IN VAIN (no) - Ænigma (2013)
Label : Indie Recordings
Sortie du Scud : 11 Mars 2013
Pays : Norvège
Genre : Progressif Extrême
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 59 Mins
Avec un EP et deux longue durée à leur actif, les Norvégiens d’IN VAIN ont su se construire un monde à part, et ce depuis l’excellent The Latter Rain qui avait séduit pas mal de monde dans l’univers assez fermé du Metal extrême.
Mais il convient à leur propos de redéfinir ces termes. Certes, le sextet est très puissant, et sa musique flirte souvent avec les courants Death et Black, mais ils sont beaucoup plus que ça. Ils font partie de cette race de musiciens qui exploitent et transcendent les styles, et qui les utilisent pour formuler des idées, pour mettre en forme des émotions tangibles.
Il est de fait très difficile de les cataloguer, de les ranger dans une petite case, et c’est tant mieux. Et sur ce troisième album, Aenigma, la tâche devient de plus en plus ardue.
On retrouve évidemment les ingrédients qui rendaient leurs œuvres précédentes envoûtantes, mais le groupe s’est efforcé cette fois ci d’être plus concis, moins versatile et donc de recentrer le propos. Et si certaines compositions vous sembleront tourner en rond ou bien se répéter, dites vous qu’il n’en est rien.
Car à chaque fois, un arrangement, une ligne de guitare ou des chœurs viendront relever le tout et l’isoler du reste du LP.
Chaque compo à son identité propre, et c’est de nos jours un challenge bien difficile à relever.
Aenigma, et c’est sans doute sa force et sa faiblesse, est un album à plusieurs niveaux. Il faut l’écouter, se laisser emporter, et, passage après passage, il laisse sa trace d’une manière indélébile dans votre mémoire musicale pour mieux se révéler, sans pour autant se donner.
Et s’il est baptisé comme un ancien album de TOOL, la coïncidence est trop frappante pour être occultée. Même désir d’explorer, de repousser, de ne se fixer aucune limite, et de travailler une idée jusqu’à l’overdose, jusqu’à ce que le processus de maturation soit complet, et satisfaisant.
Ainsi, le travail accompli sur un chef d’œuvre comme « Culmination Of The Aenigma » est époustouflant. Tout part pourtant d’une idée simple, illustrée par un motif redondant, scindé en deux parties distinctes mais complémentaires. Une puissance mélodique incroyable, une nostalgie harmonique teinté d’agressivité moderne, pour près de neuf minutes de voyage intérieur. Une gageure ? Non, une part de génie, et beaucoup de travail.
Et le fait d’avoir enchaîné ce morceau avec le très Black « Times Of Yore » est caractéristique du travail des Norvégiens. Ne jamais s’enfermer, ne pas se répéter, et entraîner l’auditeur sur de fausses pistes, le faire rêver en évitant la prétention. Sans jamais mettre de côté l’argument mélodique (comme en témoigne la partie quasi Rock sur ce même titre, qui s’offre un solo clair et concis), IN VAIN se balade de constructions épiques en digressions Death ou Black, mélange le tout pour en obtenir une formule terriblement personnelle.
Avec un son magnifique, épais mais clair, qui permet d’apprécier à leur juste valeur tous les arrangements qui jonchent l’ensemble, Aenigma joue par à coups dans la cour d’EMPEROR, OPETH, PARADISE LOST, NOX AUREA ou OMNIUM, sans pour autant gloser ou les paraphraser.
Outre bien sur la richesse des textures, c’est aussi ce désir de prendre tout le monde à contre-pied qui caractérise les Norvégiens, qui se permettent d’alterner les climats, de souffler le chaud et le froid, sans paraître forcés ou « mécaniques ».
A ce titre, « Floating On The Murmuring Tide », final comme il en existe peu, se permet de juxtaposer des parties furieusement Black, et une splendide partie de saxophone apaisante, sortie de nulle part, et délicatement soutenue par des guitares acoustiques précieuses.
Puis, la puissance reprend ses droits, avec toujours ce saxo qui s’éteint progressivement, pour que les parties de chant s’empilent, dans un déluge d’expression presque surréaliste, mi cauchemardesque, mi rêve éveillé.
Puis, à mi chemin, la cassure est nette, et une nouvelle couche acoustique prend le dessus, pour mettre sobrement en exergue une partie solo de toute beauté, qui évoque autant les rivages de DREAM THEATER que ceux de NEAL MORSE. Magique.
Et je pourrais disséquer ce morceau d’une façon encore plus poussée, mais il est parfois impossible de coucher sur papier des sentiments intangibles.
Et si parfois la franchise se veut pièce maîtresse (« To The Core », savant mélange de SUFFOCATION et EMPEROR et seul titre de stricte obédience extrême), tout ici n’est que nuances, fragrances associées avec minutie, patience et amour. Le genre de musique à paliers, qui tend vers le songe à multiples niveaux dont on s’éveille avec difficulté et qui finit par se mélanger à la réalité de manière abstraite, pour finalement créer de toute pièce un espace temps différent.
Aenigma, et par extension ses concepteurs, sont résolument à part, et naturellement. Un refus des conventions, l’acceptation de la laideur comme seule opposée nécessaire à la beauté. Rarement tant de parfums auront été juxtaposés avec autant de concision et de précision.
Si vous êtes comme moi à la recherche permanente de nouvelles sonorités, rejoignez le clan des admirateurs de IN VAIN.
Vous ne pourrez – et je l’affirme – en aucun cas être déçus.
Ajouté : Mercredi 31 Juillet 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: In Vain Website Hits: 9458
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