Sont-ce là les BEATLES dont on devine les silhouettes dans la pénombre de la pochette de For All You Left Behind ? Il suffit d'ouvrir le boitier, de décoller le disque de son réceptacle dentelé pour comprendre que non. Sur la jaquette, quatre paires d'yeux nous dévisagent, mais nous sommes loin du regard asymétrique de Ringo Starr ou de celui, espiègle, de Paul McCartney. Mal coiffés, mal rasés, mal réveillés, les mecs de SINFLOWER semblent résolument groggys. Rien de prometteur, d'engageant, ne transpire de cet EP, le premier en ce qui concerne ce quatuor toscan. Formé en 2007, le groupe, avant même d'avoir sorti le moindre effort, commence par se vanter de la rapidité de son évolution. Quinze chansons composées en une poignée de semaines, et voilà que l'enthousiasme laisse déjà place à une vantardise très italienne.

Pourtant, vous allez tout de suite constater que s'il y a bien un domaine sur lequel SINFLOWER a eu tort de jouer, c'est bien celui de la productivité. Car trois ans après cet EP parait un premier album intitulé Evil Cure, et quelle ne fut pas ma surprise de constater que sur les dix (petits) titres proposés, cinq sont directement issus de For All You Left Behind. Quid de la quinzaine de compos tombées du ciel ? Quid, tout simplement, de cette carrière qu'on nous promettait magistrale et qui, sept ans après avoir débutée, n'a pas pris l'envergure escomptée ? SINFLOWER a néanmoins de la chance d'avoir le talent de son côté. Ça lui évite de sombrer dans une médiocrité qui lui aurait été surement fatale après tant de belles paroles. Conduit par l'excellent Antonio Bosi (chant et guitare), dont le timbre vibrant me rappelle par moment celui de Gothminister du groupe du même nom, le quatuor performe dès l'arrivée de "I Feel" un Power / Thrash Metal profond et calibré sur un refrain puissant. Tout tourne plus ou moins autour de ce dernier, et du coup, l'espace laissé à la guitare lead entre 2'32 et 3'04 passe un peu à la trappe. Il faudra recaler délibérément cet instant pour prendre conscience de la technique exceptionnelle de Matteo Osservanti, un vrai bon guitariste moderne. La structure du morceau éponyme se base sur le même modèle que "I Feel" : couplets énergiques, refrain épique, riffs hachés menus, vitesse sonique et power chords en rafale puisqu'ici, la puissance prend le pas sur l'harmonie. Puis SINFLOWER change de créneau avec "I Hate Liars I Hate You", plus méthodique, plus vicelarde également, moins Heavy et efficace. Tout le contraire de "Shine" et son riffing catchy, bien qu'un poil simpliste. Essoufflé durant ses derniers instants, For All You Left Behind parvient quand même à asséner un sympathique coup de grâce avec "You Don't Know All This", seule chanson à ne pas avoir été reprise sur Evil Cure, sans qu'on comprenne bien pourquoi. Peut-être que les chœurs ne cadraient pas bien avec l'identité des autres compositions ? Va savoir.

Quatre titres plus que corrects, deux vraiment anecdotiques, le bilan de cet EP est globalement positif alors qu'on n'attendait pas spécialement SINFLOWER au tournant. De ses erreurs, inhérentes au groupe qui débute, ainsi que de son style déjà très singulier, ces Italiens apprendront encore et encore. Leur nom ne s'est pas encore installé de l'autre côté des Alpes mais qui sait ? Je pense le public français suffisamment tolérant et réceptif pour s'imprégner de ce Power / Thrash Metal perfectible et prenant. Il ne tient désormais qu'à eux d'afficher enfin un peu plus de régularité.