamboyant embrase chaque partie d'un feu ardent et passionné.
Peu de choses ont changé depuis le premier album, mais l'emprunte de quelques ajustement était laissée par All I Want, qui semblait indiquer un surplus d'énergie qu'on attendait validé sur ce second album. Il est en effet présent, tout en restant sobre et discret, notamment sur le morceau d'ouverture "Girl With The Raven Mask". Up tempo appuyé, riff sourd et délicieusement malmené, orgue qui sort ses tripes, et lignes de chant rougeoyantes, c'est une très bonne surprise qui se rapproche un peu du Heavy incandescent de ICED EARTH, mâtiné des délires orchestraux d'un SAVATAGE des grands jours. Solo impeccable (mais c'est une constante sur l'album, et puis le talent de Marcus n'est plus à prouver dans le domaine), tension qui ne faiblit pas, c'est l'étincelle qui mène à la déflagration "Run Killer Run", qui quoi que moins rapide et violent garde la même piste en vue, du Heavy tout en charge qui ne manque pourtant pas de subtilités.
Les subtilités sont aussi le maître mot de ce LP. Si l'ensemble dégage une puissance pachydermique, il serait ingrat d'en occulter tous les détails qui rendent cette musique unique, et ces mêmes détails se révèleront à vous au fur et à mesure des écoutes, le temps que The Girl With The Raven Mask s'incruste en vous. Au rang des réussites majeures, la doublette "The January Sea"/"Pearls And Coffin" tire admirablement bien son épingle du jeu, en s'inspirant du passé de Leif tout en lorgnant vers l'avenir. On pense à de vieux morceaux des 70's, à des bandes originales de films de l'époque, mêlant la Soul, le Rock sombre, le Progressif théâtral, pour une musique plus incarnée que jouée.
Est ce la cinématographie vocale de Jennie-Ann qui nous mène sur cette piste ? Si sa voix est un équilibre entre l'emphase d'un DIO et la puissance d'une Marcia McClain, il est certain qu'elle apporte une énorme touche visuelle à la musique de Leif, grandement aidé dans son entreprise par le touché inimitable de Marcus en solo, et par son abattage en rythmique.
Le groove n'est pour autant pas totalement absent de l'entreprise, et "Ghostlight" le démontre avec panache, adaptant une rythmique souple et chaloupée à un Heavy funèbre et lacéré de parties d'orgue fantomatiques. Dans les moments les plus intimistes, l'ambiance est à son apogée, et évoque la Hammer, les Gialli transalpins de la fin des 70's, sans pour autant singer le Progressif des GOBLIN. Ceci rend les compositions les plus longues fascinantes, car loin de se contenter de camper sur une thématique lourde et unique, le quintette expérimente des sons et des climats divers, dans un élan constant fascinant.
"Je pense que nous avons créé quelque chose d'unique cette fois-ci avec AVATARIUM... Un groupe ne peut pas donner plus que ce que nous avons donné là, et fatalement, le disque est proche de la perfection. Mais la perfection... Si vous la rencontrez, alors tuez-moi!"
Et Leif à raison. Si la perfection n'existe pas (comme dirait Wayne, "Même LED ZEPPELIN n'a pas écrit de chansons universelles... tiens, le dernier morceau s'appelle justement "In My Time Of Dying"...), son projet/groupe s'en approche beaucoup dans un style figé, qui reprend vie sous sa plume. Et s'envole tel un corbeau dans un ciel orageux.
The Girl With The Raven Mask confirme plus simplement que lorsqu'un musicien dévoué à sa cause sait s'entourer des bonnes personnes (THE WINERY DOGS, BLACK COUNTRY COMMUNION), cela produit souvent une osmose qui le confine à la magie.
Magie noire bien sur...
Ajouté : Dimanche 12 Juin 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Avatarium Website Hits: 6844
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