ÉCHANCRURE (FRA) - Antoine (Nov-2011)
Avançant en autodidacte, Antoine, seul home à la tête du projet ÉCHANCRURE, fait évoluer sa musique selon ses envies. Créant pleinement ses fresques atmosphériques, avec les moyens du bord, et sans se priver d’expérimenter avec les outils à disposition. Le voici qu’il évolue d’une première sortie Black à un album plus axé Experimental, délaissant le côté Metal. Paysage. Octobre. nous entraîne au détours de structures décomposées, gouvernées par les samples, entre dissonance, lourdeur, ambiances aériennes et fantasques. Déjà engagé dans de nombreux projets, il nous parle ici du premier volet d’une série sur le thème du "Paysage", non sans préciser qu’il n’hésitera pas à s’engager dans des territoires complètement opposés. Intègre vis-à-vis de sa musique, Antoine est un artiste qui compose d’abord pour sa soif d’expérimentations, et cela semble lui réussir pour le moment.
Line-up : Antoine (Chant, tous les instruments)
Discographie : Atrabilis/Echancrure (split - 2011), Paysage.Octobre. (album - 2011)
Metal-Impact. Salut Antoine. Bienvenue pour ta première interview sur Metal Impact ! Avant de parler de ton album, revenons, si tu le veux bien, sur son auteur. Qu’est-ce qui t’a poussé sur les sentiers du Metal et t’as donné envie de faire de la musique ?
Antoine. Salut. Si je me suis mis à la musique, c'est tout simplement par passion ! La fascination que j’entretiens pour cet art m’a poussé à y apporter ma propre contribution. Par contre, je ne considère en aucun cas ÉCHANCRURE comme un projet Metal. Je considère que je fais de la musique expérimentale, à influences Metal, certes. J’en écoute de moins en moins... D’ailleurs, il est très probable que le prochain disque soit du Rap, ou du Flamenco.
MI. Peux-tu nous résumer l’histoire derrière la création d’ÉCHANCRURE, ainsi que ton parcours avec ce projet ?
Antoine. Il n’y a pas d’histoire à proprement parler. Je composais depuis quelques années et puis, un jour, j’ai décidé de sortir le split avec ATRABILIS pour me lancer. En passant, ATRABILIS est un groupe qui va rester très proche d’ÉCHANCRURE ; c’est un peu son jumeau espagnol. Donc, pas grand-chose à dire encore sur mon parcours ; à venir !
MI. Pourquoi avoir choisi ce patronyme d’ailleurs ?
Antoine. Je trouvais qu’il convenait bien à ma musique. Et je voulais un nom français. La prédominance de l’anglais dans le milieu musical - surtout au sein de la scène française - m’exaspère. Comme peu de groupes français maîtrisent proprement l’anglais, les textes se retrouvent vulgarisés au possible, les mêmes formules sont ressassées à outrance (sans même parler des thèmes...) et il n’y a finalement qu’une poignée de groupes qui écrivent de très bons textes (CELESTE, PESTE NOIRE, PENSÉES NOCTURNES, etc…). DEATHSPELL OMEGA est également une exception.
MI. L’artwork est très abstrait, on distingue des formes, mais sans pouvoir réellement les définir. Qui s’en est occupé ? En quoi correspond-il à ce premier disque ?
Antoine. L’artwork n’a pas été réalisé spécialement pour le disque : j’ai contacté Thibauld Mazire, un peintre que j’ai rencontré à une exposition, afin d’obtenir l’autorisation d’utiliser ses tableaux pour Paysage.Octobre.. Il y a, dans ses tableaux, un mélange de poésie, d’onirisme et de mystère. Je pense avoir fait un bon choix, car ses magnifiques images aux couleurs froides traduisent parfaitement l’ambiance que j’ai voulu donner au disque. Le côté visuel est très important : c'est bien souvent la représentation que l’auditeur se fait de la musique.
MI. En fait, cet album n’est qu’un seul grand morceau, divisé en plusieurs pistes. Comment as-tu décidé des sections, et pourquoi ne pas les avoir nommées ?
Antoine. Si je n’ai pas nommé les morceaux, c’est justement pour que le disque soit considéré comme un tout ! Quant aux sections, j’ai découpé en fonction des différentes phases. Chaque titre est plus un mouvement qu’une chanson indépendante. Toute la série "Paysage" - dont de nombreux éléments sont à venir - sera basée sur ce concept.
MI. D’après le titre, on s’attend à une atmosphère automnale mais ce n’est pas vraiment le cas. Quel type d’ambiance recherchais-tu en écrivant Paysage. Octobre. ?
Antoine. En effet, le titre n’a pas grand rapport avec l'atmosphère.
