TOTEM SKIN (se) - Weltschmerz (2015)
Label : Adagio 380
Sortie du Scud : 15 octobre 2015
Pays : Suède
Genre : Hardcore Crust
Type : Album
Playtime : 7 Titres - 34 Mins
Certaines pochettes prennent un malin plaisir à vous orienter dans la mauvaise direction. Prenez celle du deuxième album des suédois de TOTEM SKIN par exemple. Ce superbe artwork signé Chris Panatier ornerait en temps normal le recto du LP d'un groupe de Sludge, ou d'un énième combo revival 70's, légèrement psychédélique, et tout nous laisserait à penser que nous évoluons en terrain connu, et reconnu. Pour peu bien évidemment qu'on ne connaisse pas le groupe en question.
Mais décidemment non. Et pour les néophytes, sachez que Chris, Glenn, Henke, Sebbe et Johan n'ont rien de babas cool à la barbe de barde, ou de terroristes bourbeux sevrés de bourbon, mais qu'ils sont bien coreux jusqu'au bout du manche, sans équivoque possible.
TOTEM SKIN, c'est d'abord un premier album, encensé par une certaine presse underground ou pas, à la pochette une fois de plus sublime et féminine en diable, Still Waters Run Deep. Un savant mélange d'influences, équilibrées, sincèrement adaptées, pour une efficacité totale et une osmose indéniable. Mais cette nymphe blonde chevauchant un cerf, à la manière d'une Khaleesi volant sur le dos de ses dragons est décidemment envoûtante et troublante. Et le mieux, c'est que la musique qu'elle semble protéger ne l'est pas moins.
La douceur de cette image ne doit en aucun cas vous faire oublier le chaos développée par le Hardcore des suédois, beaucoup plus complexe qu'une simple relecture d'accords francs et massifs. En effet, la bande n'a de cesse de faire tomber les frontières entre le Core, le Crust et le Screamo pour proposer une mixture dense, aux nombreuses couches sonores et aux textures entremêlées.
Ce qui ne modifie en rien leur leitmotiv de départ, soit une agression de tous les instants, même les moins bordéliques et concentrés, sauf qu'ils l'appliquent avec un art consommé d'un travail de mélodies très personnel et parfois assez surprenant.
Admettons qu'ils fassent partie de cette nouvelle école Post Core qui refuse de se cantonner au strict minimum, morceaux de moins de deux minutes et trois plans tout au plus. Même dans ce cas de figure, ils feraient encore partie du haut du panier des créateurs en mal de ressenti épidermique, qui diluent les harmonies dans une énergie indéniablement Crust et sombre, tout en se lâchant parfois sur un développement plus large et moins foncièrement brut. Après tout, on ne dispose pas sur un album des compos qui dépassent les six minutes histoire de simplement recycler les sempiternelles mêmes parties éculées avant d'avoir été pensées.
"Pretend" et ses six minutes remplit l'espace sonore, déjà fort encombré par une basse aux résonances gigantesques, qui fonctionne selon les cas comme un marteau piqueur, ou comme un drone persistant vibrant de sa propre gravité. Rarement ces quatre cordes auront bénéficié d'un tel traitement de faveur, ce qui ne fait qu'ajouter une plus value à la puissance intrinsèque du quintette. Si vous constatez en plus que durant ce timing TOTEM SKIN passe en revue toute son inspiration, rebondissant d'une envolée Crust à des volutes Post Hardcore plus contemplatives, sans occulter les démences Grind d'usage, vous comprendrez assez facilement que le cloisonnement n'est pas la tasse de thé des suédois.
Agression, quand tu nous tiens, tu ne nous relâche pas. Et quelle que soit la recette employée, ce credo reste le même du début à la fin de l'album, qui plante quand même quelques nuances dans le terreau, histoire de le rendre plus fertile.
On pense Sludge parfois, ou à un Dark Heavy vraiment lourd et chargé, et pas forcément sur les titres les plus longs.
Ainsi, "Distant Visitant", laisse sa longue intro incantatoire et grondante se briser sur des blasts sourds, avant que le Crust "à la suédoise" ne reprenne ses droits, de façon franche et directe. La rythmique en colle dans tous les coins, le chant hurle son mal être ou ses convictions personnelles, avant que la fin du morceau ne s'enlise dans un downtempo vraiment bas du front et pas très rassurant. Cette transition sans transition nous amène alors au grand oeuvre du LP, le long et torturé "De Blindas Rike är Den Enögde Kung", qu'on laisse respirer sur quasiment neuf longues minutes.
Mais cette fois ci, pas vraiment de cassures nettes, pas d'empilage de sections complémentaires, juste une jolie et longue digression élaborée par des arpèges électriques un peu évaporés, et de longues errances tribales aux percussions profondes en écho. Avant bien sur que TOTEM SKIN ne se lâche sur un final Core teigneux, aux guitares toujours aussi redondantes.
Weltschmerz (le "Mal du siècle" en VF) est légèrement moins complexe et riche que son prédécesseur. La franchise semble de mise et des titres comme le lapidaire "Longing Leans and Beckon" sont là pour le prouver, plus de concision, mais aussi plus de puissance. Ce morceau arrache tout sur son passage, comme si un combo de Post Hardcore découvrait les joies d'un Crust in your face, ou qu'un gang de Swedicrust diluait son arrogance naturelle dans un grand bain de gravité Grind.
Car quels que soient les éléments intégrés, ils le sont toujours sous leur forme la plus abrasive et incendiaire, et jamais le quintette ne cherche à adoucir sa thématique, pour bien nous faire comprendre qu'en dehors de la violence, point de salut.
Saluons au passage une production très crue, qui passe les morceaux au papier de verre pour faire ressortir leur matière brute, avant de leur apporter une épaisse couche de vernis qui fait briller la basse et qui polit les guitares.
Point, la démonstration est ainsi faite.
Ajouté : Vendredi 08 Avril 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Totem Skin Website Hits: 5982
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