BLACK SABBATH (uk) - Sabotage (1975)
Label : Vertigo
Sortie du Scud : 28 juillet 1975
Pays : Angleterre
Genre : Heavy Metal
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 44 Mins
Le chaos. Et si c'était ça, l'élément principal de la créativité. Une dose de bordel et de gène nécessaire à la genèse d'une musique de légende. Dérouler la carrière de BLACK SABBATH et on réalise à quel point sa carrière a été semée d'embûche. Celles-ci ont servi au groupe de planche d'appui pour repartir dans une autre direction, se renouveler et sortir des disques d'anthologie qu'on continue d'écouter quarante ans plus tard. Prenons Sabotage. C'est un peu le cas d'école, l'album dédicacé aux emmerdeurs, faiseurs d'histoires, avocats, créanciers et autres parasites qui ont pourri la vie du SAB au milieu des années 70 et ont amorcé un long travail de sape qui a contribué à l'explosion du quatuor à la fin de la décennie. Sabotage est un opus qui a été dicté par les circonstances, un genre de Fluctuat nec mergitur que le combo balance au monde pour affirmer "Hé, les trouducs, vous pouvez nous mettre tous les bâtons dans les roues que vous voudrez, vous ne nous empêcherez pas de créer de la putain de bonne musique".
L'année 1974 marque la fin de la première période de management de Patrick Meehan. Les quatre brummies qui lui avaient confié le management en 1970 prennent conscience qu'il y a un hic. Ils vivent comme des nababs mais sans jamais voir la couleur d'un billet de banque. "Tu veux une Rolls, tu appelles ma secrétaire et tu l'auras devant ta porte demain matin, tu veux de la coke, tu appelles mon dealer, il te livrera un sac, tu veux aller au resto, tu m'envoies l'addition". Tous les désirs d'Ozzy, Toni, Bill et Geezer sont comblés et ils n'ont pas à se soucier des petits détails d'intendance. Mais les royalties qui devraient tomber tardent à venir. Et un beau jour, le gang réalise qu'il vit à crédit. Qu'il n'est propriétaire de rien. Tout ce luxe prodigué par Patrick Meehan, ils n'en sont que les locataires. Le groupe décide alors de reprendre son destin en main en remerciant le manager et en s'autogérant tout comme il s'autoproduit depuis Vol.4. Mais gérer quatre hurluberlus à l'égo exacerbé par la coke, et qui sont plus souvent stone que lucides n'est pas aussi évident que mixer un disque. En outre, nos amis apprennent à leurs dépens qu'on ne peut se séparer d'un juriste averti et rusé sans dommages collatéraux. Le SAB se retrouve englué dans une toile judiciaire étouffante. De convocations en comparutions, de jugements en appels, la vie est désormais rythmée par les rendez-vous avec les avocats. 1974 et 1975 sont des années noires et ce climat délétère a évidemment une incidence sur le travail et la créativité. <rb>
Album inégal, moins cohérent que les trois précédents, Sabotage reste un bon cru, malgré une des pochettes les plus tarte de l'histoire de BLACK SABBATH, moins dans le choix du sujet que dans sa réalisation approximative. Posant devant une photographie d'eux-mêmes, les quatre musiciens ont rivalisé de mauvais goût pour leurs tenues. Si Tony et Geezer se contentent d'un ensemble kitch bleu ciel et blanc, l'un étant le reflet de l'autre, Ozzy pose dans une sorte de kimono de soie et Bill s'illustre en portant un immonde leggin rouge emprunté à sa femme. Un moment Spinal Tap comme on les aime ! Le contenant ne doit pas occulter un contenu qui démontre que les turpitudes de leur vie privée n'ont en rien entamé le génie du SAB.
Comme sur les précédents projets, Sabotage est une succession de moments forts et de respirations instrumentales. Une attaque frontale brutale avec un "Hole in the Sky" délicieusement groovy où la batterie de Bill Ward mène la danse à grands coups de cymbales, accompagnant un de ces riff signature qui se gravent aisément dans le cortex. Suit "Don't Start Too Late", instrumental à la guitare classique qui prépare le terrain de l'ultra Heavy "Symptom Of The Universe", également soutenu par un riff d'anthologie et un chant agressif. On continue avec un morceau à tiroirs dans la pure tradition du sabbat noir, "Megalomania" une compo en deux parties. Il y a d'abord une ouverture mélancolique, où une superbe rythmique et des nappes de claviers soutiennent le chant désespéré et geignard d'un Ozzy plus juste que jamais dans un registre qui lui sied à merveille. Après trois minutes de cette complainte qui vous broie le coeur dans un étau, survient un break monumental laissant exploser toute l'agressivité contenue. Un riff qui cisaille, une rythmique qui écrase et un chant qui assène le coup de grâce. "Megalomania" est LA piste de Sabotage. On remet une couche de gras lourd et méchant avec le mid tempo "The Thrill Of It All" qui débouche sur "Supertzar" une longue construction instrumentale pour laquelle Tony convoque en studio un orchestre au grand complet, une harpiste et un choeur magistral. Une piste ovni, 100 pourcent BLACK SABBATH qui s'insère parfaitement dans les compos du groupe. Le seul faux pas de l'album est le single navrant "Am I Going Insane", une chanson tellement mielleuse et ringarde qu'on pourrait croire que le groupe l'a fait exprès… du genre "ah bon, tu veux un single pour la radio, pas trop agressif pour passer aux heures de forte écoute, on sait faire, on sait faire". Fini de rire avec le final, "The Writ", un testament de 8 minutes qui joue dans la même catégorie que "Megalomania" mais dans un registre plus plombé et lent où la guitare classique de "Don't Start Too Late" s'invite à nouveau, comme un chant du cygne sur une mélodie belle à pleurer.
En appelant son album Sabotage, BLACK SABBATH veut crier sa rage à la face de tous ces vautours qui tournent autour du groupe, grignotant petit à petit sa cohésion et son envie. Sabotage est la preuve éclatante que le Sab tient encore le cap, vent debout. C'est un album comme on les aime, avec ses moments forts, ses moments de grâce et une sensibilité mélancolique à fleur de peau. La seule chose dont le Sab aurait à rougir sur ce disque, c'est le pantalon affligeant de Bill Ward, mais je suis prêt à parier que l'intéressé s'en fout complètement !
Ajouté : Samedi 23 Avril 2016 Chroniqueur : Rivax Score : Lien en relation: Black Sabbath Website Hits: 5636
|