Un bon Folk Metal, c'est une musique constituée de vraie musique folklorique et une colonne vertébrale de vrai Metal. Un bon Folk Metal, c'est une musique qui fait voyager, qui fait rêver, qui développe des ambiances reposant tant sur la compo que sur ce qu'elle suggère. La réussite d'un projet Folk Metal repose sur cette capacité à nous emmener dans le pays d'origine de sa musique mais aussi sur la fusion intime entre l'instrumentation traditionnelle et le Metal.

Que connait-on de la Mongolie ? C'est un grand pays, passablement désertique situé au nord de la Chine il y a des plaines infinies et presque autant d'habitants que de chevaux. Le folkore mongol, c'est des épopées équestres. C'est une musique qui parle de voyage, de chevauchées, de vent sur la plaine, de batailles. C'est une musique qui parle de liberté et de grands espaces. C'est un peu le genre de mélodies primales que devaient pratiquer les indiens d'Amérique. En tout cas c'est ce qu'on aimerait croire. La Mongolie, c'est le Far East et son folklore lui ressemble. C'est une musique sauvage et gutturale qui, outre des instruments à corde avec ou sans archet et une flutte géante repose sur un chant guttural et traînant, qui, à l'instar de notre bon vieux growl, repose sur une technique particulière de gestion du souffle et des cordes vocales supérieures. Cela donne une espèce de grondement caverneux qui est modulé par le gonflement des joues et l'ouverture de la bouche. Cette voix de basse complète à merveille la section rythmique d'un groupe de Folk Metal. Et c'est justement sur cette belle alchimie que repose tout le son du combo de Folk Metal Mongol TENGGER CAVALRY.

Avant de devenir le quatuor sino-américain qui a sorti cette année i>Blood Sacrifice Shaman, TENGGER CAVALRY a d'abord été le projet solo de son fondateur, Natural Ganganbaigal. Chinois d'origine mongole, Natural Ganganbaigal est musicien et multi instrumentiste passionné par la musique de ses ancêtres. Le projet initié en 2010 s'étoffe rapidement avec des musiciens chinois. Trois album sont enregistrés en Chine entre 2010 et 2014 mais le groupe ne tourne pas hors de son pays d'origine. Pourtant ses disques circulent en occident et une petite fanbase se constitue notamment aux Etats-Unis. En 2015, Natural Ganganbaigal se sépare de ses musiciens originels et débarque à New York où il constitue un nouveau line-up de quatre musiciens. Dans sa version actuelle, TENGGER CAVALRY réunit Natural Ganganbaigal (chant, Morin Khuur, guitare), Alex Abbayev (basse), Yuri Liak (batterie) et Robert McLaughlin (fidl). Précisons que le morin khuur est une sorte de guitare et le fidl un genre de violon.

Sans tarder, le groupe enregistre Blood Sacrifice Shaman, histoire d'avoir un son à proposer aux tourneurs. Il ne faut en effet pas être grand clerc pour deviner que l'exil américain du groupe répond à une ambition de développer sa musique aux Etats-Unis et en Europe.

Bien que précipité, ce disque n'est pas un projet bâclé ou mal fagoté. En changeant de continent et de line-up, le groupe a aussi fait évoluer ses sonorités et ce quatrième méfait prend une nouvelle direction artistique.

La première différence qui frappe dès les premières notes du premier morceau, c'est la production américaine en mode gros son. Il y a de la puissance sous le capot et ça se ressent dès "Soyombo", une très belle intro où les instruments s'installent les uns après les autres. D'abord les percus, puis la basse, puis le chant, puis le morin khuur. L'enchaînement avec "Tengger Cavalry", morceau beaucoup plus rapide se fait comme sur de la soie. De belles intros, un emploi judicieux du chant, tantôt grognement guttural, tantôt litanie grave et ensorceleuse, une construction des mélodies où les instruments traditionnels et le power trio Metal se complètent avec bonheur. Voila ce que propose Blood Sacrifice Shaman. Il n'y a pas de chant à proprement parler. Natural Ganganbagai joue de la musique avec sa bouche, mais il ne double pas ses mélodies avec un growl comme il le faisait sur les précédents méfaits (comme l'attestent les deux dernières pistes issues de démos datant de 2009 et 2010). Sans growl, les compos gagnent en cohérence, la musique du gang se suffit très bien à elle même.

Le défaut de cette production très yankee, c'est qu'elle donne parfois au projet des sonorités Electro involontaires et très déplacées qui font sonner certaines parties comme une version easy-listening pour restaurant chinois ("Horseman" ou "Rootless" avec ses nappes de clavier exagérément sirupeuses).

Si les trois premiers morceaux sortent vraiment du lot en proposant une sonorité originale et innovante, pour le reste de l'opus, les pistes ont un peu tendance à toutes se ressembler. Même après plusieurs écoutes, difficile de les différencier. Peut-être parce que, si les mélodies folk sont attachantes et exotiques, la partition Metal, très classique, sert uniquement de support rythmique au projet et ne propose rien de bien excitant.

Enfin, quelle drôle d'idée de compléter un disque un peu maigre avec les versions démo de "Blood Sacrifice Shaman" et "Tengger Cavalry". Prise de son un peu garage, arrangements minimalistes et growl enragé...comme un aperçu de la transition entre l'ancien et le nouveau TENGGER CAVALRY. Deux tracks qui viennent clore la galette et n'apportent vraiment pas grand chose au projet, si ce n'est une petite rallonge de temps à la rondelle qui, pour un EP, atteignait déjà une longueur tout à fait respectable. A trop vouloir en mettre, on finit parfois par sortir de la route.

Ces quelques petits défauts mis de côté, le projet de TENGGER CAVALRY ne manque pas de charmes en proposant une musique cohérente et envoûtante, une vraie belle découverte pour tout fan de Folk Metal qui veut changer d'air et d'horizons.