BLACK SABBATH (uk) - The Eternal Idol (1987)
Label : Vertigo
Sortie du Scud : 1er novembre 1987
Pays : Grande Bretagne
Genre : Heavy Metal
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 43 Mins
THE ETERNAL IDOL est le disque qui aurait pu enterrer le SAB tant son élaboration a été laborieuse. Il aura fallu dix-huit mois pour terminer l'album au chevet duquel se sont succédés trois batteurs, deux chanteurs, deux bassistes, trois producteurs et un mystérieux inconnu se prenant pour la réincarnation d'un chef indien !
En 1986, les temps sont durs pour Tony Iommi. La tournée Seventh Star a été un fiasco. Glenn Hugues (chant) a quitté le navire et été remplacé par un illustre inconnu, Ray Gillen dont les qualités de vocaliste n'ont pas suffi à éviter naufrage annoncé. Les dernières dates sont annulées et le radeau BLACK SABBATH part à la dérive. Ultime survivant du line-up historique, Tony Iommi décide de capitaliser sur les forces vives de l'actuel gang pour donner à l'album apocryphe Seventh Star un successeur qui remettra le SAB sur les rails du succès. Tony Iommi, Dave Spitz (basse), Eric Singer (batterie), Geoff Nichols (claviers) et Ray Gillen au chant débarquent à Montserrat et commencent dès juillet 1986 l'écriture d'un nouvel album. Mais les choses s'éternisent et s'embourbent. Ray Gillen n'arrive pas à écrire des lyrics potables et Dave Spitz ne bosse pas ses parties de basse. Iommi finit par faire appel à un bassiste de session, Bob Daisley, qui s'avère être également un excellent parolier. Bob Daisley enregistre les lignes de basse et écrit les textes d'une douzaine de maquettes. Dave Spitz congédié, c'est ensuite Eric Singer et Ray Gillen qui claquent la porte du groupe, reprochant à Tony son manque de communication et doutant de la capacité du groupe à se sortir de l'ornière, tous les musiciens s'étant petit à petit éclipsés. Tony Iommi et Geoff Nichols se retrouvent donc avec un album terminé mais plus de groupe pour l'interpréter. C'est Albert Chapman, l'ancien tour manager de BLACK SABBATH qui présente Tony Martin à Tony Iommi. Si le guitariste est quelque peu dubitatif, il finit par céder. Tony Martin s'enferme alors en studio et réenregistre en l'espace d'une semaine les huit chansons de l'album.
Pour assurer la promotion de l'album, le groupe qui a retrouvé un batteur (Terry Chimes) mais toujours pas de bassiste doit enregistrer un video clip pour le single The Shining. C'est donc à un illustre inconnu croisé dans la rue que revient le rôle de bassiste dans le clip. "Oui, le bassiste était un type que nous avions trouvé dans la rue. Je ne me souviens plus de son nom mais il avait la tête de l'emploi. Il nous a dit être guitariste. Je me souviens qu'il n'arrêtait pas de dire qu'il avait été un indien d'Amérique dans une vie antérieure et que c'était pour cette raison qu'il portait toutes ces turquoises. Nous ne l'avons plus jamais revu par la suite." (Tony Martin, 1993).
Il y a deux façons d'aborder la période Tony Martin. On peut, comme bien des fans et une partie du music business considérer que ces années représentent une parenthèse dans la carrière d'un groupe dont seule la formation initiale et les années Dio auraient droit de cité. Un groupe qui n'existerait qu'à l'occasion des réunions de l'équipe gagnante et dont l'activité intermédiaire ne serait que portion congrue. C'est faire preuve d'une certaine étroitesse d'esprit et je suis pour ma part partisan de la seconde approche consistant à prendre la musique de BLACK SABBATH comme elle vient. Si toutes les tentatives du groupe n'ont pas été heureuses, il faut reconnaître à Tony Iommi une capacité à adapter sa musique à ses line-up tout en respectant la recette du sabbat noir. Et on peut compter sur le maître de cérémonie, le chaînon Tony Iommi pour faire respecter ces règles implicites qui donnent aux dix-huit albums studio de BLACK SABBATH une ligne directrice claire et nette.
Partant de là, malgré sa construction chaotique, ses incessants changements de line-up et l'arrivée d'un chanteur qui fait ses armes sur des compositions à l'élaboration desquelles il n'a pas participé, The Eternal Idol est un disque qui renoue avec beaucoup de chose que BLACK SABBATH semblait avoir abandonné. Ce climat délétère et suffocant, d'une infinie lourdeur, comme une robe coulée dans le plomb. Ces riffs denses et néfastes, ces ambiances sombres et glauques, il y a de tout cela dans l'album et tout particulièrement dans sa chanson titre, le morceau le plus Heavy que BLACK SABBATH ait enregistré depuis longtemps dont les lyrics résonnent cruellement avec notre actualité "No one said it had to be this way / Why are we the victims of their final word / Dying world is killing us so slowly / I believe no god may save us now / Can't you see what I see / Sinners say your prayers tonight / Your judgment day is here / Child tomorrow will die".
La chanson est portée par la voix habitée de Tony Martin, dont la densité et l'interprétation théâtrale égalent presque Ronnie James Dio.
En mêlant la noirceur des années soixante-dix avec le lyrisme puissant des années Dio, The Eternal Idol est une synthèse de ce que BLACK SABBATH a produit de meilleur jusqu'alors. C'est aussi un retour aux sources, comme si, après des années de recherche d'une rupture, le groupe reconnaissait son histoire et accepte de s'en servir pour élaborer de nouvelles structures narratives. Album cohérent, sincère et droit dans ses bottes, le moins méconnu des albums de la période Tony Martin mérite plus que du mépris ou de l'indifférence. Ce disque est aussi la preuve de l'incroyable ténacité de Tony Iommi qui défend son projet contre vents et marées. "During the recording, everything had fallen apart, everybody just left. But I couldn't leave. I had to hold the fort and put it all together again." (Tony Iommi, 2012).
Ajouté : Vendredi 20 Mai 2016 Chroniqueur : Rivax Score : Lien en relation: Black Sabbath Website Hits: 6368
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