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STEVE LUKATHER (FRA) - Steve Lukather (Oct-2010)


Rencontrer un musicien de légende n’est jamais chose aisée. Surtout lorsqu’on connaît sa discographie sur le bout des ongles. Et surtout lorsqu’il a fait partie d’un des plus grands groupes des années 80, dont les albums ont bercé votre jeunesse. L’attitude est donc un mélange d’intimidation, de révérence, d’hésitation devant la vacuité éventuelle de ses propres questions, et de crainte en apprenant qu’on est le dernier journaliste à l’interviewer après un marathon de promotion de 48 heures. Et puis finalement, on s’asseoit face à lui, on se lance, et cet instant marketing devient un moment d’émotion, se retrouvant face aux blessures personnelles d’un homme plongé en plein désarroi, en pleine tragédie, des trémolos dans la voix. Au-delà de son talent incommensurable, au-delà de son CV long comme un mois sans pain, Steve Lukather est un être humain comme les autres, qui souffre, mais qui continue sa route parce que la musique est sa seule catharsis. Des mots d’un écorché vif qui n’en veut pas à la vie, et qui, à travers son dernier album au titre diablement révélateur, All’s Well That Ends Well, a tenté de panser ses blessures.

Line-up
: Steve Lukather (guitare, chant)

Discographie : Lukather (CBS, 1989); Candyman (Columbia, 1994); Luke (Columbia, 1997); No Substitutions (With Larry Carlton) (Favored Nations, 2001); Santamental (Ulftone Music, 2003); Ever Changing Times (Ride Records Intl, 2008); All’s Well That Ends Well (Mascot Records, 2010)



Metal-Impact. Salut Steve, heureux de te rencontrer, Parlons de ton dernier album All's Well That Ends Well, Peux tu nous en dire davantage sur l’enregistrement, le processus de composition… ?
Steve Lukather. Hé bien, c’est un disque très très personnel vous voyez, mon âme est concentrée dans la musique, comme n’importe quelle autre personne, j’ai perdu ma mère, j’ai perdu des proches, j’ai perdu des amis, j’ai été confronté à ma propre mortalité, je vais bientôt être père à nouveau, même si je ne suis pas marié...C’est tellement compliqué…On essaie d’arrêter de fumer, de courir, on essaie de manger sain. …Toutes ces années… C’est comme si Dieu m’avait stoppé pour ne plus que je me fasse du mal, ça fait peur, j’ai peur, et j’ai trouvé l’aide dont j’avais besoin dans la musique.
La chose importante, c’est l’artiste, c’est le fait que je me construise en tant qu’artiste et cela a allégé mon fardeau, les choses douloureuses …ça a aidé au retour à la normale, et puis voilà, en tournée pour les 2 prochaines années.
Donc, j’ai pris tout ça très au sérieux, c’est pas comme si j’étais allé en boîte, fricoter avec plein de filles, boire plein d’alcool et faire la fête pour ensuite me rendre dans une autre boîte et recommencer, le genre de choses que je faisais quand j’étais jeune, maintenant, je vois que c’est glauque et pitoyable…

MI. Il semble qu’il n’y ait plus rien à célébrer dans ce monde, est-ce ce genre d’idées qui t’a poussé à faire cet album ?
Steve. La musique est une thérapie, comme les gens le disent...là, je suis encore affecté, j’ai le blues, j’ai perdu beaucoup de personnes auxquelles je tenais ces dernières années, j’ai perdu de l’amour…C’est douloureux…et cette douleur, avec la musique, quand je joue de la guitare, elle se retire…ça m’aide, ça aide mon âme, ça me fortifie.

MI. Nous avons évoqué de mauvais moments et tu dis sur ton site officiel que cet album est très personnel, en ce qui concerne la musique, tu en as parlé, est-ce plus facile pour toi de te confier avec ta guitare ou avec tes mots ?
Steve. Quand j’étais jeune, la partie musique ça a toujours été mon truc et la plupart du temps on se disait, bon, on va trouver des paroles à mettre dessus et on espérait que ça ferait bien.
Mais à présent, chaque mot contient mon cœur et mon âme, donc c’est fifty-fifty, et la partie guitare est quasiment l’écho de ce que contiennent les paroles et inversement, et tout dépend de mon état d’esprit du moment, car pendant la création de cet album, mon mariage a éclaté, ma vie s’est écroulée et le lendemain, ma mère est morte sur le canapé, et les choses sont allées de mal en pis….Et donc, « All's Well That Ends Well » (tout est bien qui finit bien) signifie justement que quand c’est la merde, on passe par tout un tas d’étapes, c’est un vrai processus et au final, on s’en sort, on arrive à être à nouveau heureux et à sourire, donc il faut essayer de garder espoir, essayer d’être positif dès à présent .
Aujourd’hui, c’est dur, ce sont de mauvais moments, j’ai changé de maison et aujourd’hui je doit retourner là où j’ai vécu et ça va faire sacrément bizarre, ça va être dur…mais je ne suis pas seul dans ce processus (des sanglots dans la voix).

