POWERMAD (usa) - Infinite (2015)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 9 octobre 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Speed Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 42 Mins
Resituons un contexte particulier. 1989 le Death Metal s'apprête à envahir le petit monde de l'extrême, et le Thrash est en train de vivre ses dernières heures de gloire. Et en cette année de fin de décade ou presque, quelques albums majeurs vont encore voir le jour, des classiques pour certains d'entre eux. Beneath The Remains de SEPULTURA bien sur, Agent Orange de SODOM, No More Color de CORONER, Extreme Agression de KREATOR, ou encore le sublime Alice In Hell d'ANNIHILATOR, c'est une année faste en sorties Thrash de premier plan, mais aussi le cadre temporel de quelques oeuvre passées plus ou moins inaperçues, très injustement, malgré une très bonne presse.
Il faudrait donc pour que cette liste soit quasiment exhaustive rajouter l'épique Dreamweaver des anglais de SABBAT, le Piece Of Time technique d'ATHEIST, bien qu'à cheval entre deux genres, mais aussi l'excellent et concis Absolute Power de POWERMAD, le genre de LP passé aux oubliettes que seuls quelques irréductibles à la cause gardent encore précieusement au chaud dans leur discothèque.
Le tort de ce LP, malgré une indéniable qualité, était d'hésiter entre Speed fumant et Thrash brûlant, sans vraiment choisir son camp.
Mais on sentait qu'après quelques démos et deux EP, le quintette de Minneapolis était fin prêt, et que sa musique si précise et délicatement agressive avait enfin atteint sa maturité. Mais malgré ce premier effort de Metal saccadé et mordant, qui trouva de bons écho dans les journaux spécialisés qui louaient sa franchise et sa modération, 1989 fut l'année où l'on enterra les espoirs de POWERMAD, sous une épaisse couche d'indifférence et de mépris à peine déguisé.
Anachroniques, dépassés, et surtout, refusant obstinément d'avancer aussi vite que la machine, l'affaire était pliée et tout le monde s'en moquait. Et pourtant, Absolute Power s'amusait avec brio de la rythmique élastique des EXCEL sur laquelle il apposait les riffs saccadés et percutants de Jeff Waters. Une franche réussite, peut être et sans doute un peu trop fine pour l'époque...
Qu'à cela ne tienne, l'obstination paie. Et vingt six ans après ce premier et unique album, les américains reviennent avec une suite a posteriori. Mais il leur aura fallu beaucoup de patience et d'abnégation pour accoucher de ce second chapitre, puisque celui-ci aura du attendre huit ans après la reformation de 2007 pour enfin voir la lumière du jour. Outre ces années de travail acharné, une campagne de crowdfunding aura été nécessaire pour lever les fonds, mais aujourd'hui, le groupe peut enfin se réjouir de pouvoir proposer à ses fans Infinite, qui valide tout ce temps passé dans l'ombre.
Infinite, en soi, ne renonce pas à l'éthique initiale de POWERMAD. On retrouve toujours le trio de base du groupe, Joel DuBay (Chant, guitare), Todd Haug (guitare) et Jeff Like (basse), qui se sont adjoint les services du mercenaire Dick Verbeuren au kit. Et la simple mention de ce nom montre bien avant l'écoute que l'optique 2015 du quatuor a été quelque peu radicalisée.
Et sans changer le fond, toujours aussi souple et efficace, POWERMAD a grossi la forme, et bénéficie d'un son pur Thrash, parfaitement en adéquation avec ces nouvelles compositions bien plus puissantes que celles qu'on trouvait sur Absolute Power.
Le premier sentiment qui frappe, est cette sensation de similitudes avec les retours de HEATHEN, BELIEVER ou LAAZ ROCKIT, qui eux aussi avaient choisi de durcir leur son pour s'adapter à l'époque. Durcir oui, mais sans pour autant perdre ce flair qui rendaient leurs chansons si fines et délicates. Pas question de néoiser la musique, juste de la rendre plus compacte et agressive, et de frapper fort pour marquer les esprits. "Army Of One" en intro le prouve sans ambages, et cavale d'une jolie rythmique échevelée propulsée par un riff franc et direct. Multiples breaks, variété de ton, mais concision de son, c'est une attaque frontale et sans détour.
Si le fond à juste été altéré, la forme quant à elle s'est clairement assombrie. Les mid tempo sont le plus souvent appuyés d'une double grosse caisse écrasante, et même les accélérations autrefois tempérées bénéficient aujourd'hui d'une sauvagerie peu coutumière. POWERMAD a vraiment voulu s'adapter au vingt et unième siècle, et certaines interventions surprennent par leur sauvagerie. "Hypocrite" ne fait pas de quartier, et il est même assez difficile dans ce cas précis de retrouver la trace du passé 80's des américains. Est-ce le coup de main solide donné par Dirk qui les a dynamisé à ce point ? Toujours est-il que ce surcroît de violence étonne, séduit toutefois, même si l'on regrette un peu la fluidité de Absolute Power, parfois perdue dans un déluge de violence.
La violence n'a toutefois pas la mainmise sur l'ensemble de l'album. Le très TESTAMENT/HEATHEN "An Imperfect Day To Die" est là pour le prouver, et laisse filtrer une mélodie tangible sous une épaisse couche de distorsion, pour une ballade en demi teinte, et "I Am Infinite" permet de retrouver le quatuor presque comme nous l'avions laissé il y a plus ou moins trente ans.
Mais on ne peut occulter ces moments contemporains qui brouillent le tableau, comme "My Day Of Demons" qui rappelle étrangement SCARVE et la vague Néo Thrash des années 2000 par sa précision et sa brutalité outrancière. Heureusement, le chant ferme mais mélodique vient moduler la brutalité, même si les breaks sur ce morceau atteignent un niveau d'agression peu coutumier.
Mais je crois pouvoir affirmer que le POWERMAD version 2015 est parfaitement résumé par son épilogue "Irrelevant" qui justement se pose en constat d'opposition avec son titre tant sa démarche est claire et pertinente. Tout est exposé, des changements de ton brutaux et immédiats, en passant par les riffs graves et lourds, les passages médium souples, et même un final assez inédit qui se laisse porter par une coda lourde et presque Indus qui ouvre de nouveaux horizons...
Pour être clair, Infinite n'est PAS Absolute Power. Presque trente ans les sépare, et il eut été inconscient de la part de POWERMAD de rester campé sur ses positions, au risque de passer pour une bande de nostalgiques quémandant la larme à l'oeil une seconde chance au prix de leur dignité. Il leur fallait s'adapter à l'air du temps, sans pour autant perdre leur cachet si particulier, ce qu'ils sont parvenu à faire avec un brio énorme. Alors, admettons, et oublions un tant soit peu le passé. Infinite est un brillant LP de Thrash/Power Metal, qui s'abreuve à la source de la jeunesse tout en assumant ses rides.
Et puis le talent n'a pas d'âge après tout. Et 1989, c'était il y a longtemps.
Nous sommes en 2015, et POWERMAD à sa place aujourd'hui sur la scène Metal. Sans aucun doute possible.
Ajouté : Dimanche 05 Juin 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Powermad Website Hits: 5142
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