TOMBS (usa) - All Empires Fall (2016)
Label : Relapse Records
Sortie du Scud : 1er avril 2016
Pays : Etats-unis
Genre : Dark Post Black Metal
Type : EP
Playtime : 5 Titres - 23 Mins
J'ai rencontré les TOMBS en 2009, à l'occasion de leur premier LP, Winter Hours. J'avais découvert une musique profondément étrange, que j'étais bien incapable à l'époque de labelliser, mais finalement, sept ans plus tard, je me rends compte que je ne suis toujours pas apte à trouver une description idoine.
J'assume cette incapacité, parce qu'elle ne m'est pas imputable. Je n'ai pas un problème de lexique, la faute en incombe au groupe lui-même, qui se veut si versatile qu'il en devient impossible d'en capturer l'essence. Et ça, c'est quelque chose de fabuleux pour un fan de musique. Parce que ça définit la plupart du temps quelque chose d'intangible, mais d'essentiel.
Et même en tant que simple EP, All Empires Fall est essentiel lui aussi. Il fait suite à Savage Gold, que j'avais traité dans ces colonnes aussi, et qui avait terminé sa course sanctionné de la même note, neuf sur dix, proche de la perfection.
Il se pourrait qu'aujourd'hui cet état de fait change, puisque cette même perfection, TOMBS est en train de la tutoyer, de très près...
Une tombe à la base, c'est un monument de pierre, de marbre et de terre, inamovible. Un ou plusieurs corps s'y trouvent souvent pour l'éternité, et il incarne le recueillement, la tristesse, le souvenir, récolte les murmures et les prières...
Il est donc assez étrange que Mike Hill ait un jour opté pour ce patronyme, lui qui est incapable de se fixer sur une optique précise, tout comme il est à même de renvoyer ses partenaires du jour au lendemain. C'est un musicien qui sait ce qu'il veut, et qui n'hésite pas à trancher dans le vif pour l'obtenir. Il est d'ailleurs le seul véritable membre de TOMBS, puisque le line up de son groupe à tellement changé qu'il en devient très difficile d'établir son arbre généalogique.
Si musicalement, l'analogie est assez logique, humainement, elle ne s'impose pas d'elle-même. Et il est certain qu'All Empires Fall ne va rien arranger.
Si la formation semble plus ou moins stable depuis 2014 (Ben Brand à la basse, Charlie Scmid au kit, Evan Void à la guitare et Fade Kainer au clavier et chant), c'est plus qu'un hasard. D'ailleurs l'explication se trouve au sein même des compositions de cet EP, qui valide une fois de plus l'importance qu'a pris l'arrivée de Kainer dans le groupe.
Ce dernier a en effet amené dans ses bagages sa science des arrangements synthétiques, qu'on remarque dès l'entame "The World Is Made Of Fire". Nappes inquiétantes dans la veine d'un Keith Emerson, qui font languir pendant près d'une minute avant que le riff énorme n'entre en scène, soutenu par une basse si gigantesque que même les murs du studio en tremblent encore. Le style TOMBS est là, si tant est que l'on puisse parler d'un style, tellement ce quintette est hétérogène... Un critique de Pitchfork à dit récemment qu'une chanson des originaires de Brooklyn pouvait faire penser de concert à BAUHAUS, DARKTHRONE et UNSANE, ce qui paraît sur le papier plutôt incongru pour le néophyte, mais qui finalement n'est qu'une lénifiante vérité.
Pour s'en persuader, il suffit d'écouter "Obsidian" et "Last Days Of Sunlight" dans la foulée, puisque toutes les composantes sont là.
Si le premier glisse le long d'un BM de très haute volée et d'une intensité rare, à grands ravages de blasts qui ne montrent aucune pitié, le second rappelle des ténèbres les esprits du Dark Rock gothique des années 80, dont Peter Murphy était l'un des chantres principaux.
Encore une fois, l'apport de Fade Kainer est immense et palpable sur ce titre, qui sans aller piocher maladroitement dans les échos de "Bela Lugosi's Dead", évoque un duo improbable entre Valor et Murphy, avec la patte immanquable de Mike Hill qui supervise la rencontre.
D'ailleurs "Deceiver" garde l'empreinte de Kainer, du moins sur son intro, avant qu'une fois de plus l'instrumental ne se mette en place progressivement pour gonfler le son jusqu'à une apogée en mid tempo écrasante de puissance. On pense au dernier PARADISE LOST, mais aussi à du Hardcore made in Brooklyn ravagé par un Peter Steele au sommet de son art, sans pour autant oublier les meilleurs riffs des deux premiers LIFE OF AGONY.
Prodige ? Magie ?
Un peu des deux, mais surtout, un talent gigantesque.
Mais que dire alors de "V" ?
Une bonne minute de Dark Ambient pour planter l'ambiance glaciale, à la LUSTMORD, et TOMBS décide enfin de prouver au monde qu'il est le groupe qui incarnera avec le plus de panache la bande son d'une fin d'existence de plus en plus inéluctable.
Tout y passe, le Post Death, le BM, le Doom, le Post Black, les longues litanies pilonnées par des guitares aiguisées à la meule d'acier, les breaks mesurés à l'équerre, pour s'achever dans un déluge à deux voix déversant comme un leitmotiv un "Fall into the great divide, fall into the netherworld" qui ne fait que confirmer ce que j'affirmais quelques lignes auparavant.
Tempo Dark Rock, accords sombres, basse à la JOY DIVISON/CURE, tourbillons aigus typiques du Black, pour un des morceaux les plus accrocheurs du répertoire de ce groupe qui n'en finira pas de me surprendre malgré les années.
Entendons-nous bien. Des groupes versatiles, j'en ai connu. Certains retournent leur veste, d'autres se prennent pour des derviches, et quelques-uns parviennent à être cohérents malgré la diversité de choix. Mais je crois pouvoir affirmer après presque dix années à suivre TOMBS et Mike que lui seul est capable d'un tel exercice dans l'extrême, sans paraître instable ou pire, grotesque et déplacé.
Il fait preuve d'une telle ingéniosité dans la violence qu'il est à même de planer au-dessus des genres avec une élégance rare et une puissance qui l'est tout autant.
Et même après tous ces albums, même après toutes ces chansons, je ne parviens toujours pas à le cerner. D'autant que chacune de ses réalisations égale ou surpasse la précédente.
Neuf sur dix. C'est la note que je lui accorde systématiquement. Mais il se pourrait qu'aujourd'hui cet état de fait change, puisque cette même perfection, TOMBS est en train de la tutoyer, de très près...
Tellement qu'il a réussi à la toucher profitant de la chute des empires...
Et donc...
Enfin pour la suite, regardez les étoiles juste sous cette chronique...
Ajouté : Samedi 23 Avril 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Tombs Website Hits: 10412
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