De ce côté de la folie.

Quel titre étrange pour un groupe aux sonorités douces et mélodiques... Serait-ce faire preuve de folie que de préférer le romantisme et la mélodie à la violence ? A notre époque, c'est effectivement une théorie concevable, mais il n'empêche que ce second album des argentins d'ARKADIA ne porte aucune autre trace de folie que celle de croire en une musique simple, traditionnelle, à la lisière du Classic Rock et de l'AOR le plus soft.
Soft, ce second LP l'est. Prenez vos précautions, car ce jeune quatuor appréhende la musique sous son aspect le plus abordable, semblant même par instants s'éloigner complètement du Hard Rock pour développer un Pop Rock certes précieux, mais surtout très doux...
Depuis sa création en 2008, le groupe a connu de nombreux changements de formation, avant de se stabiliser pour donner une suite à leur EP Mascaras, sorti l'année dernière.
Musicalement, les choses n'ont à l'opposé pas vraiment évolué, puisque nous nous situons une fois de plus dans un créneau Hard Rock mélodique, ou Rock puissant et harmonieux selon votre humeur, efficace, concis et traditionnel dans l'approche.

Qu'est ce qui peut donc différencier les argentins de la scène Hard/AOR mondiale ? Peut être une légère touche alternative dans leurs compositions, qui utilisent tout autant les codes du Rock middle of the road que les riffs typiques de la scène Indie/grungy des années 90.
Certes, l'originalité n'est pas de mise. Este Lado De La Locura est un LP classique et formel, mais très bien joué et non dénué d'un certain charme un peu désuet. A son écoute, beaucoup de références viennent à l'esprit, notamment celle du BON JOVI le plus tardif, pour cette façon d'accommoder le Rock mainstream et le Rock pêchu sans faire de grand écart.
Individuellement, les instrumentistes sont capables, sans faire preuve de beaucoup d'audace. Les riffs sont souvent noyés dans le mix et les soli discrets, et à la limite, la seule performance notable reste celle du vocaliste Facundo Briata, dont la voix claire et gorgée de feeling surnage sans effort.

Le chant en espagnol fait souffler un léger vent exotique sur l'ensemble, et sans égaler la puissance des HEROES DEL SILENCIO ni celle des KINGS OF LEON, ARKADIA sait parfois faire plus ou moins parler la poudre pour pondre de très bonnes chansons Rock Hard, à l'instar du plutôt énervé "Sin Decirme Adios", qui se laisse même aller à une intervention en solo plutôt brillante, même si un peu courte.
Sans tomber dans le Soft Rock de Bryan Adams ou Richard Marx, il faut reconnaître que les attaques des argentins restent modérées, même si de temps à autres ils semblent puiser au fond d'eux mêmes un surcroît d'énergie pour essayer de convaincre, comme le démontre l'efficace "Perro Viejo".

Un peu d'orgue de ci de là, une rythmique sage mais qui se laisse aller à quelques percussions, le tout au service d'harmonies assez formatées, le style peut séduire, même si l'on sent à chaque sillon un manque de témérité qui finit par devenir crispant.
Certes, jouer une musique simple et accessible n'est pas un crime en soi, mais le groupe semble parfois le cul entre deux chaises, hésitant à lâcher la pression alors que certains morceaux auraient bien eu besoin d'un petit coup de boost.
Nonobstant ces quelques critiques, l'album n'est pas désagréable à écouter, même si cette dominante Pop Rock me fait me demander si Este Lado De La Locura à sa place dans ces colonnes. Certes, les compositions sont parfois très séduisantes ("Enloqueciendo", "Intento No Ser Yo", assez puissantes et typiques des 90's), les ballades ne sont pas non plus dénuées de sincérité ("Balada Para Alguien Que No Esta", effleurant WARRANT et BON JOVI), mais le tout est encore un peu trop stéréotypé et avouons le, encore un peu tendre pour séduire les esthètes de l'AOR et du Hard Rock mélodique.

On a même parfois le sentiment d'écouter un groupe formaté pour l'Eurovision, lorsque les systématismes des bons sentiments prennent le dessus.
Alors certes, la voix reste envoûtante et prenante, mais c'est souvent trop peu pour réellement accrocher à des chansons qui se cantonnent au strict minimum, et de plus desservies par un son étrange, un peu sourd et très aseptisé.
On aurait aimé plus de déviations comme le final "Verte Asi" les présente, faisant preuve d'un peu plus de conviction, et utilisant des arrangements légèrement décalés et des syncopes dynamiques.
Mais au final, on se demande quoi dire pour juger de ce second album, et rien de pertinent ne vient. C'est le genre de disque qu'on écoute en musique de fond, pour briser le silence sans être perturbé, et qui défile sans laisser de souvenir impérissable.

Dommage, le potentiel est là, mais la folie est elle ailleurs. Et celle exposée par ARKADIA ressemble plus à un doux ronronnement paisible qu'à une manifestation de démence instrumentale.