PHILIP H. ANSELMO AND THE ILLEGALS (usa) - Walk Through Exits Only (2013)
Label : Housecore Records / Season Of Mist
Sortie du Scud : 19 Juillet 2013
Pays : Etats-Unis
Genre : Death Metal Sludge
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 40 Mins
“A comeback doesn't come gently... it's as ugly, as ugly is... made of hedonist handcuffs...crushing weights... neurotic accuracy... and kills love outright.”
Parfois, j'aime affirmer mes positions sans ambages. Alors prenez acte de ceci :
- J'aime Phil Anselmo.
J'ai une profonde admiration pour l'artiste, et une sympathie sincère pour l'homme. Parce qu'il aurait pu devenir un des plus grands chanteurs de Metal de tous les temps (écoutez le pré chorus de « Cemetary Gates » pour vous en convaincre), mais qu'il a préféré une autre voie, moins facile, plus réductrice pour les esprits chagrins et les musicologues, et pourtant si inspirée. Trop extrême...Parce que PANTERA, l'héritage que ce groupe à laissé, parce qu'ils nous ont sauvé du grand marasme des 90's. Parce que DOWN, son parfum sudiste lourd de sens, un peu trop ambigu pour certains, mais tellement évident pour ses fans. Parce que SUPERJOINT RITUAL, ça, le reste, et tous les projets auxquels il a collaboré.
Et puis aussi parce que l'homme justement, ne fait pas semblant. Sur le morceau éponyme, Phil hurle “Everybody ruins music...Not just me...You saw it/You liked it/Embraced it/Then faked it...”, mais c'est faux. Lui n'a jamais fait semblant. Il a toujours vécu la musique à fond, et pour en être convaincu, il suffit de le voir en tournée. Derrière la scène, à battre le rythme avant de surgir de derrière les amplis pour une accolade/gueulante comme lui seul en a le secret. A rester sur le bord pour regarder ses potes/idoles/influences comme un ami/kid/fan qu'il sera toujours.
Oui. C'est une grande gueule. Vous pouvez le détester, et je ne vous délesterai pas de votre libre arbitre, mais moi je l'aime. C'est subjectif, de l'empathie complice, une affinité de tordu, tout ce que vous voudrez, mais peu importe, au nom de la musique, au nom de la sincérité, donnez lui une chance, et écoutez son premier album solo.
Car aujourd'hui, ce qui sonnait jusqu'à peu comme un vague espoir est devenu réalité. Phil a enfin sorti un véritable album à lui, à lui tout seul, avec SON backing band, avec un son qui lui ressemble, comme un instantané de Phil Anselmo en 2013. Certes, la différence avec ses autres projets n'est pas flagrante dans la démarche. Phil a toujours bossé avec des potes qui ont la même vision que lui, le même je-m'en-foutisme de façade, mais le même professionnalisme de fond. La musique, celle des tripes, celle de l'âme. Le Metal. Intégralement, authentiquement, éternellement. Et bien sur, Walk Through Exits Only ne fait exception à aucune règle. Sauf peut être à celle de la bienséance musicale. Ou celle de la modération décibellique. Tiens, voilà un bon néologisme pour parler de ce premier effort en solitaire. Décibelliqueux.
Vous connaissez bien sur PANTERA et DOWN si vous êtes fans du bonhomme. Vous savez donc à quel point il affectionne le Metal en fusion, celui qui s'infiltre par tous les pores, qui vous contamine et finit par vous brûler de l'intérieur. Ce Metal lourd, incisif, grave, agressif, qui est devenu au fil des années une marque de fabrique, mieux, un tatouage indélébile gravé sur son cœur.
On semblait bien deviner les routes que le musicien pouvait emprunter car après tout, il s'est déjà quasiment frotté à tous les styles. Heavy, Thrash, Doom, Sudiste version épidermique, Sludge light, et même Black à l'occasion.
Sur Walk Through Exits Only, il m'a pourtant surpris. J'avoue, je ne m'attendais pas à un tel déluge sonore, à la limite de l'implosion permanente. Mes oreilles ont souffert, mon thorax a vibré, mais je suis toujours là pour en parler.
Et pourtant...
