MEKONG DELTA (de) - In A Mirror Darkly (2014)
Label : Steamhammer / SPV
Sortie du Scud : 28 avril 2014
Pays : Allemagne
Genre : Thrash Metal progressif
Type : Album
Playtime : 7 Titres - 46 Mins
Quatre ans après Wanderer On The Ege Of Time, deux ans après l'interlude "mise à jour" Intersections, Ralph Hubert nous revient plus en forme que jamais, et replace MEKONG DELTA, l'hybride protéiforme au centre de l'actualité musicale. Depuis la reformation dans les années 2000, le géant allemand n'a pas déçu, en dépit d'une barre placée très haut dans les 80's. Il en fallait du courage pour essayer d'égaler des oeuvres ambitieuses telles que The Music of Erich Zann ou Dances Of Death, mais avec Lurking Fear en 2007 et ses successeurs, Ralph n'a pas manqué le coche, et à fait preuve d'une belle lucidité.
Respectant le schéma d'un groupe à géométrie variable, il a su utiliser à plein régime le potentiel de musiciens hors normes, à son image, pour construire de nouvelles palettes sonores hypnotiques, colorant le panorama d'un nouveau chemin que chacun prend plaisir à suivre depuis des décennies.
Et en ce beau moi d'avril 2014, In A Mirror Darkly ajoute une multitude de tonalités de plus à sa toile, dans laquelle nous nous empêtrons sans toutefois chercher à nous débattre. Un peu plus de quarante minutes pour sept titres, l'homme est concis, et sait ce qu'il veut et où il va. In A Mirror marche en effet dans les pas de ses prédécesseurs, en développant des thèmes chers au compositeur allemand, les module, digresse, pour trouver de nouvelles textures, de nouvelles teintes, et se place au bout du compte dans le peloton de tête des travaux de MEKONG. En admettant bien sur que l'on trouve dans la queue des pièces pour lesquelles beaucoup de groupes se damneraient.
Ecouter un album du DELTA, c'est s'embarquer pour un voyage étrange, peuplé de rythmiques bancales, de changements de tons abscons, de refrains qui n'en sont pas et de segments transitoires qui souvent occupent une bonne partie du voyage. Transition. Ca pourrait être le leitmotiv d'Hubert d'ailleurs, tant les siennes sont autant de ponts qu'il dresse entre chaque terre qu'il traverse.
In A Mirror Darkly s'en joue d'ailleurs, et en offre à profusion. Il pourrait être envisagé comme la plus idéale passerelle entre le passé et le présent. Au niveau temporel, Ralph s'est toujours beaucoup amusé avec les signatures. Alternant le 4/3 avec le 10/14, nous enfumant derrière un écran de liberté de composition, il a toujours refusé la facilité, mais n'est jamais tombé dans le piège de l'originalité déplacée et impertinente, dans le sens le plus littéral du mot.
Ainsi, après les guitares acoustiques doucereuses de "Introduction", nous tombons de plein pied dans l'instrumental "Ouverture", qui ne ménage ni la chèvre, ni le chou. Le classicisme est là bien sur, avec ces parfums slaves que Ralph affectionne tant, boostés par une gigantesque machine Thrash dont l'abattage est impressionnant. Et à l'écoute de certains breaks et riffs, on comprend tout ce qu'un ténor comme DREAM THEATER peut devoir à l'orfèvre allemand.
Alors que nombre de groupes s'essoufflent rapidement dès que la multiplication des parties se fait redondante, Ralph sait toujours trouver l'idée qui relance le souffle et l'attente.
Et sait aussi embrayer sur un morceau comme "The Armageddon Machine", qui rappelle autant les pulsations étouffantes de "A Question of Trust" que les accélérations suffocantes de Lurking Fear. Martin LeMar prouve qu'il est définitivement LE chanteur de MEKONG, même si sur certains morceaux, la voix si surnaturelle de Wolfgang Borgmann nous manque un peu.
Mais la musique de MD a évolué, et l'équilibre entre la puissance, la mélodie et les expérimentations étant maintenant parfait, il convient d'utiliser les meilleurs interprètes pour la mettre en valeur.
Une fois les effluves toutes en contretemps de "The Armageddon Machine" évaporées, ce sont les volutes nuancées de "The Silver in God's Eyes" qui envahissent l'horizon, pour un subtil mélange d'harmonies en demie teinte, et d'impulsions en coup de boutoir. Titre le plus "abordable" du disque, "The Silver" n'en reste pas moins assez énigmatique, dans ce travail de déconstruction mélodique permanent, qui laisse un goût amer dans la bouche.
"Janus", inspiré par le Dieu romain aux deux visages, est caractéristique de la démarche d'Hubert. Vélocité, riffs assassins, mélodie omniprésente mais parfois étouffée par la puissance, c'est le parangon du travail de réflexion d'un compositeur qui à son univers propre. Assez proche dans la construction de certains épisodes d'Erich Zann, il aurait pu sans honte figurer sur ce chef d'oeuvre, tant ses inflexions ambivalentes rappellent le climat de son aîné.
Second instrumental de l'album, "Inside The Outside of the Inside" est un rouleau compresseur moderne qui arrache tout sur son passage, en mixant les patterns troubles, une double grosse caisse infernale et des motifs harmoniques qui s'incrustent dans l'esprit.
"Hindsight Blast", qui commence comme un "The Principle of Doubt" venu de l'enfer, reste sur un tempo soutenu, et offre un spectacle de collision entre des guitares acides aux appuis redondants, et des digressions harmoniques sombres. C'est sans doute le morceau sur lequel la voix de Martin ressemble le plus à celle de Keil, et ces éléments ajoutés au climat pesant du morceau en font ce qui se rapproche le plus du MEKONG des années 80.
Le constat précédent est encore plus valable pour le final "Mutant Messiah", qui appuie un peu plus sur la pédale et rappelle les épisodes les plus agressifs de l'aventure allemande. Monument de Thrash progressif suintant sur sept minutes de méchanceté et de férocité, "Messiah" s'offre le luxe entre la multitude de plans lâchés comme autant de chiens sur un cerf, d'un thème écrasant qui revient comme le souffle d'un fantôme nocturne, avant de poser les bases d'un chorus époustouflant. Puis retour à la vitesse, en une sarabande dégénérescente qui prend aux tripes comme à la tête, et vous enserre dans un étau d'acier brut.
En 2014, la démarche de Ralph Hubert est toujours aussi pertinente. Comme le dieu Janus, sa créature symbolise à merveille les débuts et les fins, les portes qui s'ouvrent et se referment, comme un cycle se répétant sans cesse, sans jamais se répéter. Mais Ralph n'en est pas à une contradiction près, et tant qu'il sera capable de nous offrir des albums de cette trempe, nous serons prêts à repartir explorer les dédales de son inconscient, à la recherche de nouvelles théories, dans un voyage qu'on pressent sans fin.
Ajouté : Vendredi 09 Mai 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Mekong Delta Website Hits: 9918
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