IMMORTAL BIRD (usa) - Empress/Abcess (2015)
Label : Broken Limbs Recordings
Sortie du Scud : 14 juillet 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Extreme Blackened Crust
Type : Album
Playtime : 5 Titres - 31 Mins
Fête de l'Indépendance, 4 juillet. Chez nous, la scission entre la noblesse et le peuple se célèbre le 14 juillet. USA vs France, le débat continue mais il y a une chose que je sais. Si la sortie de cet album aux USA le 14 juillet de cette année n'a pas du provoquer de réaction particulière, gageons qu'une parution dix petits jours auparavant aurait créé un séisme.
Pourtant, rien ne dépasse, groupe inconnu, premier album, pas de quoi fouetter un chat ou autre chose. Mais une fois l'objet assimilé et ingurgité, les questions fusent, et adaptons les à sa date de publication. Pensez vous que le 14 juillet 1789, les cris de la foule, des gardiens, des prisonniers auraient pu couvrir un tel raffut ?
Je n'en suis même pas persuadé, et c'est bien ce qui m'effraie.
Effrayé, je l'ai été à l'écoute d'Empress/Abcess. J'ai d'abord été subjugué par la beauté du graphisme de sa pochette, et j'ai suivi mon instinct en me disant que cette grâce du trait devait dissimuler quelque chose d'énorme, sinon de terriblement puissant.
J'avais raison. Les deux d'ailleurs, j'avais raison. Et pour un premier album, brasser autant d'influences, les amalgamer avec autant de férocité pour en faire surgir une troisième voie encore plus pétrifiante, c'est en quelque sorte, un tour de force (french, please).
Sans vraiment le savoir, je pensais le trio venu de Brooklyn, ou de Chicago. Il n'y a que les groupes qui viennent de ces quartiers/villes pour capter l'essence même de la brutalité et la redistribuer amplifiée. Bingo, IMMORTAL BIRD, Chicago, Illinois. J'aurai parié un pressage d'origine vinyle d'UNSANE que les gus étaient trois, pas plus.
Re bingo. A force, l'instinct parle, et ne se trompe plus.
IMMORTAL BIRD, l'oiseau immortel. Le Phoenix ? L'analogie est possible, puisqu'une fois envolé, celui ci ne laisse que des cendres derrière lui. Concrètement, le trio s'est formé en 2013, et porte la responsabilité d'un premier EP, Akrasia, dispo pour trois pauvres dollars sur leur Bandcamp. A ce prix là c'est cadeau, et ne vous gênez pas, même en version succincte, l'Illinois, ça vaut toujours le coup.
Des influences pour situer, mais sincèrement, ça ne vaut pas le prix d'un ticket de concert. Parlons de THOU, de NOISEM, pour avoir un cadre, mais celui d'origine est bien plus grand, bien plus usé, et risque de vous filer le tétanos si vous posez vos mains dessus.
Listons, pour le fun. Crust, Black, Chaotic Hardcore, Grind, Powerviolence, Doom, mais sous leurs aspects les plus abjects et dérangeants, brutaux et ascendants. Oui c'est ça, ascendants, puisque cet album est construit comme un souffle, une spirale qui monte en pression et jamais ne se stabilise et encore mois ne retombe. Même les WORLD NARCOSIS dans leurs humeurs les plus noires ne sont parvenus à dresser un tel tableau de la débauche instrumentale, et Dieu sait si pourtant ils en ont frôlé les cimes.
Prenez les par exemple, car c'en est un bon. Imaginez les, prêts, murs, sous la tutelle d'UNSANE, rodant un répertoire encore plus cataclysmique que le leur qui l'est déjà pas mal. Les références s'accumulent naturellement, et tout ressort, vomi de haine, de feu et de sang.
Les quatre premiers morceaux d'Empress/Abcess collent à ce portrait robot, tellement que ça en devient troublant.
Rythmique qui chamboule les quilles, à la fois incroyablement stable et solide, et pourtant libre et évolutive. Des guitares qui ne découpent que les riffs les plus acérés, les plus sales, les plus bizarres, avec une franchise rare. Et un chant qui chapeaute le tout en hurlant, maugréant, tantôt grave tantôt médium mais toujours menaçant. A l'image de la musique qu'il défend. Dangereuse, malsaine, aiguisée comme un couteau mais massive comme un tonneau de fiel vidé sur un cadavre.
Et soudain, le coup de massue arrive sous la forme d'un sac de plumes après le goudron, en reflet d'une introspection de plus de dix minutes. Rae, Evan et John parviennent encore à se surpasser, à faire monter la fièvre, sans se répéter, mais en cassant le thermomètre pour qu'on ne puisse plus le vérifier. Du Black sordide, du Crust putride, du Harcore solide mais torride, et je ne cherche pas l'exhaustivité loin de là. C'est maladif à outrance, et au passage, ça se permet de réinventer des styles qu'on croyait figés.
Car IMMORTAL BIRD est à l'image du suspect zéro, ce tueur sans visage qui arpente les routes, sans que personne ne se souvienne de son visage. Il peut être livreur de journaux, commercial, quidam anonyme, tout le monde le croise, il est la foule et personne en même temps, et nul n'est capable de le décrire.
Leur musique est une menace qui plane sur nos têtes, et qui s'abat un jour, sans raison particulière, comme si toute catharsis post mortem était refusée d'avance.
Les trois synthétisent tout, et le rendent unique, mais toujours par violence, sans tact, sans introduction, et s'amusent même d'une courte mélodie pour accentuer la fureur qui se déchaîne soudain. C'est un album sans paix, sans silence, sans accalmie. C'est une tempête dans laquelle se débat un pauvre oiseau qui est condamné d'avance.
Mais c'est surtout un exutoire fabuleux. Une transcendance, un voyage au pays des musiques extrêmes, avec comme guide quelqu'un qui sait, qui a vu, et qui a entendu.
Appelez ça comme vous voulez, comme je l'ai fait, par facilité.
Mais comme tout danger sans garde-fou, c'est extrême. Il n'y a que ça à en retenir, c'est extrême. Comme un shoot en vertige dont on ne décroche pas.
Ajouté : Mercredi 11 Novembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Immortal Bird Website Hits: 6294
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