"ORANSSI PAZUZU est un groupe qui mélange habilement le Black Metal au Rock Psychédélique"… pfff. Je crois que j'ai atteint ma limite ce qui concerne les mélanges improbables et les sous-courants musicaux fantaisistes. Il ne se passe pas une semaine sans une nouvelle invention fumeuse que la première écoute révèle que cette proposition, bien loin de réinventer le Metal, se contente de surfer sur la tendance en piochant ici et là des éléments qui fonctionnent chez les autres en espérant que le cocktail détonnant saura séduire nos oreilles blasées. C'est bien souvent tout le contraire qui se produit, l'infâme gloubiboulga n'arrivant pas à la cheville des recettes originales dont il s'inspire maladroitement. Quand ils ont inventé le Black Metal, les groupes fondateurs ne s'interrogeaient pas sur le nom qu'ils allaient donner à leur musique. Et il n'est pas forcément judicieux de révéler les secrets de fabrication car, comme le dit si bien Pierrick Valence (PHAZM) "Quand t'écoutes ce genre de musique là, tu ne penses pas à un mec avec sa guitare, en train de se brancher dans un ampli, de mettre un micro devant et d'enregistrer avec, tu vois ? T'es connecté à quelque chose de beaucoup plus spirituel, tu mentalises."
Ceci étant admis, peu importe en effet de savoir comment une formation arrive à nous projeter dans un voyage au pays de ses névroses.

C'est sous ces auspices que je découvre que malgré son étiquette encombrante, le quatrième opus de ORANSSI PAZUZU, Värähtelijä est un pur joyau dont l'atmosphère ne se traduit pas uniquement par la formule "Black Psychédélique". Le projet nous perd dans un univers sonore halluciné et on a vite fait d'arrêter de se demander d'où viennent les sons. Bruitages organiques et aqueux, envolée de violons, transes Electro, cris inhumain et fonds sonore protéiformes nous entraînent dans un périple musical bourré de feeling et d'émotion. Car à l'instar de son illustration de couverture représentant, selon l'angle et l'attention, l'ouverture d'une grotte vue depuis le fonds de celle-ci ou un spot éblouissant luisant au travers d'une chevelure noire, Värähtelijä est bourré de chausse-trappes pour les sens et incite à l'abandon de toute réflexion au profit d'une immersion paresseuse.

Voilà qu'en seulement huit ans de carrière, le quintet finnois arrive à sortir l'album parfait. ORANSSI PAZUZU est formé en 2007 en Finlande par un quintet constitué de Ontto (Basse), Krojak (Batterie), Moit (Guitare), Evil (Claviers / Percussions) et Jun-His (Guitare / Chant). Oranssi Pazuzu choisi la voix du psychédélisme autant dans l’approche musicale expérimentale que dans les paroles qui parlent de la relation entre l’homme et l’univers. Cette démarche est insufflée par le leader et fondateur du projet, Jun-His, ancien membre du groupe de Space Rock, KUOLLEET INTIAANIT. Les travaux d'ORANSSI PAZUZU sont souvent décrits comme la version Black Metal de la musique de KUOLLEET INTIAANIT. La formation n’est en tout cas pas en manque d’inspiration car elle a publié quatre albums et un split entre 2009 et 2016. On peut suivre la progression des albums comme un parcours initiatique. Deux premiers opus très Black Metal avec beaucoup de chants, un troisième essai invitant beaucoup de sonorités Electro et Indus pour un résultat quelque peu déroutant. Enfin, un quatrième album qui arrive à un point d'équilibre bluffant où le chant démoniaque et douloureux est toujours bien présent, mais sans s'imposer ni écraser les compos, comme un élément parmi d'autres dans des morceaux qui prennent leur temps pour poser des ambiances. Le disque d'un peu plus d'une heure pour sept pistes se déguste et on ne s'ennuie jamais tant la variété est au rendez-vous.

Est-ce la fin du voyage, le parcours initiatique de ORANSSI PAZUZU a-t-il abouti à une sonorité signature que le groupe reproduira dans d'autres projets ? Ou bien est-ce une étape avant de partir explorer d'autres contrées pour de nouvelles expériences musicales ? Cela, seul l'opus cinq nous le dira, mais en attendant, l'exploration de cet exceptionnel Värähtelijä a de quoi vous occuper pendant quelques soirées.