JACULA (it) - In Cauda Semper Stat Venenum (2001)
Label : Black Widow Records
Sortie du Scud : 2001
Pays : Italie
Genre : Occult Rock progressif
Type : Album
Playtime : 6 Titres - 37 Mins
De nos jours, les liens entre la musique et le monde occulte, le paganisme, l'ésotérisme, le satanisme sont nombreux, et plus rien ne peut choquer l'auditeur. On devise sur la puissance du Malin, sur la magie blanche et noire, la puissance de la nature, les Dieux anciens... C'est devenu un business comme les autres, et ce, depuis très longtemps...
Tout aurait commencé avec le premier album éponyme de BLACK SABBATH, enregistré et publié en 1970. Tocsin funèbre, guitares lourdes, incantations vocales, textes évocateurs, il est vrai que la bande à Tony et Ozzy avait frappé fort, et dark. Mais avant cela, certains groupes s'étaient intéressés de très près à l'occulte et la magie noire, mais leur oeuvre est resté enterrée, diffuse, discrète et réservée à un public d'initiés. Les plus connus d'entre eux restent COVEN, et leur séminal Witchcraft Destroys Minds and Reaps Souls sorti en 1969, soit un an plus tôt. Mais leur approche plutôt influencée par la Hammer et les exactions d'Anton LaVey ne leur offrit pas la caution indispensable, et presque quarante ans plus tard, toute l'affaire semble assez gentillette et sujette à caution de crédibilité. Et la présence de cette pauvre jeune fille nue (Jinx Dawson, la chanteuse) n'était pas suffisante pour vraiment choquer et invoquer les esprits...
On retrouvait néanmoins en ouverture du disque un morceau intitulé... "Black Sabbath", ce qui en dit long sur l'influence du film de Mario Bava projeté dès 1963...
Nous pourrions évoquer d'autres noms ici, celui de BLACK WIDOW bien sur, le plus illustre, mais aussi COMUS, plus volontiers allusif et progressif, JOSEFUS, dans le même cadre, ou encore l'oeuvre de WICKED LADY, éparse et iconoclaste.
Mais s'il est un nom qui symbolise pour nombre d'adeptes la véritable essence de la naissance de l'Occult Rock, c'est bien celui de JACULA.
Et pour cause.
JACULA reste une énigme musicale et historique. Auteurs de deux albums, le groupe n'a pas connu une longue existence, et il semblerait que son principal meneur regrette même d'avoir lancé ce concept qu'il considère comme une erreur de jeunesse.
A la tête cornue de ce quatuor, Antonio Bartoccetti. C'est lui qui en 2001 a retravaillé des bandes datant de 1969 pour enfin pouvoir sortir sur le marché le premier LP de son ancien et funeste groupe. Car autour de ce vinyle énigmatique se nimbe une aura de mystère que les plus passionnés se sont mis en tête de résoudre, à savoir : de quand date il vraiment ?
Nous ne parlons pas encore de musique ici, bien que le rapport soit très étroit. La légende voudrait que In Cauda Semper Stat Venenum fut publié et édité à 333 copies en 1969, et seulement distribué dans le cercle étroit de connaissances occultes. Le souci est que personne n'a été capable à ce jour d'en fournir une copie, ni d'en proposer une, même à des prix exorbitants...
La vérité semble bien plus prosaïque que le conte élaboré autour de l'oeuvre. Les italiens auraient bien enregistré des pistes musicales à l'époque, mais celles-ci n'étaient axées qu'autour de l'orgue d'église, sur lequel se superposaient quelques couches vocales féminines et masculines.
On retrouvait alors dans l'ensemble - en sus d'Antonio - Charles Tiring à l'orgue justement, Doris Norton au chant et aux effets (aussi appelée Fiamma Dello Spirito), et le médium (?) Franz Porthenzy.
Ces bandes, rudimentaires, ne sont jamais sorties dans le commerce, et pour finaliser le volume qui aurait pu/du voir le jour en 1969, Bartoccetti les a retravaillées en 2001, y ajoutant de la guitare, et quelques percussions...
