RATOS DE PORAO (br) - Anarkophobia (1990)
Label : Estúdio Eldorado
Sortie du Scud : 1990
Pays : Brésil
Genre : Crossover
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 36 Mins
Au début des années 90, quand on aimait le Metal exotique, c'était le parcours du combattant pour découvrir de nouveaux sons. On envoyait un courrier et un chèque à un lointain label étranger et si l'on était chanceux, on recevait plusieurs semaines plus tard une galette enregistrée sur un cd cristal de piètre qualité. Il était emballé dans un artwork photocopié et agrafé qui tenait lieu de pochette. C'est à la première écoute qu'on découvrait la musique tant attendue. Car vous vous doutez bien que cette musique ne passait sur aucune radio française et leurs clips, quand ils en avaient enregistré un, n'était diffusé ni sur MTV, ni même à 3 heures du matin dans "Boulevard des clips".
De nos jours, les choses ont bien changé et l'on a gagné en accessibilité ce qu'on a perdu en surprise. Si je vous parle aujourd'hui de Anarkophobia, un disque qui souffle ses 25 bougies cette année, vous n'avez qu'à cliquer sur le lien Deezer de la chronique pour entendre le son dont il est question. Il est cependant possible que vous ayez eu accès à la musique toxique de RATOS DE PORAO (RxDxPx) chez votre disquaire préféré car en 1990, le combo existe déjà depuis dix ans et il est distribué par Roadrunner Records, ce qui a grandement contribué à la diffusion du groupe hors de son pays d'origine. Fondé en novembre 1981 à Sao Paulo, RATOS DE PORAO (les rats de cave en français) est un quatuor de Hardcore dont le line-up actif pour l'enregistrement de Anarkophobia est composé de João Gordo (João Francisco Benedan) au chant, Jão (João Carlos Molina Esteves), Jabá (Jarbas Alves) à la basse et Spaghetti (Nelson Evangelista Jr.). S'il y a eu un petit peu de turnover à la rythmique, le guitariste et le chanteur sont présents dans la formation depuis sa genèse et encore aujourd'hui. Initialement orienté Hardcore, RxDxPx évolue à partir de 1985 vers le Crossover Thrash puis revient au Hardcore au début des années 2000.
Malgré son âge vénérable (pour un album de Metal, s'entend), Anarkophobia n'a pas pris une ride et son Crossover Thrash est aussi actuel au niveau de sa musique que (malheureusement) de ses lyrics. Car c'est bien d'un Hardcore engagé et vindicatif, enluminé par une musique riche et inspirée qu'il est ici question. Même si vous n'entravez rien au portugais, il ne faut pas être devin pour comprendre de quoi on cause. Vous en aurez un premier indice avec le titre bien sûr, mais aussi son artwork. Il représente un politicien corrompu (pléonasme) attaché au fonds d'une cave où il a été un petit peu molesté. L'homme ouvre d'immenses yeux terrorisés en voyant s'approcher un fer chauffé à blanc qui va le marquer du A symbolisant l'anarchie. C'est simple et direct comme viennent le confirmer les titres des dix brûlots qui le composent : "Contando Os Mortos" (compter les morts), "Morte Ao Rei" (mort au roi), "Ascenção e Queda" (l'ascension et la chute), "Mad Society", "Ódio 3" (la haine).
Oui, il est bel est bien question des maux qui rongent la société brésilienne et par extension nos belles démocraties modernes : corruption, violence, mort, misère, haine, perte de repères... La liste est aussi longue que déprimante, tout comme l'est le sentiment, pour l'auditeur de 2016 que malgré les alertes et les sonnettes d'alarme, nos élites dirigeantes n'ont pas trouvé les moyens de nous projeter dans un monde meilleur.
Le disque est initialement sorti en deux versions. L'une pour le marché lusophone et l'autre pour le reste du monde. En effet, Roadrunner avait demandé aux brésiliens d'enregistrer son disque en portugais et en anglais. Mais ce qu'on gagne en compréhension avec la version anglaise, on le perd en rythme et en puissance, RxDxPx n'étant vraiment à l'aise que quand il chante dans sa langue. Le portugais avec ses intonations rondes et chaudes et cette manière si particulière de rouler certaines syllabes donne à la musique un accent et un charme particuliers. Un peu d'exotisme, peut-être. Une marque d'authenticité essentielle à la personnalité du groupe.
Musicalement, Anarkophobia poursuit la transition du Hardcore vers le Crossover entamée en 1985 avec Cada Dia Mais Sujo e Agressivo. Considéré comme l'opus le plus Metal du combo, Anarkophobia se distingue par des mélodies plus complexes, des chansons plus longues avec des parties instrumentales étoffées et plus techniques, le tout étant rehaussé par une production plus léchée que pour le Hardcore old-school des débuts.
Ne vous méprenez pas sur la marchandise, avec ses dix chansons et 38 minutes, Anarkophobia n'a pas grand-chose à voir avec un thé chez la comtesse de Médeuz. C'est du Hardcore qui donne envie de se bouger le cul, auquel une musique d'inspiration Thrash donne une armature et une profondeur appréciable. C'est méchant, direct, puissant, dynamique, un peu bas du front parfois, mais ça se déguste aussi facilement qu'un mètre de tequila, avec un effet retour au moins aussi puissant.
Ajouté : Jeudi 22 Septembre 2016 Chroniqueur : Rivax Score : Lien en relation: Ratos De Porao Website Hits: 7660
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