Dans la série "Paysage", l'ambiance prime sur l’harmonie. Il est important pour moi qu'ÉCHANCRURE reste contrasté, c’est-à-dire que je ne m’enferme pas dans un seul type d’ambiance. Je visais quelque chose de plutôt malsain et cauchemardesque, mais une grande place est laissée au grotesque et à l’autodérision, qui sont autant des parts de moi-même que de ma musique.
MI. Il est souvent difficile de distinguer les paroles, et encore plus ce qui est raconté. Même si sur la troisième section, il semble y avoir une critique de la France avec cet extrait d’un monologue de Louis-Ferdinand Céline, peux-tu nous décrire les thèmes que tu as voulu traiter ?
Antoine. Sur ce disque, le chant n’a pas pour vocation de servir le concept, mais l’ambiance. En conséquence, seul le monologue de Céline est mis en avant. Il est à prendre dans un sens métaphorique, car sorti de son contexte. Chacun y donnera le sens qu’il voudra. Mais le propos initial de Céline était, en effet, une critique de la France qui, contrairement à lui, reste ancrée dans des habitudes littéraires et ne cherche pas à renouveler son style. D’autre part, l’apparition plutôt inattendue de ce sample, et son propos, alimente la face grotesque du disque.
MI. D’innombrables samples se mêlent, construisent, et défont les atmosphères du disque. Comment as-tu procédé pour composer Paysage. Octobre. ?
Antoine. C’est exactement ça. Paysage. Octobre. est un disque consistant en une longue plage ambiante d’une trentaine de minutes sur laquelle j’ai greffé de nombreux samples, puis ma musique, de façon à conserver une cohérence et une atmosphère continue. Je compose en même temps que j’enregistre, la plupart du temps. Du coup, pas mal de plans proviennent d’impros non-revisitées.
MI. Peux-tu nous donner quelques exemples d’expérimentations que tu as pu faire ?
Antoine. Oh, quelques parties de guitare sont jouées avec un couteau par exemple ! J'ai aussi pas mal trituré la batterie avec des effets électroniques. Mais, comme dit dans une précédente interview (ndr : sur un autre webzine), je pense qu’il serait un peu idiot de dévoiler tous les "secrets" du disque.
MI. Tu as également utilisé pas mal d’instruments différents. J’ai eu l’impression d’entendre un genre de xylophone sur la deuxième piste, je me trompe ? Par ailleurs, la batterie apparaît programmée, sans pour autant que cela n’entache l’immersion musicale. Quels sont les autres instruments pour lesquels tu as fait appel l’informatique ?
Antoine. Oui, la batterie est programmée. Ce que tu appelles xylophone est en vérité un vibraphone, qu’on peut entendre sur les deuxième et dernière pistes. J’ai beaucoup fait appel à l’informatique sur ce disque puisque je ne suis pas multi-instrumentiste, et que je n’allais pas négliger cet outil moderne offrant des possibilités quasi-infinies d’expérimentations en tout genre. Par exemple, d’un simple bruit de glissement sur un violon (à peine deux secondes), on peut obtenir le bruit comparable à celui d’une alarme de la piste trois.
MI. J’imagine que l’enregistrement a été réalisé entièrement par tes soins. As-tu rencontré des soucis particuliers ?
Antoine. J’ai tout fait chez moi, avec très peu de moyens. Je n’ai pas eu de soucis, non, si ce n’est un mixage un peu long et un niveau sonore final assez bas au mastering, n’ayant appris autrement que par moi-même ces deux techniques.
MI. Dans l’ensemble, j’ai vraiment apprécié le type d’atmosphères que tu as développées. Toutefois, je suis resté quelque peu sur ma faim à l’issu de cette demi-heure qu’a duré l’album, je n’ai pas ressenti de réel épilogue qui fasse office de clôture concrète à ton œuvre. Qu’en dis-tu ?
Antoine. C’est étrange. La dernière piste est pourtant construite comme un épilogue, avec une fin en décroissance. C’est peut-être la courte durée du disque qui te fait dire ça. Personnellement, je ne pense pas qu’il y ait une durée donnée nécessaire pour un disque. Pour P1 (ndr : première œuvre de la série "Paysage"), je trouvais qu’une demi-heure était suffisante.
MI. A ton avis, à quel genre de public s’adresse Paysage. Octobre. ?
Antoine. N’importe quel auditeur appréciant la musique moderne ! Comme je te l’ai dit, je trouve qu’ÉCHANCRURE sur P1 n’a plus grand chose de Metal. J’ai eu beaucoup de retours positifs de la part de gens ayant goût aux musiques alternatives, sans pour autant écouter de Metal.
MI. D’où tires-tu tes inspirations pour écrire ta musique. Quelques groupes/artistes te servent-ils d’influence ?