Impossible en effet à l'écoute de ce LP d'avoir le moindre doute. Si l'orgue et les parties vocales portent bien évidemment l'estampille de la fin des 60's, la production, le son distordu de la guitare et les quelques parties de batterie sont bien contemporaines. Le vinyle d'origine, comme le second album du groupe, Tardo Pede In Magiam Versus (proposé parfois à des sommes frisant les 1400 euros, en édition d'origine) se concentrait sur un mariage sombre et pesant entre les incantations masculines en latin, assez éparses, et ce son d'orgue d'église d'outre tombe, un peu à la façon des oeuvres sorties par Anton LaVey sur vinyle dans les années 70. Mais ce Moog typique de la fin des 80's et cette grosse caisse mate et compressée ne laissent planer aucun doute sur les retouches à posteriori.
Il est évident qu'au niveau historique, disposer des bandes originelles serait extraordinaire. Néanmoins, ce mélange d'époques et de sonorités reste un travail formidablement intrigant, comme si le temps s'était infléchi dans sa courbe pour relier deux périodes séparées de trente ans.
En tendant bien l'oreille, et en restant sélectif, vous pourrez quand même comprendre de quoi il en retournait. Le début de la plupart des pistes étant constitué de la matrice d'origine, il est assez facile de deviner à quoi aurait ressemblé In Cauda s'il était effectivement paru en 1969. Son d'orgue digne des films d'horreur gothiques du début des années 70, voix grave lançant de courtes formules en latin, en faisant preuve d'un peu d'imagination, il n'est pas très difficile de comprendre que ce "premier album" de JACULA est l'ancêtre des exactions bruitistes et horrifiques d'ABRUPTUM, avec ses sons lâchés à l'envi et ses formulations latines maculées de cris.
Mais plus compact et élaboré que les délires de ses petits enfants nordiques, In Cauda Semper Stat Venenum reste en dépit de son bricolage tardif un formidable témoignage de l'activité de cette micro scène occulte qui a secoué la fin des années 60 de ses pratiques déviantes, alors que les Hippies régnaient encore en maîtres sur la musique moderne et populaire.
On sent bien évidemment l'influence du maître de l'Eglise de Satan, adapté à un cadre plus strictement musical, car en dépit de son aspect rudimentaire, JACULA savait triturer des mélodies inquiétantes et torturées, même si celles si ont été ajoutées trente ans plus tard.
Au final, l'album, loin d'être bancal, se pose peut être comme la bible originelle unique de la musique occulte. Une simple écoute à "Initiatio" suffit à le comprendre, et anticipe les bandes originales des GOBLIN pour Dario Argento, avec leur mélange de piano mineur et de mélodies vocales féminines et éthérées. Quant au long final glauque à souhait "In Cauda Semper" ("Toujours à la fin"), il n'est rien de moins qu'une préfiguration de la naissance du Death/Black contemporain, CELTIC FROST en tête de ligne. Cinq longues minutes de litanies vocales étouffées suivant les sillons d'un orgue qui creuse sa propre tombe, avant que la seconde partie, longue de cinq minutes aussi, ne laisse les percussions et le piano assombrir le tout, comme un sabbat d'Halloween sous une lune pleine.
On peut regretter en effet de ne pas pouvoir jeter une oreille sur le travail d'époque, aussi ascétique fut-il... Mais c'est ce qui fait la beauté des légendes les plus étranges... Ont elles au moins existé ? Datent elles aussi de 2001 ? Est ce que JACULA a vraiment enregistré quoi que ce soit en 1969 ? Autant de questions qui resteront sans réponse, tant l'auteur prend un malin plaisir à dissimuler la vérité. Mais pour réellement savoir de quoi il en retournait, jetez-vous sur Tardo Pede In Magiam Versus, le seul album "officiel" du quatuor sorti en 1972, qui lui semble plus concret, et sur lequel vous ne trouverez rien d'autre que de l'orgue, des effets et du chant. Pour un résultat tout aussi ténébreux, mais moins mystérieux et plus symptomatique de la scène italienne progressive des années 70.
Quoique... Sincèrement, "Jacula Valzer" est vraiment flippant a posteriori... Un groupe unique en tout cas, qui vaut la peine qu'on lui consacre son temps... Mais je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître...
Ajouté : Jeudi 29 Octobre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Hits: 5562
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