HAWKWIND : La Saga (2013)
Auteur : Carol Clerk
Traduction : Patrick Cazengler
Langue : Français
Parution : 18 mars 2013
Maison d'édition d'origine : Omnibus Press
Maison d'édition Française : Camion Blanc
Nombre de pages : 790
Genre : Biographie
Dimension : 15 x 21 cm
ISBN-10 : 2357792418
ISBN-13 : 9782357792418
Difficile de résumer la carrière d'une entité aussi protéiforme qu'HAWKWIND... Pionniers et quasi-inventeurs du Space Rock, leur parcours fut aussi chaotique que certains de leurs morceaux, aussi agité que la plupart de leurs performances scéniques, et aussi erratique parfois que les relations internes de ses membres.
Fondé en Angleterre à la fin des années 60 par Dave Brock et Mick Slattery (vite remplacé par Huw Lloyd-Langton), HAWKWIND aura traversé les époques, modulé son style, produit des albums fantastiques et d'autres anecdotiques, développé des projets et collaborations parallèles, dans la plus grande tradition des ensembles musicaux communautaires de la fin de l'ère hippie. Un peu à la manière de la scène Grind de 86/89, leur arbre généalogique ressemble à une immense forêt touffue et quasi impénétrable, mais ne nous leurrons pas, seuls quelques noms symbolisent vraiment le groupe dans la logique et la pertinence de sa démarche.
Outre Dave Brock, on retiendra pour l'histoire la participation active et conséquente de Nik Turner, trublion/barde génial et saxophoniste impétueux, Robert Calvert, chanteur et parolier fantasque, sorte de Peter Gabriel sous acides, Simon King, batteur inventif et impulsif, Huw Lloyd-Langton, guitariste fidèle, Barney Bubbles pour son iconographie aussi cruciale que celle de Raymond Pettibon pour BLACK FLAG, et nous mettrons en exergue deux figures de proue, Michael Moorcock pour son inspiration littéraire et ses participations vocales, et bien sur Ian Fraser "Lemmy" Kilmister, bassiste fondamental - et interprète du seul vrai "hit" du groupe, l'impérissable "Silver Machine" - qui par la suite fondera MOTÖRHEAD avec le succès que l'on sait.
Camion Blanc nous propose donc aujourd'hui la traduction de l'ouvrage complet de Carol Clerk, journaliste au Melody Maker (paru en 2004 chez Omnibus Press), sorti d'ailleurs presque en même temps que le livre Sonic Assassins de Ian Abrahams. Mais contrairement à son confrère, Clerk se concentre plus sur l'aspect "humain" de l'aventure, et force est de reconnaître que le but est largement atteint, à tel point que tout au long de ces 790 pages, nous avons vraiment l'impression de suivre l'aventure de l'intérieur, complètement immergés dans la vie et l'art de ces hommes/femmes hors normes, refusant les conventions. Et c'est sans doute la seule manière viable d'appréhender cette histoire unique, tant les rapports entre les musiciens furent souvent la clef de leur passé/avenir.
La partie la plus conséquente en termes artistiques est sans conteste celle qui traite de la première époque de la carrière du groupe, de sa naissance à son apogée dans les années 70. Une poignée d'années durant laquelle HAWKWIND va accoucher de ses œuvres les plus ambitieuses, avec en point d'orgue la sortie de son chef d'œuvre, Doremi Fasol Latido (encore reconnu de nos jours comme un des albums essentiels de cette décennie), et la signature sur une major (United Artists). Considéré par beaucoup de fans comme la période la plus prolifique et magique du combo, c'est aussi celle à laquelle participera le line-up le plus culte du combo, avec Dave, Lemmy, Nik, Simon King, Dik Mik, Del Dettmar et Robert Calvert, auxquels s'adjoindront les talents de danseuse topless (sur scène) de la plantureuse Stacia, qui n'aurait pas dépareillé au casting d'un film de Russ Meyer.