MI. Je te souhaite que tout aille pour le mieux à l’avenir...
Steve. Je vais faire de mon mieux, suivre le chemin que Dieu m’a tracé et juste jouer ma musique. Je sais que tout a un but, j’ai déjà ressenti cela avant, ça a fait mal mais c’est passé, je dois être pleinement convaincu dans mon cœur que je vais aller mieux, je ne sais pas pourquoi mais, à présent je ne bois plus, et je ressens les choses à 100% et je mets tout ça dans ma musique, je le joue et je l’enregistre.

MI. J’apprécie d’autant plus cet entretien maintenant que je sais ce par quoi tu es passé, ce n’est pas habituel dans la profession. Merci beaucoup. En parlant de musique, quelles sont les différences principales entre ce dernier album et Ever Changing Times ton dernier album solo musicalement parlant ?
Steve. Ever Changing Times est le dernier un peu dans l’esprit de TOTO, je l’ai fait parce que je savais que j’allais passer à autre chose, je savais que j’allais partir et je l’ai fait aussi pour respecter mon contrat, ça a été le début d’un nouveau cycle celui du « ok les gars, c’est pas un truc passager, c’est ma vie » , et je vais le faire non pas pour jouer dans les grande salles, je veux le faire sans être forcé de devenir « le gars à la télé », et sans devenir le gars qui fait des versions karaoké de TOTO, comme d’autres peuvent le faire, je veux rester intègre.

MI. J’ai lu sur la pochette qu’il y a des noms très célèbres parmi les gens ayant participé à ton album, notamment parmi les choristes !
Steve. Oui, des amis à moi, Phil Collen des DEF LEPPARD, il chante un ou deux trucs, c’était très marrant, ça a été mon voisin pendant 10 ans, je suis un grand fan de ce type, on a traîné dans le même studio avec les mêmes projets …Joseph Williams du groupe TOTO est venu également et mes enfants aussi sont dessus, on s’est bien amusé…

MI. All's Well That Ends Well (bafouillé) En fait, c’est dur à prononcer pour moi (rires)
Steve. Euh…Pourquoi ?
MI. Trop d’allitérations en « L » je pense !
Steve. Comme pour les japonais ! (il imite un japonais prononcer son nom) c’est vraiment marrant !

MI. Cet album est très rock, il n’y a que 2 ballades, « Don't Say It's Over » et « Watching The World », crois tu toujours au pouvoir du rock’n’roll en 2010 ?
Steve. Il y a toujours du rock’n’roll en 2010 mais il y a tellement de sous-genres qui sont plus ou moins aboutis, mais je ne sais pas, je joue ma musique mais je suis aussi le produit de ce que j’entends, cependant, je n’essaie pas d’être le gars qui sort particulièrement du lot dans ce genre,non, j’essaie juste de prendre les différents trucs, différents grooves, différents styles et j’essaie de créer mon propre truc, il y a une différence entre jouer de la musique et en écouter…

MI. Pourrais-tu expliquer comment tu arrives à créer de telles ballades si belles et si émouvantes ? Quel est ton secret ?
Steve. Je suis une personne hypersensible, je buvais beaucoup avant parce que j’avais peur de ça, toute ma famille est comme ça, on ressent les choses, ma sœur est médium, c’est son métier, ma grand-mère l’était aussi. J’exprime ce que je ressens maintenant, je n’hésite pas à en parler, les gens se bousillent en retenant tout à l’intérieur.

MI. Lors de mon mariage, la chanson de ma femme c’était « I Will Remember »
Steve. Non, c’est vrai ?? C’est super cool !
MI. Nous nous sommes séparés l’année dernière en fait…
Steve. Hier ?
MI. L’année dernière ?
Steve. Oh non !
MI. C’est la vie …
Steve. C’est dur !, Oui, c’est dur et ça dure, Je sais ce que c’est, c’est dur… ma femme quitte la maison aujourd’hui même , mon âme souffre, et elle attends un bébé….et j’ai aussi une petite fille de 3 ans et je ne suis ni ne serai là pour protéger mon bébé…Je vais dire quelque chose d’horrible, peut être est-ce mieux que je ne sois pas là mais je l’aime beaucoup…sa famille me déteste, mes grands enfants ne l’aiment pas… Je comprends vraiment mais Seigneur, faites que ces cris et tout cela cesse, je n’en peux plus. On va devoir rester solidaire pour élever cet enfant… Dieu merci elle déménage en bas de la rue, mais quand je vais rentrer à la maison, les enfants seront loin… je suis tellement souvent parti... Qu’auront il appris de moi ? Et puis là quand mes enfants seront au lycée j’aurai 75 putain d’années… Fait chier !

