BREACH (se) - Godbox (2001)
Label : Chrome Saint Magnus Records
Sortie du Scud : 20 Novembre 2001
Pays : Suède
Genre : Post Hardcore
Type : EP
Playtime : 5 Titres - 19 Mins
On s'asseoit, on réfléchit. On regarde en arrière, on se pose des questions, et puis, on se laisse flotter, sans vraiment savoir ce que l'on veut. Une chaise, un fauteuil, un bord de fenêtre peuvent suffire à ce genre d'introspection, ou parfois, une simple conversation, un mot glissé au hasard, et le processus se met en branle.
Quand on sent la fin proche, on fait le bilan, de sa vie, de ses erreurs, de ses réussites. Et pour une dernière fois, on couche sur le papier tout ce qui nous passe par la tête, important ou pas, anecdotique, souvenirs oubliés, blessures secrètes.
Et puis on se relève, on va de l'avant, et on fonce, on se jette une dernière fois dans la mêlée. Et on oublie, on se fait oublier et on disparaît, pour toujours. Avant de revenir, changé. Avec d'autres envies, d'autres intentions, qui ne font rien oublier de ce qu'on a vécu.
C'est le cas aujourd'hui. Car si Kollapse reste le chant du cygne d'un groupe fabuleux, son entame avait commencé un peu plus tôt, sans que personne ne se rende compte à l'époque. Mais le recul permet de mieux analyser les éléments qui semblaient sans importance. Un simple EP, cinq titres, une agression de tous les instants, un son un peu différent, une optique plus poussée.
Si BREACH a sorti en 2001 Godbox sur Chrome Saint Magnus et non sur leur label habituel Burning Heart (ils y reviendront pour leur dernier LP), c'était peut être justement pour avoir du recul... Pour mettre un premier point à la fin d'une première phase, commencée quelques années plus tôt, en Suède, avec un séminal premier effort, et une carrière courte, mais essentielle et progressive. Chaque disque de BREACH à son importance vous diront les fans. Chaque sortie était une pierre de plus à l'édifice érigé en hommage au bruit, à la violence, à la lourdeur et la lancinance. Et Godbox, aussi bref fut-il, n'en fut pas la moindre. Car après ce solde de tout compte, le groupe se sentira libéré, et accouchera de son grand oeuvre, avant de saluer une dernière fois son public.
Il n'est pas difficile d'appréhender Godbox, ni d'en mesurer sa portée. Malgré ses vingt minutes à peine, il offre une démonstration de force indéniable, en cinq morceaux équilibrés, fruits de répétitions durant lesquelles les micros ont été posés, pour capter l'essence de la folie qui les animait à l'époque. C'est un disque dur, très dur, qui rappelle les exactions les plus décomplexées d'UNSANE, avec les guitares les plus débridées que BREACH ait pu nous offrir, sa rythmique la plus compacte, son but le plus avoué. Si à l'époque le son était rude et âpre, la production sans artifices, c'est tout simplement parce que ce disque était brut, sans état d'âme, comme un acte d'attrition envers un futur qui se trouvait écorné, raccourci à l'extrême. Un dernier cri primal avant de ciseler le dernier diamant, qui lui serait plus brillant, mais pas moins brutal.
Cinq morceaux, cinq hymnes à la sauvagerie la plus simple. Et si certains breaks rappellent le BREACH d'antan, la ligne de conduite était claire. Agresser, provoquer, secouer les murs de la vieille bâtisse Hardcore pour reconstruire sur des ruines fumantes.
Rien ne prête à la légèreté ici, tout est solide, compact, comme un violent uppercut en pleine face. Avec en guise de coup d'oeil dans le rétro, une synthèse de la suffocante expérience Venom, histoire de faire le lien, mais rien de plus.
Et si "Leave" s'offre un shunt presque final avant de revenir pour quelques secondes explosives, c'est pour démontrer que le silence n'a pas le droit de cité ici. Pas de pause, pas de reprise de souffle, c'est une apnée totale, une immersion dans le grand bain du Post Hardcore le plus rugueux, le plus nocif, duquel on ne sort qu'au prix d'un gigantesque effort. Un sauna mental, une étuve musicale.
Oubliées toutes les nuances, le chant s'agite, vitupère, hurle sa colère sans discontinuer, tandis que le reste du groupe élève un mur de son infranchissable, à grands coups de riffs assassins, plombés comme le moral d'un lundi matin. Si la batterie se permet parfois quelques libertés, son tempo n'en reste pas moins soutenu sur l'ensemble de l'effort, tir de barrage sans interruption.
Dès "Kill The Sun", la route s'encombre, et la fuite est impossible. Et si la voix est aux abonnés absents, un long cri strident vient déclencher les hostilités, avant que la musique ne résonne d'un écho énorme et assourdissant. Dès lors, plus rien ne viendra enrayer la machine, et la marche commence d'un pas lourd, parfois agité de soubresauts incontrôlables.
Celle ci ne s'arrêtera qu'après "Arranged Heart", qui comme un dernier avertissement poussera la violence à son paroxysme. Le chant perd définitivement tout ce qui lui restait d'humanité, tandis que le rythme atteint des sommets de brutalité, partant même dans une furie dévastatrice l'espace de quelques secondes, pour entamer un court ballet Crust soufflant. Une dernière grenade lancée à la face du monde, dont la déflagration emporte les derniers tympans encore valides. Rien ne pouvait être plus radical à l'époque, et le groupe le savait. Il avait préparé avec spontanéité mais méthode son coup fourré.
Tout du long, tous les instruments auront craché leurs poumons. Nous avons déjà parlé des guitares, mais la basse tendue, ronde et claquante rend aussi le tout incompressible. Toutes les forces à disposition ont été sollicitées pour accoucher d'un des EP les plus violents que le Hardcore ait pu enfanter. Aucune pitié, tout est là, le souffle final avant de faire le point, et d'établir un point de sortie sans se donner des airs de déserteur. Kollapse n'aura plus qu'à finir le travail et offrir une épitaphe gravée dans toutes les mémoires.
La boite de Pandore s'est ouverte, et le ciel s'est soudain coloré de cendres. Mais il fallait que cette blessure s'ouvre au grand jour pour qu'elle puisse être soignée. Elle était comme une brèche ouverte sur un autre monde, où la quiétude n'avait pas sa place.
Godbox était un cri qui faisait froid dans le dos. Mais la sueur perle encore.
Ajouté : Mardi 29 Juillet 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Breach Website Hits: 6360
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