Mais d'autres épisodes valent aussi leur pesant de cacahuètes (spatiales bien sur), comme la brève figuration du légendaire Ginger Baker derrière les fûts, au début des années 80, complètement à la masse et boursouflé d'Ego, les mésaventures de certains musiciens un peu moins "carrés" que la moyenne qui obligeaient le groupe à voyager dans deux voitures différentes (celle qui partait tôt et celle qui suivait... Quelques heures plus tard !), les concepts allumés donnant lieu à des performances scéniques tenant plus du happening que du concert normal, mais surtout, les relations entre les musiciens eux-mêmes, ne sachant pas toujours très bien sur quel pied danser quant à leur importance au sein du gang.
En laissant très souvent la parole aux principaux acteurs de cette saga, Carol Clerk a fait le bon choix. Ces témoignages de première source se veulent en effet directs, sans ambages, et la confrontation écrite de versions contradictoires produit parfois un effet de confusion totale, qui colle parfaitement à l'esprit du groupe, prompt à l'improvisation et l'expérimentation depuis ses débuts. Ces joutes verbales indirectes donnent parfois le tournis, souvent le sourire, et l'aventure prend des allures de joyeuse farandole irrésistible qu'on aurait bien aimé tester en direct. Aussi addictif qu'un acide léger gobé dans un bon état d'esprit, ce livre est un bien bel hommage à un groupe définitivement à part, sorte de pendant free à l'école formelle de Canterbury.
Et si le maître d'œuvre global reste sans conteste le pragmatique Dave Brock, toujours admiré par ses anciens pairs (avec quelques griefs cependant), celui ci apparaît sans fard, avec toutes ses contradictions, son ambition, son sens de l'humour si particulier, et ses fréquents oublis lorsque la situation explicative devient délicate. Peu amène à la compassion, il a dirigé "son" groupe d'une main de fer, excluant les trublions gênant l'expansion de sa créativité, risquant d'entacher sa crédibilité, et se retrouve au final, en 2013, seul membre originel d'HAWKWIND.
Cette édition augmentée recoupe ainsi des heures d'interview avec Dave Brock, Nik Turner et Douglas Smith (manager), qui se taillent la part du lion et s'affrontent parfois de la même façon, mais propose aussi des interventions régulières et pertinentes d'acteurs de premier plan comme Dave Anderson, Harvey Bainbridge, Tim Blake, Richard Chadwick, Thomas Crimble, Alan Davey, Del Dettmar, Martin Griffin, Simon House, Lemmy, Huw Lloyd-Langton, Terry Ollis, Jerry Richards, Adrian Shaw, Mick Slattery, Steve Swindells, Danny Thompson, Ron Tree, Kris Tait et Marion Lloyd-Langton, mais aussi d'intervenants extérieurs, tels Tony Crerar, Samantha Fox, Frenchy Gloder (Flicknife), Mike Heath (agent de Barney Bubbles), Chris Hewitt, Lin Lorien (ami du groupe et figure de la scène des festivals gratuits), Scouse (Wango Riley), Jiana Skinner (mère d'Aten, le fils de Barney Bubbles), Margaret Tait (mère de Kris), Twink ou Matthew Wright.
Agrémenté de quelques photos, dans la grande tradition (dont un superbe cliché de Stacia sur scène...), Hawkwind, La Saga est un ouvrage indispensable à tout freak qui se respecte, sous peine de passer à côté d'une des légendes les plus atypiques de la musique contemporaine anglaise. Non seulement à cause de l'importance du groupe en terme de créativité (leur influence s'étend d'Al Jourgensen à Henri Rollins en passant par les SEX PISTOLS), et il suffit pour ça de découvrir dans ce livre ce qu'on pu dire du groupe des artistes aussi définitifs que Animal (ANTI-NOWHERE LEAGUE), J.J Burnel (STRANGLERS), Penny Rimbaud (CRASS), Rat Scabies (THE DAMNED), ou Jez Willis (UTAH SAINTS), mais aussi en terme de gestion de carrière et de liberté individuelle/collective, sans doute le plus représentatif d'une époque aujourd'hui bien révolue, et difficilement concevable de nos jours.
Un livre de passionné pour passionnés, qui offre une tribune à quasiment toutes les voix, et qui saura attirer l'attention de ceux qui comme moi, ne sont pas à la base des fans de HAWKWIND.
Ajouté : Jeudi 13 Mars 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Camion Blanc Website Hits: 39052
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