VOID PARADIGM (FRA) - Earth's Disease (2015)
Label : Apathia Records
Sortie du Scud : 11 mai 2015
Pays : France
Genre : Black Metal progressif
Type : Album
Playtime : 5 Titres - 39 Mins
Allons à l'encontre de l'extrême hexagonal. Que pourrions nous y trouver de neuf ? Les cadors alignent les albums impeccables depuis des années (Le CLAN, DAGOBA, GOJIRA et tant d'autres), les scènes indépendantes font preuve d'une originalité effarante (6:33, COMITY, HYPNO5E, et beaucoup plus), alors que reste il au moment de dresser un état des lieux objectif et exhaustif ?
L'exhaustivité étant un exercice très difficile, autant se focaliser sur des points précis, des zones géographiques pointues pour ne pas tomber dans l'excès, et surtout, passer à côté d'une nouveauté qui mériterait le détour, noyée ainsi dans une masse qui n'en demande pas tant.
On savait le sud très productif, l'Ile de France bouillonnante, mais partons je vous prie un instant dans le nord de notre beau pays, en Seine Maritime. Car c'est de Rouen que nous viennent nos héros du jour, les énigmatiques VOID PARADIGM.
Ces trois là Julien Payan (guitars, basse), Alexis Damien (batterie) et Jonathan Théry (chant) n'en sont pas à leurs balbutiements. Avec un album à leur actif, sorti sur le label Total Rust Music, ils agitent depuis trois petites années leur région chérie, et ne demandent qu'à prouver leur talent sur des scènes européennes. Et à l'écoute de ce Earth's Disease plus frais que son titre ne veut bien l'indiquer, le défi semble raisonnable.
Lorsqu'un groupe accole un joli point d'interrogation aux côté de son style dit "de prédilection", la méfiance est de mise.
Black Metal ?
La question semble légitime. D'un certain côté, vous pourriez prétendre messieurs faire partie de cette famille aux desseins sombres, mais il me semble que votre musique va beaucoup plus loin que cela. Certes, votre puissance, vos arrangements opaques, cette façon que vous avez de multiplier les plans puissants et écrasants appartiennent définitivement à ce versant ténébreux de la musique extrême, mais le talent dont vous faites preuve dans le développement des idées tend à prouver que vous vous situez aux confins de multiples styles pas facilement identifiables.
Du Black donc, c'est un fait. Mais du Death aussi, pour cette voix étouffée mais rauque, qui n'hésite pas à s'affirmer sur certains passages plus lourds que la moyenne. Mais surtout, une approche progressive de la violence, remarquable au prime abord par la durée extensive de vos morceaux, mais aussi par ce traitement tout en finesse des transitions entre les idées, toutes véhémentes bien sur, mais qui ne rechignent pas à se montrer sous un jour plus fin. Ainsi, l'outro du terrible "Earth's Disease", qui laisse les cordes classiques parler à la place des instruments d'usage, est d'une glaçante créativité. Les harmonies sonnent mates, comme une digression personnelle sur le thème de Richard Band (Ré-Animator), et donnent au morceau une couleur un peu étrange. Ainsi donc, ce point d'interrogation est bien trouvé, et bien placé. Du Black Metal, vous tirez ces fragrances heurtées, malsaines qui animent vos séquences agressives. Mais un simple coup d'oreille au fabuleux "From The Earth To The Skies" suffit à comprendre que vos prétentions (dans le sens humble du terme) vont bien plus loin qu'une simple accumulation d'idées sombres jetées à la volées.
Structure évolutive, progression logique, mélodies passées et assumées, on nage en plein Death progressif teinté de Black contemporain qui nous offre un voyage à la limite d'un trou noir, nid d'antimatière qui vous attire autant qu'il vous rejette.
Car vous n'avez pas choisi la voie d'expression la plus facile. Si vos segments les plus volontiers noirs font preuve de quelques redites parfois freinantes, si quelques morceaux auraient pu gagner en pertinence en se voyant épurés de quelques scories (les titres évoluent entre six et onze minutes), cette façon d'utiliser l'héritage des anciens (CRIMSON, CAN, et même MAGMA parfois dans ces intonations presque Rock), en l'adaptant à une sorte d'avant garde Black/Death raisonnable est envoûtante lorsqu'elle se concentre sur les idées les plus fortes.
Citons en exemple le groove de "Crushing The Human Skull", qui se plait à nager à contre courant d'un mid tempo versatile agité par des riffs changeants, le premier tiers inquiétant de "Sick Life Fading" qui lui aussi se voit strié de breaks qu'on croirait issu de quelques sessions 70's occultes, ou de nombreuses parties du morceau final, qui laisse les dissonances et les harmonies s'affronter sur une rythmique instable.
Il reste encore donc pas mal de choses à corriger avant de pouvoir s'affirmer comme un fer de lance expérimental. On vous sent messieurs encore hésitant entre l'avant garde pure, et la tradition puissante, mais parfois traînante. Vous ne manquez pas d'imagination, mais je pense qu'en vous laissant aller un peu plus dans vos délires intemporels, tout en resserrant vos morceaux autour d'une ou deux idées fortes, vous gagnerez en concision, tout en gardant cette touche personnelle qui me plait tant.
Vous pourriez presque passer pour un BLIND ILLUSION moderne, pour cette manière d'assumer le passé en le tournant vers l'avenir, et cette approche traitant l'agression sous couvert d'instrumentation classique.
Mais Earth's Disease n'en reste pas moins une bien jolie preuve de votre talent, qui après maturation, saura produire des albums riches, complexes, et à la hauteur de vos attentes. Et à ce moment là, il ne sera plus utile d'utiliser un quelconque artifice grammatical pour vous définir.
Vous serez vous même, uniques, et remarquables, j'en suis persuadé.
Ajouté : Jeudi 10 Septembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Void Paradigm Website Hits: 5782
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