THERION (se) - Les Fleurs Du Mal (2012)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 28 septembre 2012
Pays : Suède
Genre : Metal d’Opéra
Type : Album
Playtime : 16 Titres - 48 Mins
Vous n’allez pas en croire vos yeux. D’ailleurs, j’espère que vous êtes confortablement assis. J’ai écrit un papier record. Record du nombre d’artistes de variété française des sixties-seventies-eighties cités dans une chronique Metal. Et les fautifs sont bien connus de nos services, puisqu’il s’agit tout simplement de THERION. Alors pour avoir écrit sur le Sitra Ahra de 2010, je passerais volontiers sur leur discographie interminable et sur leurs problèmes de line-up, plus difficiles à suivre encore qu’une saison de Plus Belle La Vie pour en arriver à l’essentiel. Un treizième album studio singulier. Alors déjà qu’à chacune de leur nouvelle sortie, il apparaît improbable de parier sur le bon canasson, laissez-moi vous dire que de faire des pronostics à la simple lecture du titre de l’opus, référence ouverte et limpide à l’œuvre baudelairienne, est une pure gageure. Vous n’imaginez pas ce qui vous attend, et j’espère que ces quelques lignes vous donneront envie de goûter à cette douceur, qui s’avère être plus surprenante encore que le plus surprenant de leurs albums.
25 ans de carrière. Vous l’aurez compris, cet opus, qui ne s’inscrit pas vraiment dans la continuité de leur discographie marque d’une pierre blanche un parcours d’une longévité exemplaire. Mais fallait-il vraiment tomber dans l’improbable pour qu’on se souvienne d’eux ? Je n’ai pas la prétention d’avoir une réponse précise à fournir, mais il est plus que certain que cette œuvre va diviser, puisqu’elle se compose uniquement de reprises d’artistes français des années 60 à 80, des plus connus (Serge Gainsbourg, France Gall, Sylvie Vartan) aux désormais anonymes Léonie, Claire Dixon et Victoire Scott. Les Fleurs Du Mal débute en nous laissant tous nos repères. Le « Poupée De Cire, Poupée De Son » (écrite par Gainsbourg pour France Gall en 1965), qui fréquente encore régulièrement les ondes Nostalgie, n’est assurément pas la reprise la plus insipide de ce CD. THERION reste plutôt fidèle à l’originale, bien que la courte introduction soit dans une veine totalement théâtrale. On connaît le bestiau et il est désormais trop tard, au bout de 25 ans, pour leur reprocher ce penchant hallucinant pour les orchestrations grand-guignolesques. Bizarrement, si le concept ici présent m’a fait grincer des dents au début, je dois reconnaître que la plupart des morceaux ont un charme certain et sont bien loin de la sombre merde que j’imaginais. Les Suédois ont dans les doigts un peu du don du roi Midas et en font usage pour transformer les oubliables « Petite Sœur Angélique » (dénommé à tort « Sœur Angélique » dans la tracklist) de Léo Marjane ou « La Licorne D’or » de Victoire Scott en des moments d’une grande pureté, emmenés dans des contrées aux limites de la loufoquerie par l’exubérant Snowy Shaw. Un autre grand moment de cet album sera la réinterprétation d’« Initials B.B. » (originale de Gainsbarre en 1968). Alors oui, il est clair que ce morceau se prête facilement aux retouches orchestrales, mais avec l’ajout d’un côté symphonique, THERION illumine le titre de ses parures les plus dvořákiennes et le fait avec succès. Très posé, très réfléchi, Les Fleurs Du Mal surprend, peut-être plus par la qualité des reprises que par le concept en lui-même. Après, il faut reconnaître que le patrimoine musical français est tellement vaste et riche qu’on se serait bien passé de la référence au « J’ai Le Mal De Toi » de Betty Mars (et pas François Feldman comme on peut le lire à tort et à travers). Personne ne leur a parlé de Christophe, Lucky Blondo, Pascal Danel ou Monsieur 100 000 volts ? Cependant, mes chers compatriotes, nous pouvons nous estimer heureux. Dans un grand souci d’authenticité, THERION nous fait le plaisir de ne pas écorcher notre belle langue en articulant du mieux possible ! J’ai encore dans mes tympans l’accent à couper au couteau d’Alea Der Bescheidene (SALTATIO MORTIS) sur « La Jument De Michao ». Et le souvenir est plutôt du genre douloureux. Ici, aucun problème du type. Thomas et Linnéa Vikström ainsi que Lori Lewis prennent leur rôle très à cœur. Le seul problème qui en découle, c’est l’appréciation qu’on fera de cette œuvre selon qu’on est français, anglais, italien, espagnol ou vietnamien. Quelle oreille posera une personne qui a une totale ignorance du répertoire tricolore sur Les Fleurs Du Mal ? Au final, ce disque, en s’adressant principalement au public franco-français, ne sera-t-il pas perçu comme une forme de fracture discographique par le reste des auditeurs ? Et quel impact aura la reprise Metal des « Sucettes » (encore une fois écrite par Gainsbourg pour Gall) dans le cœur de quelqu’un qui ignore tout du double sens et de la douce perversion de cette chanson ? La réponse est simple. Aucun.
Alors vous qui me lisez et qui comprenez pleinement le bon sens de mes mots, soyez heureux d’être privilégiés. THERION, pour son 25ème anniversaire, a enregistré un disque qui s’adresse à vous. Pas forcément un disque d’une excellence inégalée, mais un disque qui fait preuve d’initiatives. Ils sont trop rares en ces temps incertains. Nous avons la chance de jouir d’une perception unique de cette sortie par rapport à nos voisins européens. Je ne vous cache pas qu’on est loin, très loin du THERION de la grande époque, mais après ces 25 années de présence (l’équivalent d’une vie d’homme pour certains), il va sans dire qu’on n’est pas près de réécouter ce genre de concept de sitôt. Les Suédois ont relevé un pari plus que risqué, et ils sont probablement les derniers représentants de cette lignée. D’ailleurs, il parait qu’ils vont se faire discrets dans les années à venir, alors acceptez ces quelques Fleurs, elles ne pourront pas vous faire de Mal.
Ajouté : Mercredi 03 Octobre 2012 Chroniqueur : Stef. Score : Lien en relation: Therion Website Hits: 9288
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