Un nouvel album d'AVULSED est comme une belle pièce d'onglet de bœuf. Ca se déguste saignant. Une sur-cuisson rigidifie les fibres du muscle et rend de facto les sucs moins perceptibles au palet. J'aime concevoir le Death / Goregrind des Madrilènes comme une grande cuisine, particulièrement à l'heure où les plus grands chefs de ce monde possèdent des "laboratoires" où ils déstructurent, expérimentent, fusionnent et liquéfient de nobles gelées. La vérité, c'est qu'AVULSED n'aura jamais été aussi rustique qu'à ce jour et qu'on aura beau décortiquer la carapace de Ritual Zombi, on n'y trouvera qu'une infime quantité de manipulations et tout autant d'arômes artificiels. Les Espagnols sont du genre fidèles. Fidèles à leur typicité musicale, habile mélange de tripailles et de Death "borborygmé" qui a contribué à l'ouverture de nombreux abattoirs clandestins à travers le monde. 22 ans que tu trimballes ta carcasse mortifiée, forcément, tu as autant de fans que de mouches au cul.

Pourtant, à y regarder de plus près, ce sixième album studio (oui, seulement !) pose quelques questions. A la simple vue de cette pochette fibreuse (à mon goût la moins grotesque depuis Eminence In Putrescence), signée Juanjo Castellano, un pro du détail, on peut se demander si AVULSED n'a pas fait le mauvais pari de se lancer dans la course au zombie. Romero est une valeur sûre en la matière, mais AVULSED ? Qu'on se rassure, la living deaditude de cet album ne se ressentira pas outre-mesure en musique. Particulièrement Heavy et atypique, "Dawn Of The Apocalypse" est à peu près ce que les Espagnols savent faire de plus lent et mélodique. Cette belle introduction de deux minutes répond singulièrement à "Breaking Hymens" qui ouvrait fort brutalement en 2009 leur Nullo (The Pleasure Of Self-Mutilation). Une brèche musicale ? Pas de panique, "Dead Flesh Awakened" marquera très vite un retour percutant aux habitudes du groupe, grâce à ce Grind caniculaire et racé totalement inhérent à l'entité AVULSED. Je suis absolument convaincu que plus que jamais, leur marque de fabrique se distinguerait comme un petit rognon dans un océan d'abats. Physiquement sorcier, vocalement canalisation embourbée, Dave Rotten est au sommet de sa forme, rotant ses paroles comme il n'oserait le faire au visage de la pire belle-mère du monde. Il en profite pour embarquer dans son génie expressif le fraichement arrivé Osckar (batterie) qui ne pouvait rêver baptême du feu plus réussi. Explosive et très pro, sa prestation de haut-vol relance encore un peu plus les Madrilènes sur les chemins du old-school, avec un "Unborn Of The Undead" (au passage, les noms des deux derniers albums de SIX FEET UNDER réunis dans un même titre !) dont le vice n'est pas sans rappeler une certaine "River Runs Red" ! Sans jamais tanguer vers l'inédit, Ritual Zombi pousse la vista d'AVULSED a son paroxysme en étant encore plus confiné et intense que Nullo. Tout se tient, de la basse cinglante de Tana (savourez l'intro de "... Was Not My Blood") aux riffs de la paire Juancar / Cabra en passant par la reprise putréfiée de "Zombie Ritual" de DEATH, le mastering de Dan Swanö et même la participation symbolique de Rogga Johansson, l'homme aux 18 groupes, qui s'invite sur l'écriture des paroles de "Dead Flesh Awakened" (comme il l'avait d'ailleurs fait pour "Filth Injected" sur le Gorespattered Suicide de 2005).

La force de frappe désormais affichée par ces garçons est assourdissante. Bien malin qui pourra dire si Ritual Zombi est leur meilleur disque à ce jour ou pas. De nombreux éléments penchent en faveur de cette hypothèse ; la sérénité avec laquelle ce Death old-school et omnivore est distillé, la classe absolue et la beauté visuelle qui se dégage des chairs tuméfiées par le passage de l'opus, l'absence totale de faux-pas en 22 ans de maison et la tranquille régularité de cette œuvre. On ne sera assurément pas bousculé par Ritual Zombi, tout juste mordu, mais il parait que c'est suffisant pour être infecté.