Antoine. Je n’ai jamais en tête une quelconque source d’inspiration en tête quand je compose. Après, inconsciemment, je pense que la musique que j’écoute autour des périodes de composition doit m’influencer.
MI. As-tu déjà commencé à composer de nouveaux morceaux ? Comptes-tu faire évoluer ta musique avec de nouvelles sonorités, ambiances ?
Antoine. Bien sûr ! Un EP, Discours Sur Le Colonialisme De Césaire, est déjà entièrement composé et enregistré. Il y a beaucoup de nouveaux éléments. Paysage 2 est bien entamé, lui aussi. Je compte faire constamment évoluer ma musique, tenter de nouvelles choses dans l’ambiant, le Hip-Hop, ou encore le Jazz. Quelques personnes ont été un peu déçues de l’évolution entre le split avec ATRABILIS - où je pratiquais du Metal plus classique - et ce Paysage. Octobre. . Eh bien ce sera sûrement la même chose avec les prochains disques. Je me vois un peu évoluer à la façon d’un ULVER : une identité qui revêt une forme différente sur chaque disque, sans s’enfermer dans un style, une ambiance, une émotion ou un concept. Tout cela en gardant, bien sûr, une cohérence.
MI. Où en es-tu dans ta recherche de label, as-tu eu quelques réponses prometteuses pour l’instant ?
Antoine. Oui ! La sortie du disque est pour la fin de l’année sur Ogmios Underground à 100 exemplaires.
MI. Sur ta page Bandcamp, où l’on peut télécharger ton album, tu dis "la musique est gratuite". Peux-tu nous en dire plus sur cette opinion ?
Antoine. Je ne vois pas pourquoi je devrais vendre ma musique. Elle est avant tout un partage, et l’argent ne doit pas être une barrière entre l’auditeur et moi. Je propose donc volontairement ma musique en téléchargement gratuit. L’argent envoyé via la fonction "name your price" de Bandcamp sera utilisé pour financer les prochaines sorties.
Pour l’objet physique, par contre, c’est différent, car il y a des frais de production, d’envoi, de promotion, etc… Je laisse le label gérer cela. Mais globalement, je trouve qu’un CD vendu au-dessus de 12€, c’est vraiment très cher. Quand on sait que pour le split avec ATRABILIS, chaque copie coûtait à peine plus d’1€... nous l’avons vendu 3€.
MI. Vu que tu es seul dans ce projet, les chances que tu montes sur scène sont quasiment nulles, non ?
Antoine. Ce n’est pas impossible que ça se fasse un jour, si je trouve les personnes adéquates.
MI. D’ailleurs, ÉCHANCRURE est-il ton seul projet musical à l’heure actuelle ?
Antoine. Ah ah, non ! J’en ai une chiée ! ÉCHANCRURE et GALVAUDER (http://galvauder.bandcamp.com) ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Je n’en dis pas plus ; c’est pour dans quelques mois !
MI. Qu’en est-il de tes goûts musicaux ? Quels sont les artistes qui tournent généralement dans ta playlist ?
Antoine. J’apprécie les groupes qui sortent de l’ordinaire, quel que soit le genre. En ce moment, j’écoute beaucoup les derniers COMITY et BLUT AUS NORD, et ai découvert deux artistes talentueux de la scène Rock/Hip-Hop française : DIABOLOGUM et NONSTOP. J’écoute aussi pas mal Coltrane, Davis, ces derniers jours. Et puis, A.N.T.I. de DIAPSIQUIR, dont je ne me remets pas.
MI. Pourrais-tu faire un petit bilan de 2011 et nous dire les albums qui t’ont marqué et déçu ? As-tu des attentes particulières pour 2012 ?
Antoine. Finalement, j’ai un peu répondu à cette question dans la précédente ! Mis à part ceux que j’ai déjà cités, j’ai aussi été déçu par SEPTICFLESH et laissé perplexe par CELESTE. M’ont par contre impressionné les derniers ZONE LIBRE, EQUUS, KAUAN, PSYKICK LYRIKAH, et ULCERATE. Pour 2012, espérons un nouveau disque de chacun des groupes précédents ! Et les concerts de DIAPSIQUIR !
MI. Eh bien, merci d’avoir participé à cette interview. Si tu souhaites rajouter quelques détails sur un sujet que je n’ai pas abordé, tu as le champ libre. Je te souhaite donc une bonne continuation dans ton cheminement musical, et j’espère entendre à nouveau parler de toi très bientôt !
Antoine. Un grand merci à toi et Metal Impact !
Ajouté : Jeudi 19 Janvier 2012 Intervieweur : CyberIF. Lien en relation: Echancrure Website Hits: 10516
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