MUDDY ESCAPE (FRA) - Bad Drip (2016)
Label : Penos Records
Sortie du Scud : 18 mars 2016
Pays : France
Genre : Free Rock
Type : EP
Playtime : 5 Titres - 18 Mins
Bon 1er mai à tous ! Bon désolé, je ne vais pas me pointer dans vos chaumières avec le proverbial petit brin de muguet, mais n'en doutez pas, le coeur y est.
Le 1er mai, qu'est-ce donc à la base ?
De petits trous du cul qui vendent des bouquets cueillis dans le jardin d'honnêtes gens ? Des salopiauds qui vont fouiner dans les bois pour arracher le précieux sésame qu'ils refourgueront pour deux ou trois euros devant la boulangerie ?
Oui, c'est exactement ça, mais à la base, ce fameux 1er mai, c'est la fête des travailleurs. Ceux qui se sont battus pour obtenir la journée de huit heures, ni plus, ni moins.
Des gens courageux qui en avaient ras le bol de trimer comme des fous. Alors rendons leur hommage aujourd'hui. Rendons leur hommage avec un groupe qui lui aussi est constitué de gens pas vraiment normaux. Des fous ?
Des gens très instables musicalement parlant en tout cas. Quant à parier sur la bonne tenue de leur santé mentale, il y a un fossé de Tranxène que je ne franchirai pas.
Il y a sur cet EP de quoi dévaliser une pharmacie après écoute. Car je doute que les musiciens de MUDDY ESCAPE soient vraiment conscients de leur désordre mental. Et puis d'abord, comme précisé dans la bio, le groupe est à géométrie variable, alors, ça s'en va et ça revient, et c'est fait de tous petits riens. Donc pas le temps de préparer la camisole au cas où l'un d'entre eux ne dépasse les bornes de la bienséance ou devienne dangereux.
Ils n'ont pas l'air violent ces gens-là. Qui sont-ils donc ? Selon le line-up déclaré à la douane, en date de 2016.
On trouve dans leurs rangs Laura T. Hooker (chant), Vaness (choeurs), Jaz Nerlin (Basse, Samples, Machines, Choeurs), Babu Vanja et Oobins Juice (Guitares, Choeurs), et pour finir Patrice Le Roi (Batterie). Un joli sextette donc, qui nous a déjà proposé en guise de cadeau d'agrément un premier EP en juin 2014, Taste, qui nous conseillait de goûter une grosse tranche de leur gâteau hétéroclite, à la pâte souple et fondante mais à l'agrémentation variée et modulable, un peu bizarre en bouche.
Car là est bien la philosophie de cette auberge espagnole, dans laquelle n'importe qui peut rentrer à condition d'avoir le niveau et le même état d'esprit que les autres.
De l'ouverture, des associations contre nature, des déviances, un peu de perversion dans le métissage, et surtout, une culture musicale propre qui permet d'aborder tous les styles avec élégance et détachement. Taste nous indiquait déjà que la normalité ne se dégustait pas à l'heure du thé chez les lyonnais, mais Bad Drip et sa vilaine goutte qui pend du nez pousse le bouchon encore plus loin, et revisite des pans entiers de la culture underground mondiale pour l'adapter à des standards d'excentricité. Oui mais... C'est bien vu et surtout, préparé avec amour et conscience.
Alors attachez bien votre ceinture, parce qu'aussi bref soit-il, le voyage remue...
Géométrie variable dans la structure donc, mais aussi dans l'exécution, et ça, c'est un vrai bonheur. Si l'audace semble être le maître-mot de ces iconoclastes de l'instrument, ils n'en oublient pas pour autant le principe de base de tout mélange. Parvenir à trouver un équilibre dans l'affranchissement, et sous ce point de vue-là, le tour de magie est bluffant de dextérité.
Abordant sans complexe des registres aussi différents que le Free Jazz, la Fusion, le Metal, le Rock, la World Music, le Rapcore, la Darkwave, le Trip-Hop, j'en passe et des plus difficiles à identifier, les MUDDY ESCAPE sont la goutte qui ne fait pas déborder le vase, comme ces biberons magiques qui ne se vidaient jamais, sans pourtant couler.
Pour être précis, dans la mesure du possible, je dirais que leur musique est à l'image de leur pochette. On ne parvient pas forcément à identifier les éléments y figurant, le résultat graphique provoque et peut déranger, mais reste hypnotique et envoutant. Car la créature protéiforme sait manier le manche, les baguettes et les cordes, comme le démontrent les cinq petits tours de piste de Bad Drip.
Un peu lysergique tout ça, mais sans migraine, avec par contre une belle addiction qui vous attend au final. Dès le premier morceau, toute résistance est inutile, puisque "Big Brother" se la joue Fusion des années 90, avec boucles vocales orientales, et gros riff Metal en arrière-plan. On pense à une rencontre fortuite et impromptue entre SENSER, DEUS et PRIMUS, et entre les couplets qui planent à des hauteurs dangereuses et un refrain qui frappe en plein coeur, le décalage est optimal. A peine entamés, et nous sommes déjà ébahis de tant d'ouverture... On pourrait citer d'autres noms, comme les CHROME HOOF, mais avant d'avoir pu penser à tout le monde, "Shut Up" nous conseille vivement de la fermer et de partir dans un trip à moitié disco, Metal, Ambient, Trip-hop, rythmique et guitares bondissantes, voix qui s'entremêlent, tapis sonore qui déroule comme dans un aéroport de l'esprit, avec toujours ces textures vocales veloutées et cette basse qui ne l'est pas moins. Une basse en forme de superballe qui rebondit aux quatre coins de la pièce et qui rend le chat complètement fou. Gros riffs, gros riffs, tempo qui sautille... Vous voyez le genre ?
"All Right" se veut plus RAGE AGAINST THE MACHINE que BJORK elle-même, titille la corde sensible de BAT FOR LASHES, mais ne renonce pas à l'agressivité, plus maîtrisée et docile certes, mais tapie dans l'ombre et prête à exploser. C'est sombre, comme un recoin pas éclairé par la lampe torche et qui empêche le chien de pisser, c'est tendu comme un found footage, mais... ça déroule.
"Talk Real" reste plus ou moins sur la même ligne de conduite, mais sait aussi se montrer sous un jour plus Pop dans l'hybridation Metal/Trip Ambient.
Et pour finir, ils osent dire qu'ils vont bien. Mais le pire, c'est qu'on les croit ! Alors "I Feel Fine" ne se gêne pas, et en rajoute dans son espèce de New/Cold/Wave improbable qui cite BAUHAUS, VISAGE, CHRISTIAN DEATH ou les BUNNYMEN, avant de ruiner cette belle ambiance de stupre à grands coups de guitares assassines et de chant roublard. Qui a besoin d'une aspirine ?
Personne. Parce qu'en dépit des retournements de veste, tout s'est déroulé le plus naturellement possible. Et d'ailleurs, les vestes sont toujours solidement accrochées aux patères.
MUDDY ESCAPE. Retenez bien ce nom. Pour l'instant, deux EP, ça n'est pas grand-chose, mais lorsque ce groupe qui tient plus du collectif uni par les liens du mariage musical consanguin va sortir son premier LP, ça va bouger au pays du fromage.
Et leur muguet à eux sent bon le vent de la révolte créative. Ah, et je pense qu'ils sont largement capables de jouer plus de huit heures par jour.
Alors pour la grève, vous repasserez. Votre chemise par exemple.
Ajouté : Samedi 07 Mai 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Muddy Escape Website Hits: 5908
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