MI. …Ok…Parlons de choses plus gaies peut-être… Changeons-nous un peu les idées, je sais que c’est très dur mais on va essayer…
Steve. Tous les êtres humains passent par là, c’est une question d’amour, on l’a, on le perd, on l’a à nouveau, c’est pour cela que les gens composent des chansons d’amour, écrivent des livres, font des films, l’amour, toujours l’amour.
C’est l’amour qui rend heureux, et quand ça ne va pas, j’ai l’impression que je ne pourrai plus jamais aimer quelqu’un, vous savez, même mon fils a essayé de me rencarder avec de sublimes mannequins (rires partagés) mais quand le cœur n’y est pas… que pouvais-je y faire…

MI. Ok, J’aimerais que nous parlions d’une de mes chansons préférées dans cet album « Brody’s », vraiment, je l’aime beaucoup, c’est une chanson très blues, mais n’envisages- tu pas parfois de faire un album plus Heavy Metal ?
Steve. J’ai beaucoup d’amis tels que Zakk Wylde, Slash, je joue avec eux, je peux le faire vraiment mais en tant qu’artiste…

MI. Tu n’es pas intéressé ?
Steve. Je ne sais pas si ça le ferai, je ne suis pas assez prêt pour ça, j’aime le Metal mais j’aime également les trucs très jazz un peu bizarre, j’ai bien aimé jouer les trucs de Rob Halford et Slash à Noël, j’étais à l’aise, mais je ne sais pas si le Metal voudrait de moi…Oh c’est le gars de TOTO…je ne suis pas assez Thrash, et je ne suis pas sûr d’être prêt pour ça, je suis trop jazz pour le rock, trop rock pour le jazz, j’ai fait des chansons pop, des chansons country, d’autres techno, toutes sortes de styles , je ne rentre pas dans une boîte que l’on peut poser sur l’étagère, je ne suis pas un musicien qu’on peut facilement ranger dans une catégorie…Un peu comme Jimmy Page, même s’il a partagé l’expérience LED ZEPPELIN, il peut jouer ce qu’il veut, tu vois…

MI. Vous avez joué par le passé un certain nombre de chansons très Hard, je pense notamment à « Only The Children »…
Steve. Oui, mais j’ai une vraie sensibilité Jazz. Je traîne avec des gars du Metal, ce sont mes amis comme je l’ai dit mais je me surnomme le gars « mellow » … mais, ce n’est pas qu’un truc de guitare, c’est tout un mode de vie… Nan mais c’est là vie, la plupart des musiciens m’aiment et me respectent, et ils ont tendance à être plus « gentils » avec moi alors que je prends de l’âge !! (Rires…)

MI. Je pense que tu peux jouer n’importe quoi de toute façon et rester toi-même...
Steve. J’essaie juste de rester moi-même en toute circonstance…

MI. Alors c’est réussi ! Nous parlions de jazz et pour moi, la dernière chanson est très jazz au niveau instrumental, de grands musiciens t’ont-ils sollicité pour faire du jazz avec toi ?
Steve. Tous les musiciens, y compris ceux de mon groupe, ceux avec lesquels j’ai enregistré des albums sont de grands musiciens.
J’aime considérer la musique comme un défi et les gens qui disent qu’il n’y a que 3 accords, c’est que des conneries, je leur dis qu’il y en a 3 millions des accords, il suffit de les trouver, au début les musiciens jouaient sur 5 accords et à la découverte du triton par les gars « mellow » ,cette histoire me fait rire,on pendait les gens au moyen âge pour l’usage de ce triton, ceux qui faisaient un do avec un fa dièse jouaient la musique du diable. Mais j’ai fait de très belles chansons en utilisant cet accord avec un fa dièse mineur et un ré ou un do à la basse, c’est un triton mais j’ai essayé d’en faire quelque chose de très mélodique…J’aime l’harmonie…Le Metal c’est un accord de quinte brut, ça peut être mélodique du point de vue de la voix mais en terme d’accord instrumental une quarte est plus « mellow » et j’aime ça…(Note du Traducteur : Père Blaise, à l’aide !!!)

