ECHO TAIL (usa) - King Defeatism (2015)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 29 juillet 2015
Pays : Angleterre
Genre : Progressive Post Metal Instrumental
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 52 Mins
Il y a déjà un petit moment qu'ECHO TAIL traîne ses basques du côté de Cambridge... Mené de front par Mark Stebbing (guitare, basse, synthé, piano) et Tom Stebbing (batterie, programmation), deux frères qui ont uni leurs forces pour créer un monde musical à part, le parcours de ce groupe atypique semble trouver un écho de plus en plus grand dans le coeur des fans, et éveiller un peu plus l'attention de la presse internationale. Ce qui, somme toute, est chose méritée tant leur travail est exigeant, précieux, précis et hautement recommandable.
La route musicale suivie par le duo est assez chaotique. Chacun de leurs albums suit un tracé différent, s'inspirant autant du Post Rock que de l'Indus, l'Alternatif, le Metal bien sur, mais aussi le Progressif, sans toutefois adopter les tics grandiloquents et théâtraux de l'école de Canterburry, loin s'en faut.
King Defeatism est leur cinquième réalisation, et malgré la qualité indéniable de leurs quatre précédents efforts, il est fort possible qu'il en représente le sommet, par la complexité de ses choix, la clarté de son instrumentation, et la trame logique et cohérente qu'il étale.
Si parfois certains LPs avaient légèrement déçu, de par une certaine inconstance, l'écart entre les morceaux les plus complexes et les pistes plus évidentes étant trop grand, King Defeatism assure une belle homogénéité, et ne présente aucun temps faible, tout en continuant de raconter une histoire dont l'origine remonte à quelques années.
Sur Hold The Throne, le duo plantait le décor. Un royaume gouverné par un roi à la poigne de fer, la vie rude pour le peuple qui découlait de sa sévérité, et King Defeatism en écrit donc un nouveau chapitre, avec cette fois ci la chute du monarque, la rébellion des petites gens, et enfin, la liberté, et... la fin d'une ère.
Mais le plus impressionnant dans tout ça, est que le duo de frères n'utilise qu'un seul vocabulaire pour illustrer ses propos, la musique. Aucun mot, aucune parole, aucun vers, seuls les instruments ont le droit de s'exprimer, ce qui donne des allures de performance à cet album qui parvient sans peine à nous faire comprendre de quoi il en retourne, sans bouger les lèvres. Pour cela, des guitares, une rythmique, des ambiances, des climats développés, des sentiments heurtés, d'autres coulés, et à aucun moment l'absence de chant ne vient handicaper la démarche. Fabuleux.
Pour se faire, ECHO TAIL est revenu sous des cieux plus "organiques", à laissé tomber les errances violentes de l'Indus, et surtout, à permis à chaque partie du tout de s'exprimer librement. On retrouve donc ces guitares qui se veulent mélodiques, mordantes, agressives, pleines ou déliées, qui tapissent chaque pièce de leur velours soigné, et c'est une bonne nouvelle en soi. L'album est clairement découpé en deux parties, avec une jolie progression sur son ensemble. On tombe parfois sur des choses très surprenantes, comme ce "Dream Eaters" que GENESIS ou YES n'auraient pas renié, avec une guitare en écho qui distille les humeurs avec parcimonie, posée délicatement sur une rythmique élastique, ou le très Heavy mélodique "Joyful Sever", qui pose quelques notes éparses en équilibre sur un énorme riff qui occupe tout l'espace, un peu à la façon d'un DREAM THEATER moins emphatique qu'à l'accoutumée.
Le sommet de pureté est atteint lors de cette première partie par le fragile "Where Do We Begin?", qui se contente de superbes harmonies accompagnées par une batterie étrangement posée et calme, s'accommodant d'une structure simple et sans heurts.
Mais bien évidemment, le parangon de l'art unique des frères Stebbing est atteint lors de la tétralogie finale, "King Defeatism", découpé en quatre parties bien distinctes et pourtant reliées entre elles par la narration instrumentale.
Tout commence par "The Oil Prince" qui emprunte les accents et les tics du PINK FLOYD post Waters, et dont la guitare semble même habitée de l'âme de David Gilmour, tant au niveau du son que des notes déployées. Apaisement, avec en menace diffuse quelques grondements en arrière plan, jusqu'à ce que la rythmique entre dans la danse et colore le tout d'une palette sombre à la ALICE IN CHAINS. Riff noir et sobre, emphase des arrangements, tout est là pour ressusciter l'esprit des 90's, sans pour autant verser dans la paraphrase. La guitare tournoie soudain, et la tension devient palpable, jusqu'à ce que "Citizens Of Fire" ne prenne le relais, pour aborder un versant plus Rock et abrasif. Rythmique heurtée et volontaire, motif mélodique qui revient comme un leitmotiv, les débats s'animent et l'espace se réduit. Et alors que "Alone In The Sun" se contente de marquer son territoire d'une itération dérivée de l'Ambient, et laisse ses quatre minutes et quelques se perdre dans un écho sourd et inquiétant, sans aucune mélodie pour guider le voyageur vers la lumière, "Forever The End" reprend à son compte les principes énoncés depuis le départ, et revient vers des horizons Post Rock progressifs, sans pour autant sacrifier sur l'autel de l'harmonie cette guitare plombée qui se tend soudain vers des harangues purement Metal...
Niveau production, le travail accompli est tout simplement bluffant. Le son est large, ample et précis, chaque instrument respire à pleins poumons, et la clarté de chaque intervention sidère par sa luminosité, comme si l'histoire dictait le pas à la console pour ne pas risquer de rétrécir les panoramas dessinés. En parlant de l'histoire, elle est bien sur narrée par les deux musiciens, qui la présentent à leur façon, mais qui laissent l'auditeur imaginer ce que bon lui semble, et illustrer la musique d'images personnelles. Mark et Tom n'imposent rien, et se contentent de jouer, laissant leurs fans développer leur propre imaginaire, en s'appuyant sur leur interprétation.
Et du coup, classer cette musique/ce conte dans un créneau bien particulier devient impossible. Si le Post Rock semble s'être effacé, il a été remplacé par une sorte de Heavy progressif Alternatif, qui ne refuse pas d'emprunter les sentiers de la Pop, du Rock Progressif, et même du Heavy Metal à légères touches Grunge. Ou bien, il est possible que les deux frères l'aient tellement synthétisé qu'il ait adopté une nouvelle forme, ce qui rendrait la suite des aventures encore plus passionnante...
Quoiqu'il en soit, la musique de King Defeatism est formidablement riche, dense, et complexe, tout en faisant appel à la sensibilité la plus simple et élémentaire du coeur et de l'esprit. C'est une musique libre de toute entrave, qui s'écoute, et qui s'apprécie en tant que telle, sans chercher à la ranger dans une catégorie bien précise. Et c'est sans conteste la meilleure réalisation du duo de Cambridge, la plus inventive, la plus cohérente et stable, sans pour autant être la plus prévisible.
Une sorte de perfection en soi, qui si elle n'a pas lieu d'être dans notre monde cartésien, existe peut être dans les dédales du royaume inventé par ECHO TAIL.
Ajouté : Lundi 15 Février 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Echo Tail Website Hits: 5736
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