Pas facile l'exercice du live. Comment proposer un disque qui fasse au moins aussi bien que la performance studio ? Comment s'assurer que le soir de l'enregistrement, le public sera au top et répondra à fonds aux sollicitations du groupe. Qu'il y aura cette ambiance qui fait les bons concerts. Cette cinquième voix qui représente l'imprévu, l'inattendu ? La setlist est stratégique. Bien distribuer les morceaux. Les récents, les classiques, les punchy, les plus mélodiques, les hymnes keupon des débuts. Il faut bien sûr compter également sur le talent des musiciens qui vont donner aux fans ce qu'ils veulent. Et enfin, comment ne pas évoquer le rôle de maître de cérémonie du frontman. C'est en live que son rôle de maître de cérémonie est déterminant. Car c'est lui qui doit trouver le bon moment pour parler, haranguer, remuer les gens, les inciter à lâcher la pression. C'est finalement sur ses choix que repose l'embrasement du pit.

Voyons si LOFOFORA a joué la bonne partition avec le troisième projet live de sa carrière.

Suivant la sortie de leur huitième album studio, L'épreuve du Contraire, en septembre 2014, LOFOFORA entame une longue transhumance pour amener le Metal dans les terres de France. Traversant l'hexagone dans tous les sens et même plusieurs fois, la tournée de LOFO a notamment posé ses valises à Mâcon et Dijon à l'hiver 2014. C'est lors de ces deux concerts que le CD Live, L'épreuve du Concert a été capté. Douze ans déjà se sont écoulés depuis le dernier effort live, Lames de Fond. Mais le gang n'a rien perdu de sa puissance, ni de son agressivité. Et si Reuno a un peu blanchi, il demeure toujours aussi tonique et bondissant sur scène, entraînant le public dans son univers et dans sa folie. Si le rôle du frontman est essentiel pour faire vivre une salle, nous tenons en l'espèce un maître de cérémonie particulièrement efficace. Quand nous l'avions interviewé à Lyon en décembre dernier, Reuno nous disait apprécier ces fois "où le public gueule tellement fort que ça te pète les oreilles".
Si le groupe est toujours au poste et assure ces tournées marathon c'est parce qu'ils sont tous "accro à cette adrénaline" et les quatre amis y resteront tant qu'il y aura un public et de l'envie "je voudrais qu'on arrête avant d'être ridicules". On te rassure Reuno, ça n'est pas encore le cas.

Les 17 pistes de la galette vont piocher dans presque tous les méfaits du groupe même si c'est bien entendu l'excellent petit dernier, L'épreuve du Contraire, qui est à l'honneur. La setlist souffle le chaud et le bouillant dans un beau crescendo où les plages de répit sont plutôt rares. Le live démarre avec "Notre Terre", un bon morceau pour s'échauffer, avec sa grosse intro pachydermique et son chant scandé... Ensuite, sur la plupart des dates de la tournée, le groupe a placé son classique "L'oeuf". C'est un peu le morceau qu'on s'attend forcément à entendre, celui que le groupe a joué des milliers de fois et que le public adore. "On la met en début de set comme ça c'est fait". La machine est lancée, les morceaux s'enchaînent, avec ce son organique propre au live. Cette sonorité donne un grain particulier à des chansons comme "Contre les murs". Des guitares violents, de la batterie qui sonne plus naturel. Comme le reflet dans un miroir. La même chose mais un peu différente.

Mais un concert de LOFO ne serait pas un concert de LOFO sans les interpellations de Reuno au public. Et ce soir on est gâtés. "Fait Peter" (l'oeuf), "Maintenant on danse" (l'Innocence), "on aurait quand même voulu savoir avant de continuer la soirée si ce soir dans la salle il y avait quelques sauvages" (le fonds et la forme), "A quelle heure on fout la merde ici ?" (Mémoire de singe), "celle-là pour danser, elle est bien" (trompe la mort), "Vous êtes prêts Mâcon, bordel? " (Elixir), "ça va bien jusque là ou quoi ?" (le malheur des autres), "allez pogo, nom de Dieu" (la tsarine), "ah, ça fait plaisir, j'te jure" (Visceral), "j'aimerais que vous fassiez du bruit pour Schultz de PARABELLUM, faites du bruit" (Ilôt Amsterdam)...

En résumé. Une belle setlist qui balaye tous les grands moments d'une carrière riche en grands moments. Une belle énergie collective portée par un frontman qui chauffe la salle comme un Zip un barbecue. Une durée respectable. Tous les bons ingrédients du bon live sont réunis. Après 25 ans de carrière, les LOFO n'ont jamais cédé à la tentation de la compil, ils nous donnent pourtant aujourd'hui avec cet album live ce qui s'en rapproche le plus.