BEHEMOTH (pl) - The Satanist (2014)
Label : Nuclear Blast Records
Sortie du Scud : 3 février 2014
Pays : Pologne
Genre : Black Death Metal
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 44 Mins
O Gabriel, serein souverain, toi le messager privilégié de Dieu, toi l'annonciateur des grossesses mystiques, il est temps de reprendre ton instrument et d'y déverser l'air de tes poumons, car le Jugement Dernier ne saurait attendre un jour de plus. Tu aurais préféré que ta mission te soit confiée d'en-haut, mais saches que l'ordre vient d'ici-bas, d'une créature bien placée dans la hiérarchie. Il est encore temps de retourner ton auréole, et Saint-BEHEMOTH, la Bête qui régit désormais tes actes, confirme seulement que si tu crois au Bien, tu peux aussi croire au Mal.
D'une vie faite d'épreuves, BEHEMOTH en aura tiré le meilleur. C'est aussi ça, vivre sur des convictions. Une des miennes, c'est qu'après 22 ans d'activité et 9 albums studio, sortir enfin un disque en-dessous de leur niveau aurait été pardonnable, au vu et au su de leur apport monumental durant ces deux dernières décennies. Mais les polonais jamais ne gouteront de ce pain, rompu par des mains qui n'attendaient que ça. Au contraire, The Satanist est le marteau qui enfonce le clou, symbole d'une crucifixion autrement plus primitive du temps de Sventevith (Storming Near The Baltic). Vous aurez le sang de Nergal entre les mains, car il en aura versé, sous la direction artistique du ténébreux Denis Forkas pour réaliser cette pochette s'éloignant des visuels racés de Thelema 6 et autres Demigod. Aussi, de la part d'un homme qui sort à peine d'une leucémie, ce choix n'en est que plus paradoxal (d'aucuns diront que ça rime avec commercial). Quant au contenu, voyez-vous, il risque de faire couler plus d'encre que de sang. Car avec ce dixième album, BEHEMOTH rompt avec son petit confort, son matraquage habituel fait de Black et de Death, franchissant un palier dans la création. Le sort de The Satanist est jeté. Loin d'être dans la continuité d'Evangelion (quoique...), cet album c'est marche ou crève selon les sensibilités. Il ne rend aucune justice, ne délivre aucune vérité. La seule chose qu'il faut que j'accepte, c'est de vous savoir trahi, froissé, dérangé par cet opus, avec la même intensité qui me fait aujourd'hui dire qu'il est probablement l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, jamais sorti par les polonais. Je m'y conforme. Oui, se faire accueillir par "Blow Your Trumpets Gabriel", ça peut faire un choc. Le single, le clip, le contenu, BEHEMOTH nous vend du mysticisme bon marché pour la ménagère sensible qui, en haruspice du dimanche, se plait à deviner des prophéties démoniaques dans sa conserve de foies de volailles Carrefour. Ce titre est lancinant, lourd, et il est d'autant plus facile pour Nergal de nous postillonner au visage quand le fond sonore est un mid-tempo faiblement orchestré. Pourtant, je ne peux m'empêcher de trouver ce titre viscéral, très intéressant pour rentrer de plain-pied dans cette œuvre. Venant de quelqu'un qui a regardé la faucheuse droit dans les yeux, la rage de vivre aurait dû être décuplée. Le problème, c'est que The Satanist est un album beaucoup plus ambiant, plus arrangé, plus cinématographié que prévu. BEHEMOTH, qui a toujours eu ce sens de la démesure, n'est pas la bête de brutalité qu'on attendait au tournant. Certes, leur griffe inimitable est toujours d'actualité, dans l'efficacité du riff principal d'"Ora Pro Nobis Lucifer" ou dans la rugosité presque militaire de "Ben Sahar". Mais c'est sur le plan spirituel que cette œuvre prend une nouvelle dimension, et je crois que la simplicité évidente de son titre le confirme. Chaque morceau possède son trait de caractère, ce qui permet un distinguo subtil entre les différents chapitres. La douce décadence d'"In The Absence Ov Light", la brutalité crasse d'"Amen", la singularité de l'éponyme ou simplement "Messe Noire" et sa silhouette Heavy, la compo la plus représentative du BEHEMOTH 10.0, aucun morceau, absolument aucun ne m'a laissé indifférent et dans son style atypique, c'est peut-être ce qui m'a réellement troublé sur The Satanist.
A l'instar récemment de WATAIN qui s'est essayé sur The Wild Hunt à cette évolutivité romantico-romanesque, BEHEMOTH a donné un ton sépulcral, une dimension singulière à ce dixième full-lenght. Echo de sa propre conclusion, "O Father O Satan O Sun !", qui emprunte rythmiquement dans sa deuxième minute au "Kashmir" de LED ZEPPELIN, The Satanist ne pourra plus pratiquer son art caché dans les abimes de l'âme humaine comme un lépreux. Il sera obligé d'opérer à visage découvert, parce que c'est à visage découvert que Nergal a affronté la maladie et que BEHEMOTH va essuyer la critique.
Le Vestibule de l'Enfer dépeint par Dante sans sa Divine Comédie est peuplé d'Indolents, mais ne le sera certainement plus autant après qu'on y ait diffusé The Satanist.
Ajouté : Dimanche 24 Août 2014 Chroniqueur : Stef. Score : Lien en relation: Behemoth Website Hits: 10014
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