Nuit, pleine lune, ciel étoilé. Une silhouette sur un ponton contemple la mer. A l'instar de son titre, l'artwork du premier album des ukrainiens de TORRENS CONSCIENTIUM transpire la mélancolie. All Alone With The Toughts est un album de Doom / Death atmosphérique. Le groupe fondé en 2009 est composé de Serguei Rachinskii (basse), Alina Tishenko (guitare) et Serguei Korolyov (guitare, chant). L'absence de batteur dans le combo a une incidence sur la composition. Plusieurs morceaux se passent totalement de percus et reposent uniquement sur un arrangement guitare, basse, claviers.

L'atmosphère, c'est le maître mot de la galette. Avec ses morceaux longs, ses intros travaillées, le climat installé par les nappes de claviers, les voix traînantes, les riffs planants, All Alone With The Toughts se déguste sur la durée. Il faut un peu de temps pour entrer dans l'ambiance et s'acclimater. Car TORRENS CONSCIENTIUM élabore un cocktail un peu spécial. Il mélange une instrumentation à base de claviers, des intros en chant chuchoté et quelques morceaux où explose la brutalité, avec double pédale, riffs Heavy et growl caverneux. Au fil des sept pistes, le gang alterne habilement les ambiances, mais il faut bien reconnaître que la langueur et la mélancolie slaves dominent. L'absence de batteur dans le trio peut expliquer que la batterie soit si peu présente dans le mix. Les percussions sont le parent pauvre de cette musique. Car même quand le groupe s'adjoint les services d'un batteur, la partition rythmique est plutôt convenue, dénuée de folie.
L'autre peut mieux faire du skeud, ce sont les paroles. Elles sont mièvres et un peu naïves. Un genre de poésie potache où la recherche de la rime et du rythme priment sur le sens et la profondeur. En chant clair ou en growl, les lyrics ne sont pas à la hauteur de l'effort. Un morceau comme "Immersion" dont la mélodie et le rythme sont très accrocheurs est un peu gâché par les paroles niaises, notamment sur l'intro.

Dès la première écoute, il ne fait aucun doute qu'on a affaire à un projet complexe, très travaillé et finement ciselé, sur lequel les ukrainiens ont passé beaucoup de temps. La production et le mixage sont très léchés, millimétrés. Le son un peu trop compressé est presque clinique à force d'être propre et aseptisé. Le résultat obtenu est assez froid, pas très spontané. Cela ne nuit pas à la qualité du disque, çà ne le dénature pas non plus mais on est clairement dans une nuance de Doom particulière, assez proche du Metal Industriel de RAMMSTEIN, période Rosenrot. L'analogie avec la musique des allemands est tout particulièrement perceptible sur les tracks les plus Heavy de l'opus, celles où la batterie est de la partie: "Immersion", "The Black Fog" et "Being Lonely".

N'en déplaise aux fans de Death Doom, pour aimer ce disque, il est nécessaire de l'aborder comme une proposition musicale inédite. Ne pas arriver avec ses idée préconçues et éviter le piège de la simplification stylistique. Certes, le premier effort de TORRENS CONSCIENTIUM n'est pas exempt de défauts, mais il faut saluer le travail très abouti et inédit des ukrainiens qui parviennent à proposer une musique personnelle, originale et attachante.