ARS MORIENDI, l'art de bien mourir. Depuis 2001, le père Arsonist, unique membre de cette formation, sort régulièrement des productions dans un bien étrange anonymat en dépit du poids des âges. Occupant la scène clermontoise depuis une bonne quinzaine d'années donc, le sieur semble ne pas vouloir lâcher prise avec son Black Metal particulier. Comme quoi, l'auvergnat peut être teigneux lorsque les circonstances l'exigent ! Voici entre nos oreilles son troisième méfait, celui de la maturité et du progrès, comme le voudrait la tradition. Sauf que depuis le temps, le gaillard s'est déjà fait une petite discographie de démos avant la sortie de son premier album, L'Oppression Du Rien, en 2008. Notre hôte a donc disposé de suffisamment de temps pour pouvoir murir et insuffler à sa musique une prestance digne de ce nom.

Pour le coup, on ne sera pas déçu du voyage. "De L'Intouchable Mort" entamera les hostilités avec ce trio synthé/batterie/basse pour un rendu des plus psychédéliques. Même si je n'ai pas eu l'honneur de suivre l'évolution d'ARS MORIENDI, le travail qui a été fait est juste impeccable. On nous sert ici un Black Metal de haute volée, mélodique et riche au possible. Entre les petites esquisses aériennes typiquement Dark Ambiant ou tapant carrément dans le Rock, cette production de Black progressif et atmosphérique révèle diverses personnalités toutes plus travaillées les unes que les autres. Jusque-là, on se demande bien pourquoi La Singulière Noirceur D'Un Astre n'a pas engrangé plus d'adeptes que ça dans l'univers torturé du clermontois.

A cela, un seul mot me vient à l'esprit : richesse. Non, je ne parle pas des maigres moyens dont Archaic Sound dispose pour sa promotion (quoique...) mais bel et bien de la musique d'ARS MORIENDI. On retrouve dans cet album une telle multitude de bruitages et d'ambiances torturées que ça en devient presque déstabilisant. Attention ! N'allez pas croire que ça tape dans du PENSEES NOCTURNES ! Ici, les sonorités que l'on peut entendre (chœurs, clavier, bidouillages électroniques en tout genre) sont toutes cohérentes et renforcent intelligemment l'aura malsaine de cet opus, telle "Vérité" et sa hargne fichtrement écrasante, ou encore le titre éponyme qui est un véritable joyau de Black Atmosphérique avec son désespoir grandissant.
Mais à côté de ça, les puristes déplorerons sans l'ombre d'un doute les nombreuses cassures de rythme qui n'interviennent pas forcément au bon moment, comme en témoigne "De Ma Dague" qui fera littéralement monter l'adrénaline pendant quatre minutes avant de la lâcher comme une vieille carcasse avec son très long break planant qui frustre quelque peu.

Est-ce une raison suffisante pour condamner Arsonist ? En aucun cas. Non seulement parce qu'il développe ici son propre univers, mais également car ce musicien des profondeurs est parvenu à produire une musique complète et puissante, sans entacher l'accessibilité de sa production. Pour la réalisation d'une telle prouesse, notre hôte mérite amplement l'attention de tout adorateur de Black Metal qui se respecte. En somme La Singulière Noirceur D'Un Astre est une bien belle danse macabre qui, à défaut d'être envoûtante, aspirera nos âmes à tout jamais. Et le pire, c'est qu'on y prendrait presque un plaisir malsain.