AMOK sort tout juste de l’underground suisse avec ce premier CD qui fait suite à deux précédents minis. Encore du Death Brutal me direz-vous, comme tant d’autres groupes… Et bien non ! Pour une fois un groupe novateur se cache derrière un nom de style commun, ça change ! Tout ce qu’on peut dire c’est qu’on nage dans l’extrême, le torturé. L’artwork emprunt de figures antiques grecques et le titre de Lullabies Of Silence ne laissaient pas présager un tel carnage. Assez patienté, voici quelques références pour situer cette formation étrange. Disons qu’un jour GORGUTS a rencontré NECROPHAGIST, et que ION DISSONANCE n’était pas loin. Le résultat est un Metal décérébrant, dissonant à l’extrême, où les structures et les riffs sont systématiques démolis. J’irais même à parler d’anti-musique, rien ne peut s’apparenter à une mélodie, un pattern, on dirait une juxtaposition de sons, toujours disharmonieux, emprunts de Metal et de Jazz. Autant dire que les quatre musiciens jouent de leur instrument à l’excellence. Comment peut-on survivre à un chaos pareil ? AMOK repousse les limites de la musique. GORGUTS avait la caractéristique de jouer très dissonant mais à des tempi abordables, ce qui n’est pas le cas ici, tout est extrêmement rapide.
Les paroles ne sont pas en reste. Malgré ses influences Grind (genre CEPHALIC CARNAGE), AMOK ne verse pas dans la mutilation et les pathologies courantes comme la nécrophilie, torture et autres réjouissances. Les métaphores complexes induisent des thèmes sombres, la mort et la folie surtout, mais il est difficile d’en extraire une ligne directrice, un message. Chacun trouvera son propre chemin dans l’univers de Lullabies Of Silence. « Jail In Mind » reste la chanson la plus abordable, on peut identifier facilement un refrain, même si la musique est relativement tordue. « Shattered Honor » est très jazzy dans l’âme, et bizarrement superposée à une batterie résolument Grind. On ne sait jamais où donner de la tête, et écouter d’une traite cet album s’apparente à reconstruire la muraille de Chine. ATHEIST est certainement un groupe affectionné par AMOK, en témoigne l’intro de « Lady Addiction ». Dans l’ensemble la production de l’album tient la route, réalisant un compromis plus qu’acceptable entre discernement et puissance.
Voilà une singulière et brillante découverte, un pionner. Avantages et inconvénients se regroupent : très peu de personnes pourront aimer AMOK, c’est une musique très élitiste. Les chansons ne sont pas un divertissement, une distraction, les suisses réclament une écoute active. Tous les fans d’Extrême qui ont l’impression de tourner en rond avec d’autres groupes trop prévisibles seront ravis d’être surpris par AMOK. Les autres maudiront ces sons inaudibles qui n’ont apparemment aucun sens.