Déjà 10 ans de carrière, mais Anthology IV : The Tragedy Of Nerak n'est que le second album des orléanais nuls en maths d'AKPHAEZYA. La carrière solo que mène en parallèle la chanteuse-pianiste-auteur-compositeur Nehl Aëlin n'y est sans doute pas pour rien, mais cette longue attente signe avant tout l'amour du travail bien fait. Car ce concept-album présenté comme une tragédie grecque en 4 actes est d'une richesse et d'un aboutissement à faire pâlir n'importe quel groupe de Prog.

Mais un groupe puisant son inspiration dans la culture du pays qui inventa la démocratie pourrait difficilement se permettre de pratiquer une musique élitiste. Aussi progressif et ambitieux soit-il, le Metal d'AKPHAEZYA ne laissera personne sur le bord du chemin. Ainsi, après une courte intro à base de chuchotements énigmatiques, "A Slow Vertigo" ouvre l'album sur une note fédératrice, en plein dans les canons d'un Heavy-Prog' moderne, accessible, sobre et relativement concis. La concision sera d'ailleurs une constante, chaque titre oscillant entre 3 et 8 minutes. Autre qualité que l'on retrouvera tout au long de l'album : un son impeccable. Signalons au passage que le mastering de l'album est assuré par Brian "Big Bass" Gardner, dont le CV interminable compte à peu près tous les plus grands noms du Rock et du Rap. Quand on s'offre les onéreux services d'une telle pointure, ce n'est pas pour vendre 3-4 CD à la kermesse de Trifouilly-Les-Moules. Pourtant, à ce stade de l'album, si le groupe fait preuve d'un savoir-faire incontestable, on peut encore douter de sa capacité à sortir du lot sur la scène internationale. Mais ceci n'était qu'un échauffement...
Dès le morceau suivant, on passe la vitesse supérieure avec une nette influence Black Metal qui se fait sentir au niveau de la batterie mais aussi du piano et du chant qui vire carrément extrême. Belle performance et première bonne surprise avant l'acmé de cet album : le délirant et génial "Utopia"; un incroyable tour de montagnes russes interdimensionnel qui vous fait traverser un concert de Funk, un club de Jazz, une fête tribale africaine et le chapiteau d'un cirque. Là où d'autres moins talentueux n'auraient signé qu'un pétage de plombs récréatif, AKPHAEZYA nous livre un pur joyau de composition et d'interprétation, particulièrement fluide dans sa construction et ne virant jamais au ridicule. Une fois de plus, Nehl prouve qu'elle peut faire ce qu'elle veut avec sa voix, comme un MIKE PATTON au féminin, refusant toujours de s'enfermer dans le carcan du Metal. Son jeu au piano est à l'avenant : tour à tour Jazz, classique (l'intermède instrumental "Transe H.L. 2", d'un grand classicisme formel mais bourré de feeling), ou Black Metal comme on l'a vu plus haut. Un si grand talent serait de nature à bousculer l'orgueil des barbus qui l'accompagnent, mais il n'en est rien. Ceux-ci n'ont aucun mal à suivre le rythme tressautant imposé par la versatile Nehl. Ils nous délivrent un Metal en acier-inox, technique, mélodique et agressif quand il le faut, sans jamais se répéter et sans oublier d'intégrer les digressions Jazz, Flamenco et autres qui émaillent chaque compo. Ces trois-là ne sont assurément pas des faire-valoir pour leur chanteuse, pas plus que celle-ci n'est la caution arty d'un obscur groupe de Metal sans intérêt. Leurs univers respectifs se répondent, s'enrichissent mutuellement et s'entremêlent jusqu'à devenir indissociables. Le fabuleux "Nemesis" en est la preuve éclatante. Le groupe ne s'y est d'ailleurs pas trompé en choisissant ce titre, incroyablement riche pour ses 3 minutes 10, comme vitrine de l'album agrémenté d'un excellent clip.

Mariant technique, agressivité, émotion, inventivité et mélodies accessibles, Anthology IV : The Tragedy Of Nerak est l'album dont le Metal progressif avait besoin. C'est un véritable sommet dans une carrière encore jeune mais bien partie pour ressembler à tout sauf à une tragédie.