Car même si l'intro “Music Media Is My Whore” garde un semblant de groove militaire pour mieux tromper l'auditeur (et ce, en dépit de paroles purement explicites, et un péremptoire “The rise of authentic anti-music” lancé à la cantonade), le reste de l'album est un gigantesque volcan rempli de lave prête à se déverser sur le monde. Et je respecte trop la créativité et l'envie de Phil pour oser le jeu de la comparaison. Il va falloir prendre cet album pour ce qu'il est, et non pour ce qu'il serait sous le joug de la description forcée. Sachez simplement que même EYEHATEGOD dans ses moments les plus malsains est encore à cent lieues de la puissance de cet album. Et sachez aussi que si sur quelques instants "Battalion of Zero" prend des airs de "Suicide Note Part II", son rythme devient assez rapidement bien trop atypique et haché pour se conformer à un modèle.
Lors d'une récente interview, Ben Weinman de DILLINGE ESCAPE PLAN m'avouait rendre délibérément sa musique "inconfortable", parce qu'il déteste la facilité. Et c'est sans doute le qualificatif le plus adapté pour décrire la musique présente sur ce petit disque d'argent.
Des guitares si lourdes et graves qu'on en oublie leurs sonorités d'origine. Une basse si gluante qu'elle ressemble à une épaisse couche de ciment collée sous la semelle de vos chaussures. Une batterie heurtée, si emphatique qu'elle imprime son leitmotiv directement sur vos neurones, en tout cas le peu qu'il vous en reste. Le tout rincé à grandes gorgées de colère non larvée de la part de Phil, qui éructe sa haine, sa révolte comme si son dernier souffle en dépendait.
Une musique si intense qu'elle échappe à toute classification. Une charge si puissante qu'elle écorne même vos souvenirs les plus ancrés d'un Phil un tant soit peu mélodique. Et lorsque celui-ci nous balance en sus en plein visage ses paroles les plus directes, la chose prend des allures de règlement de compte avec les aigris, avec le destin, avec le business de la musique. Car rarement Anselmo aura été aussi véhément dans son interprétation. Même lors des digressions les plus intimes de feu PANTERA. Je défie la plupart des combos de Black et d'Indus de la création de produire des sons aussi violents, dangereux, et surtout, anti-harmoniques.
On a parfois le sentiment d'être perdu en plein milieu de nulle part, dans un cauchemar éveillé que rien ne vient interrompre ("Usurper Bastard's Rant", quasiment sans structure logique et pourtant tellement pénétrant), comme secoué par d'incessantes frappes à l'image de l'artwork sans détour de Vulgar Display Of Power. Et lorsque le quatuor fait montre de certaines velléités d'organisation ("Bedroom Destroyer"), cela reste un leurre, un vulgaire piège à touristes pour tromper ceux qui se seraient égarés.
Car même lorsque l'entreprise semble résumée en un seul pavé de plus de douze minutes ("Irrelevant Walls and Computer Screens", plus sombre et poisseuse que n'importe quel pamphlet Sabbathien...), Phil nous désoriente dès son milieu pour nous faire sombrer dans le chaos le plus pur, un peu de la même manière que NEUROSIS sur certaines de ses chutes les plus imprévisibles. Et il nous laisse seul, les mots en suspens sur nos lèvres, avec pour seule question :
“I wonder... Who's the enemy?”
Alors peut être que oui... Peut être ne comprendrez vous pas et renverrez ceci dans les tréfonds des expérimentations bruitistes les plus invalides... Mais j'ose affirmer ici, qu'au même titre que des œuvres telles que Reign In Blood, Suicide, Raw Power, Scum, Halber Mensch, Autobahn, ou Black Sabbath (j'en oublie volontairement des poignées entières...), Walk Through Exits Only marquera une date dans l'histoire de la musique extrême, de par sa densité, de part son intensité et son refus de tout compromis. Et surtout, de par sa volonté de faire avancer les choses.
Et je ne vois guère que Phil pour pondre un truc pareil, et le considérer comme une récréation, ou la simple continuité d'un processus de création commencé il y a plus de vingt cinq ans.
Ne vous y trompez pas, écouter cet album demande un effort, une implication. De l'authenticité, parce que vous ne pourrez pas vous mentir. Si vous ne supportez pas, n'insistez pas.
Car comme le dit Phil :
“A shuddering original unlike... Anything that has come before”
N'allez pas dire après qu'il vous a pris pour des cons.
Ajouté : Mercredi 31 Juillet 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Philip H. Anselmo And The Illegals Website Hits: 9748
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