MI. Ce que j’aime dans toutes tes chansons, c’est que, quel que soit le style, l’ensemble est terriblement mélodique, et je pense que c’est ta marque de fabrique, il n’y en a pas une sans superbe mélodie.
Steve. Je sais pas, j’aime les mélodies, j’aime que lorsqu’on écoute, on se dise : « Ah !c’est magnifique ! », ça me touche, ça me donne des frissons, j’aime que l’on ne dise pas seulement que c’est jazzy…

MI. En tant que musicien, en ce qui concerne les nouvelles technologies, que penses tu d’Internet en temps que media et es tu foncièrement opposé à l’idée de télécharger gratuitement la musique ?
Steve. Vous voyez, mon album est sorti à Los Angeles et sur Internet, j’ai eu 20 000 téléchargements en une heure…c’est comme se rendre dans un magasin et remplir son panier et sortir sans payer… « Vous devez payer ! Hé bien vous ne payer pas mon travail, pourquoi devrais-je payer pour votre magasin ? ».
Je dois nourrir 7 personnes, payer mes factures, donner une partie de mon argent au gouvernement et vous trouvez normal de voler mon travail ?
Je suis très présent pour mon réseau social virtuel, je réponds à mes fans sur Facebook qui sont de plus en plus nombreux chaque semaine, je leur donne des infos, je disperse les rumeurs, je fais la promotion de mes spectacles et mes concerts. A présent, devrais-je me réjouir de ces 30 mille copies qui de toute façon ne sont pas de qualité parfaite ? Ce sont des formats Mp3 et ça ne vaut pas la qualité de vrais musiciens avec une vraie production et on ne peut pas se rendre compte de cela avec un simple ordinateur portable.
En ce qui concerne Internet, il y a du bon et du mauvais, c’est un média incroyable, l’accès à l’information c’est fantastique, communiquer avec les gens c’est fantastique, et puis il y a les choses que l’on ne peut empêcher les spams, les gens qui vous disent « Ta gueule, t’es le plus pourri,je te déteste ».
Je pense que l’on a perdu le contrôle depuis un moment, Les choses auraient pu s’arranger mais l’avidité des grandes maisons de disque a tout foutu en l’air, et nous artistes, on ne nous a pas demandé notre avis ! Les gars en costumes nous ont envoyé nous faire voir, et maintenant où va –t-on ?
On va reprendre à nouveau le contrôle, parce que une fois que vous avez téléchargé la pub gratuitement,, si il y a des milliards de dollars à se faire, ces fils de pute, Ils ne nous donnent pas notre dû…on va trouver un moyen d’arranger ça.
Nous les musiciens, on est en première ligne, mais ça va s’arranger, ça a été exactement la même chose pour les partitions au départ, les gens pouvaient jouer n’importe quel musique qu’un artiste avait composé, et puis on a trouvé une solution.
C’est toute la technologie qui doit être arrangée, mais cela le sera d’ici 10 ans, pas pour l’instant, tout est pourri, toutes les entreprises, le monde des affaires, tout le monde et partout…on vit vraiment des heures très intéressantes ! (Rires).

MI. Sur ton site, il y a les titres de quelques albums et de quelques chansons sur lesquels tu es intervenu en tant que musicien, c’est assez impressionnant, ça tient sur 10 pages, comment choisis tu les artistes avec lesquels tu joues ?
Steve. Ce sont eux qui me choisissent !!

MI. En fait tu es comme une femme, tu attends les propositions ??
Steve. Si une de vos chansons est un hit, il pensent que vous avez participé à ce succès, ils aiment votre créativité, ce que vous avez apporté au morceau, votre énergie, vos ondes, votre flamme, la magie en vous, et puis vous vous mettez sur la même longueur d’onde qu’eux et vous gagnez une bonne réputation…mais je ne sais pas, c’est comme ça, les choses se font, c’est fou !
Mais je vais à mon rythme, je ne compte pas les personnes avec lesquelles j’ai travaillé, quelque soit le style, c’est toujours la même histoire, je m’en tire bien à chaque fois (rires) …Mais, ce qui importe pour moi, c’est la musique et les musicien et le processus de création, et c’est ce qui me rend légitime, c’est mon histoire.

MI. Ok, Merci Steve, un dernier mot peut être pour tes fans français , la France étant la 2nde patrie de Steve Lukather en quelque sorte !
Steve. Juste merci pour ces 33 dernières années d’amour, et voici le début des 33 suivantes, en 2011, je reviendrai, je serai là en personne. Je vous aime. Soyez Heureux, Dieu vous bénisse, et merci.


Ajouté :  Jeudi 18 Novembre 2010
Intervieweur :  Mortne2001
Lien en relation:  Steve Lukather Website
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